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Des crimes contre l’humanité impunis

25 juillet 2002

par Micheline Carrier

Au printemps 2001, l’opinion occidentale s’est beaucoup émue lorsque les talibans, ces fanatiques religieux qui se sont rendus maîtres de l’Afghanistan de façon illégitime, ont détruit des statues de bouddhas témoins d’une époque pré-islamiste. L’UNESCO a alors parlé de crime « culturel » contre l’humanité. Bien sûr, la destruction de ces oeuvres représente une perte considérable pour le patrimoine mondial.



Mais les femmes afghanes, elles, auxquelles les talibans nient depuis six ans le droit à l’existence même, ne sont-elles pas victimes tous les jours de crimes contre l’humanité ? Leur sort n’a pas suscité la même indignation. Des femmes valent-elles moins que des statues aux yeux de pays démocratiques qui n’hésitent pourtant pas, quand leurs intérêts économiques nationaux le commandent, à intervenir et à imposer leur loi là où ils le veulent ?

Le 7 octobre 2001, les États-Unis ont riposté aux attentats du 11 septembre qui ont fait environ 6 000 victimes à New York et à Washington. Ils lancent des missiles et bombardent l’Afghanistan dans l’espoir que les talibans cèdent et leur livrent le chef terroriste Oussama Ben Laden. L’Afghanistan est aux mains de ce groupe d’extrémistes depuis 1996, mais il est en guerre perpétuelle depuis vingt-deux ans. De 1979 à 1989, il a combattu l’occupation soviétique, pour ensuite sombrer dans une guerre à caractère ethnique et religieux.

Installé au pouvoir en 1996 avec l’argent et les armes du Pakistan, entre autres, le régime taliban est sans doute le régime le plus misogyne, cruel, rétrograde et fanatique de la planète. Il contrefait à ses fins les écritures saintes des musulmans pour justifier les lois qu’il s’invente. Il terrorise sans arrêt la population afghane en l’obligeant à assister à des actes de torture et à des exécutions publiques. Il traite les femmes comme des sous-humaines. À compter de douze ans, les petites filles sont soumises aux mêmes contraintes que les femmes. Non seulement les talibans assignent-ils les femmes à demeure. Mais encore il les emprisonne dans un vêtement (le burqa) qui les couvre de la tête aux pieds et gêne leurs mouvements et leur respiration. L’obligation de s’envelopper dans le burqa n’a rien à voir avec l’enseignement de l’Islam, mais il traduit la volonté du régime taliban d’écraser les femmes et tout signe de féminité.

Les femmes afghanes se risquent-elles à l’extérieur de la maison ? Elles doivent avoir « une bonne raison », définie par les talibans, et se faire accompagner d’un homme de la famille sous peine d’être arrêtées et maltraitées. Le régime taliban leur interdit également le travail, l’éducation, les soins de santé et, comme aux hommes, les distractions. On peint même les vitres des maisons afin que les femmes ne soient pas vues de l’extérieur. Plusieurs femmes sont obligées de mendier pour faire vivre leurs enfants, surtout les dizaines de milliers de veuves de guerre. D’autres se prostituent ou se suicident.

Le régime taliban tue les femmes à petits feux, quand il n’en exécute pas sur la place publique sous n’importe quel prétexte frivole. « Dans aucun pays au monde (sauf en Afghanistan), aucun gouvernement n’a jamais décrété l’assignation à résidence de plus de la moitié de sa population pour cause de féminité ! » (NEGAR, Association de soutien aux femmes afghanes », 23 octobre 1998).

Avant que ne survienne l’incident des bouddhas, ces émules d’Hitler (ils ont obligé les afghans hindous à porter un tissu ou signe quelconque de couleur jaune afin qu’on puisse les identifier) ont eu l’audace de demander à l’ONU de les reconnaître comme gouvernement légitime et d’accueillir leur représentant. Pire encore. Cette demande avait commencé à trouver des oreilles sympathiques au sein de la communauté internationale ! Des gens naïfs ou inconscients croyaient pouvoir amener ainsi le régime taliban à plus de bon sens.

Ce dossier décrit la situation des femmes en Afghanistan, donne la parole à la résistance féministe afghane, suggère des moyens de venir en aide aux victimes d’un gynécide muet et, enfin, analyse les difficultés des Afghanes sur le chemin de la liberté.

Micheline Carrier


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