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Décourager l’écoute de la télévision réduirait les risques d’obésité

17 octobre 2008

par Jacques Brodeur, consultant en éducation et en prévention de la violence

Selon un nouvelle étude publiée par Statistique Canada, du point de vue de la santé publique, décourager l’écoute de la télévision réduit les risques de surplus de poids plus que d’encourager la pratique d’activités physiques. Et si on faisait les deux ?



En France, divers organismes font pression en ce moment pour interdire les messages publicitaires à la télé durant les émissions pour enfants. Ici, au Québec, la pub aux moins de 13 ans est illégale depuis une trentaine d’années. Or, la preuve est faite à l’effet que les enfants ne sont pas affectés seulement durant les pubs, selon une étude récente de Statistiques Canada.

Le lien entre la télévision et le surplus de poids était déjà connu chez les enfants et les ados. Il est également présent chez les adultes, révèle cette étude menée auprès de 42 612 personnes.

La probabilité qu’une personne souffre d’obésité augmente de 80% lorsqu’elle passe 21 heures par semaine devant le petit écran (3 heures par jour), comparativement à celles qui y passent 5 heures ou moins. Dans le cas de l’ordinateur, les hommes qui s’en servent plus de six heures par semaine pendant leur temps de loisirs sont 20% plus susceptibles d’être obèses. Ce risque est de 30% pour les femmes.

Les chercheurs de Statistique Canada sont arrivés à déterminer ces probabilités en isolant quatre (4) autres facteurs : l’âge, l’état matrimonial, le revenu et le lieu de résidence. Les grands consommateurs de télévision ont de moins bonnes habitudes de vie : moins enclins à manger leurs cinq portions quotidiennes de fruits et de légumes, plus sédentaires. Quand on est assis devant la télé, on est porté à grignoter, notamment à cause des produits suggérés par la pub. Même lorsqu’on isole le nombre d’heures de télé des autres facteurs associés à une moins bonne hygiène de vie, le lien avec l’obésité demeure significatif. « Après le sommeil, l’écoute de la télévision est l’activité qui demande le moins d’énergie au métabolisme », explique Madame Mandeville, de Statistique Canada.

La demande d’énergie métabolique (indice MET) est de 0,9 lorsqu’on dort. On passe à 1,0 lorsqu’on regarde la télé, à 1,3 lorsqu’on lit, à 1,5 en jouant aux cartes, à 1,8 lorsqu’on écrit à l’ordinateur, à 2,5 lorsqu’on range l’épicerie. Selon Madame Mandeville, les conclusions de la recherche permettent d’affirmer que, du point de vue de la santé publique, il est plus rentable « de décourager l’écoute de la télévision que d’encourager la pratique d’activités physiques. »

Réponse concertée

Depuis avril 2003, plus d’une centaine d’écoles du Québec et de l’Ontario ont organisé un arrêt concerté de consommation de petits écrans. Les préparatifs touchent les enfants et les parents et leur permet de VOULOIR et de POUVOIR le faire durant 10 jours. Et les résultats ont de quoi impressionner. Partout, l’activité préférée des enfants et des ados pour remplacer les écrans a été le sport et l’activité physique.

En mai 2008, ce DÉFI des 10 jours a permis de mobiliser le personnel et les parents d’une première école de Strasbourg, en France. Là-bas, des dizaines de médias des quatre coins du pays ont rapporté la nouvelle de façon élogieuse. Des sceptiques ont questionné le sérieux du projet. Cette privation de petits écrans est-elle une forme censure ? A-t-on promis une récompense pour faire « marcher » les enfants ? Pourrait-on obtenir les mêmes résultats si on privait les enfants de télé sans leur consentement ? Faudrait-il plutôt organiser une classe-nature ? Le DÉFI « 10 jours pour voir autrement » est tout sauf une punition. Ce n’est pas une privation imposée, mais un arrêt concerté, planifié et volontaire. Et l’exploit n’est suivi d’aucune récompense autre que la fierté d’avoir vaincu des adversaires parmi les plus puissants et les plus riches au monde : les industries du divertissement, du marketing et les médias électroniques.

Pourquoi pas une classe nature ? Parce que les enfants d’Amérique et d’Europe de moins de 14 ans passent entre 20 et 30 heures branchés à un appareil qui leur a présenté 100 000 actes d’agression et 8 000 meurtres ; leur cerveau a aussi encaissé plus 12 000 minutes de pub par année, toutes favorables à la surconsommation.

Remède de santé publique

En avril 2007, les parents, les enseignants et les élèves de l’école primaire Jacques-Rocheleau, sur la Rive-sud de Montréal, ont relevé le DÉFI 10 jours sans écrans. Les 653 élèves (y compris 186 enfants de Maternelle) ont gardé les écrans fermés durant 8,9 jours en moyenne et les deux tiers ont réussi à les garder fermés durant 10 journées complètes.
Résultats ? Le DÉFI a été jugé utile par 88% des parents, par 79% des élèves et par 95% des membres du personnel. 66% des parents et 71% du personnel considèrent que le DÉFI a permis d’améliorer la santé et le bien-être des enfants.

Le principal changement constaté ? Augmentation de la pratique d’activités physiques et sportives constatée par 75% des parents et 87% des enfants. 52% des enfants ont également lu plus souvent.
Les devoirs et leçons se sont améliorés disent 45% du personnel. 70% des parents et 69% des enfants disent avoir passé plus de temps en famille. Papa et maman ont eux aussi réduit le temps passé devant la télé, respectivement 55% et 71%. 40% des parents ont noté une augmentation de l’aide fournie à la maison par leur enfant.

L’expérience ne semble pas avoir rendu les enfants maussades puisque 40% des parents, 56% des enfants et 66% du personnel ont trouvé l’humeur des enfants meilleure. 58% du personnel ont noté une amélioration de la concentration en classe et 78% ont jugé que les énergies investies dans le DÉFI rentables au plan pédagogique.

Que se passe-t-il après les 10 jours ? Invités à garder la consommation de petit écran inférieure à 7 heures semaines durant les mois suivants, 88% des parents se disent prêts à collaborer. Comme personne ne peut (et ne veut) garder les enfants à l’abri des médias indéfiniment, il faut se réjouir que 82% du personnel et 57% des parents disent avoir constaté que la préparation au DÉFI 10 jours a permis d’aiguiser le sens critique des enfants. Surprise ! 77% des parents et 52% des enfants se disent prêts à reprendre le DÉFI chaque année.

Si pour prévenir les risques de surplus de poids et d’obésité, il est plus rentable de décourager l’écoute de la télévision que d’encourager la pratique d’activités physiques, que dire de ce DÉFI 10 jours qui fait les deux. Ne voilà-t-il pas une excellente nouvelle pour les enfants et les parents des deux côtés de l’Atlantique ?

 Prévention de la violence, Éducation à la Paix, Éducation aux médias
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Mis en ligne sur Sisyphe, le 17 octobre 2008

Jacques Brodeur, consultant en éducation et en prévention de la violence


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