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L’Iranienne Simin Behbahani - Une plume en liberté

10 juillet 2008

par Delphine Minoui

La République islamique de l’Iran s’apprête à souffler ses trente bougies. Tandis que les foudres de l’intégrisme se remettent à gronder, la poétesse Simin Behbahani, figure emblématique du féminisme iranien, se bat pour la liberté d’expression et les droits de ses consoeurs. Avec audace, élégance et humour. Rencontre.



[...] A 80 ans, Simin Behbahani n’est pas du genre à garder sa plume dans sa poche. « J’ai passé l’âge d’avoir peur », martèle aujourd’hui l’effrontée, en se remémorant cette anecdote croustillante de l’hiver dernier, dans son appartement feutré du sud de Téhéran. Son rouge à lèvres flamboyant et ses mèches peroxydées, qu’elle recouvre d’un léger foulard quand elle sort dans la rue, en disent long sur cette pasionara iranienne, en butte aux religieux qui ne tolèrent que le noir des tchadors.

Son poème circule encore aujourd’hui sous le manteau. Il risque pourtant de lui jouer des tours. En 2006, la revue littéraire Nameh fut contrainte de mettre la clef sous la porte après la publication d’un de ses poèmes évoquant « la fin d’un printemps verdoyant, ensanglanté à cause des fous qui règnent sur terre », en référence à la vague de répression qui sévit depuis la fin du mandat de l’ex-président Khatami (1997-2005).

Censurée pendant dix ans

Simin s’en moque. Telle une funambule, elle poursuit son chemin sur une lame de rasoir, à la limite entre le tolérable et l’interdit : « En Iran, les lignes rouges sont perfides. Officiellement, on ne doit critiquer ni le pouvoir, ni l’islam, ni la morale en vigueur. Mais en fonction des censeurs qui lisent vos textes, et de l’humeur politique du jour, c’est l’arbitraire qui sévit. Ainsi, des termes comme "sein", "vin", "danse" peuvent être facilement proscrits. Alors, il faut ruser... » La poétesse, dont les vers furent censurés les dix années qui suivirent la révolution de 1979, en sait quelque chose.[...]

"Je te reconstruirai, ma patrie"

Je te reconstruirai, ma patrie.
Même avec l’argile de ma propre âme.
Je te bâtirai des colonnes.
Même avec mes propres ossements.
Grâce à ta jeune génération, on s’amusera à nouveau.
Nous ne cessons de pleurer, tellement tu nous manques.
Même si je meurs à 100 ans, je resterai debout dans ma tombe.
Afin de faire disparaître le mal avec mon grognement.
Je suis vieille mais je peux rajeunir pour vivre une nouvelle vie aux côtés de mes enfants.

 Lire le texte intégral dans le magazine Lire.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 26 juin 2008.

Delphine Minoui


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