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L’hypersexualisation : la responsabilité des médias

21 août 2008

par Milaine Alarie et Alexandre Morier, de la CLAP

De nos jours, les vidéoclips que l’on présente aux enfants et adolescents sont de plus en plus sexuels et, de plus en plus fréquemment, on entend des hommes déclarer fièrement que « c’est le genre de vidéoclip que l’on peut écouter ‘sans son’ ». Alors que la société prend de plus en plus conscience de l’hypersexualisation des jeunes filles et de la résurgence des vieux clichés sexistes, les médias tels Musique Plus et Much Music favorisent et tirent profit de cette tendance en présentant en onde des vidéos qui pourraient facilement être qualifié de porno soft. Même si les médias ne sont pas les seuls responsables de l’hypersexualisation des jeunes, il serait grand temps qu’ils prennent conscience de l’influence néfaste qu’ils peuvent avoir sur les enfants et les adolescents.

Vidéoclips ou pornographie ?

Que l’on soit honnête. Rares sont aujourd’hui les vidéoclips qui ont réellement un lien avec les paroles des chansons qu’ils accompagnent. « Le sexe vend », nous dit-on, et certains ont vite compris comment se servir de cette soi-disant liberté sexuelle pour faire du profit. On pense entre autres à la créatrice des Pussycat Dolls, qui a fondé un nouveau groupe musical de jeunes filles à peine majeures, Girlicious. Au moyen d’une compétition télévisée présentée à Musique Plus et Much Music, les jeunes filles apprenaient à être « sexy » grâce à de multiples activités, tels des cours de danse poteau (pole dancing). Une des participantes, ayant refusé de se donner ainsi en spectacle sous prétexte qu’elle voulait devenir chanteuse et non stripteaseuse, a été renvoyée chez elle. Quant aux vidéoclips de ce nouveau groupe, ils reprennent tous les clichés de la pornographie juvénile : au début de la vidéo, les jeunes filles sont vêtues d’un uniforme d’écolière ultra-court et ajusté et font virevolter leur minijupe pour laisser entrevoir leurs sous-vêtements. On assiste ensuite à une scène de striptease au ralenti, dans laquelle les filles se dévêtissent jusqu’à ne garder que leurs sous-vêtements, et le tout se termine par la typique bataille d’oreillers dans une chambre d’enfant peinte de rose.

Des images qui influencent les jeunes

Mais les vidéoclips de Girlicious ne sont qu’un exemple du contenu sexuel des vidéos que l’on montre aux jeunes. Si tous ne partagent pas le même avis quant à l’influence négative que peuvent avoir les images pornographiques sur les relations hommes-femmes, il faut toutefois garder en tête que les adolescents, voire les enfants, composent l’auditoire cible de ces deux chaînes télévisées. Les médias ne devraient-ils pas être plus responsables quant au contenu qu’ils proposent aux jeunes ? Car ces derniers sont influencés par ce qu’ils voient à la télévision. On n’a qu’à regarder la cour de récréation d’une école pour prendre conscience que les enfants reproduisent non seulement le style vestimentaire de leurs idoles, mais aussi leurs attitudes et leurs actes. Des histoires telles que celle d’adolescentes de la deuxième secondaire qui proposent de faire des fellations en vendant des « cartes à pipes » (1), ou celle de sodomie à l’école primaire (2), sont de plus en plus répandues. On peut se demander où les jeunes ont appris ce type de comportement…

Responsabilité des médias dans la banalisation et la propagation de la pédophilie

En repoussant toujours plus loin les limites de ce qui est moralement acceptable, les médias normalisent les rôles de genre sexistes, la violence sexuelle et parfois même, la pédophilie. D’un côté, les médias encouragent les jeunes filles à l’hypersexualisation, à se voir comme des objets de désirs masculins, et d’un autre côté, ils valorisent subtilement la pédophilie en proposant aux hommes des images de plus en plus présentes d’adolescentes sexualisées. Si les images présentées à la télévision banalisent la pédophilie d’une façon très sournoise, la pornographie offre sans gêne une panoplie de films comportant des actrices d’âge à peine légal qui jouent à l’enfant, quand ce n’est pas tout simplement de la pure pornographie juvénile. Il y a ici une contradiction troublante : la société réprimande la pédophilie, tout en permettant la création d’un environnement propice à la pédophilie, où l’on nous bombarde d’images de Lolita hypersexuelles. Certes, il serait ridicule de nier la responsabilité individuelle du pédophile, mais que la société ne joue pas à la vierge offensée et réalise qu’elle contribue à la création de ces monstres.

Alors que Viacom, le géant des médias américains, a intenté récemment une poursuite contre YouTube, exigeant que ce dernier fournisse l’identité des usagers ayant mis en ligne des vidéos non conformes aux lois sur les droits d’auteurs (3), rien n’est fait pour démanteler les sites Internet de nature pédophile. Tout le débat entourant YouTube nous démontre que les droits d’auteurs, parce que rentables, sont d’une plus grande importance aux yeux de la loi que les droits des enfants.

Notes

1. DUQUET, Francine, « Hypersexualisation : plus qu’un phénomène vestimentaire », Journal L’UQAM, vol. XXXIII, no 7, 2006 , [en ligne, site consulté le 5 août 2008].
2. GAGNON, Mélanie M., cité dans POULIN, Richard et Amélie LAPRADE, « Hypersexualisation, érotisation et pornographie chez les jeunes », Sisyphe, [en ligne, site consulté le 5 août 2008].
3. Anonyme,
« Les utilisateurs de Youtube resteront anonymes », Radio-Canada, [en ligne, site consulté le 5 août 2008].

Mis en ligne sur Sisyphe, le 12 août 2007

Milaine Alarie et Alexandre Morier, de la CLAP


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