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Une grande féministe, Laurette Chrétien-Sloan, décédée en décembre 2009

12 janvier 2010

par Claudette Jobin, présidente de la Ligue des femmes du Québec

Le mouvement féministe vient de perdre une pionnière, Laurette Chrétien-Sloan, décédée le 28 décembre 2009 à Montréal, à l’âge de 83 ans.

Présidente de la Ligue des femmes du Québec de 1975 à 1985, Laurette Chrétien-Sloan fut une militante de la première heure de la Ligue des femmes du Québec, fondée en 1957.

Née dans l’Outaouais en 1926, quatrième d’une famille de 13 enfants, Laurette est embauchée à 16 ans dans une usine de munitions pendant la Deuxième Guerre mondiale. Elle épouse quelques années plus tard un jeune ingénieur, Edward Sloan, et élève cinq enfants, ce qui ne l’empêche toutefois pas de s’intéresser aux questions sociales.

Comme elle le raconte dans une entrevue enregistrée en 2001, son premier 8 mars, fête internationale des femmes, remonte à 1963. Notre présidente d’alors, Mme Blanche Gélinas avait invité à cette occasion Mme Simonne Monet-Chartrand comme conférencière.

C’est en 1962 qu’une délégation de la Ligue se rend à Québec pour présenter un mémoire pour faire amender le code civil, appuyant en cela l’initiative de la première femme députée à Québec, Mme Claire Kirkland-Casgrain. Élue en 1961, Mme Claire Kirkland-Casgrain entendait améliorer le Code civil qui avait jusqu’alors consacré l’incapacité juridique des femmes mariées. Le projet de loi 16 est déposé sous son marrainage et voté en 1964.

De plus en plus engagée dans les activités de la Ligue, Laurette Chrétien-Sloan s’affiche également comme militante pacifiste, à l’exemple de la Voix des femmes et spécialement de Mme Thérèse Casgrain.

Succédant à Blanche Gélinas, Laurette Chrétien-Sloan, élue présidente en 1975, apporte un nouveau souffle à la Ligue. Depuis la Révolution tranquille, la lutte pour l’égalité des femmes s’intensifie au Québec et ailleurs. Les revendications de la Ligue portent alors principalement sur la mise sur pied par l’État d’un réseau universel de garderies financé par le gouvernement ; la décriminalisation de l’avortement ; la mise sur pied des centres de services sur la contraception et le planning familial ainsi que des cliniques pour l’avortement sur demande, des congés de maternité payés pour les travailleuses, des lois pour un salaire égal pour un travail d’égale valeur.

Laurette Chrétien-Sloan met aussi sur pied une équipe pour réaliser une enquête sur les conditions de travail des ouvrières du vêtement et de la chaussure à Montréal. Des témoignages de travailleuses feront l’objet d’un documentaire intitulé De fil en aiguille, et de reportages. Soucieuse de rapprochement entre immigrantes et Québécoises de souche, elle organise des rencontres avec des femmes des communautés grecque, italienne, haïtienne et portugaise. Elle développe également le volet solidarité internationale : Montréal est l’hôte en 1981 du Séminaire des Nations-Unies La femme sous l’apartheid, grâce à la collaboration de la Ligue des femmes du Québec.

Après avoir milité toutes ces années, Laurette Chrétien-Sloan a pris une retraite progressive bien méritée. Pour tous ceux et celles qui ont connu cette militante qui a fait avancer la cause des femmes, elle laisse le souvenir d’une personne authentique et chaleureuse.

Claudette Jobin,
Présidente de la Ligue des femmes du Québec
Montréal, le 12 janvier 2010

  • Site de La Ligue des femmes du Québec

    LA RIGUEUR DU PAPE, L’EXPÉRIENCE DE LAURETTE…*

    Laurette Chrétien-Sloan a présidé la Ligue des femmes du Québec de 1975 à 1985.

    La façon dont elle s’est toujours servi de son franc-parler est peu commune chez les femmes de sa génération.

    Lors d’un voyage à Bagdad en 1986, Laurette ne s’est pas gênée pour dire au reporter de la télé irakienne qui l’interviewait qu’elle déplorait la guerre Iran-Irak qui faisait rage depuis six ans, ajoutant que le temps lui semblait venu de faire cesser les atrocités.

    Quelques années plus tôt, au Centre Saint-Pierre de Montréal, lors d’une conférence de presse pendant laquelle les évêques du Québec venaient de dénoncer "le crime abominable de l’avortement", Laurette s’est courageusement avancée au micro pour faire la mise au point que voici :

    "J’ai mis au monde et élevé cinq enfants, a-t-elle dit devant la presse et les porte-parole de l’épiscopat. J’ai également subi trois avortements pour terminer volontairement des grossesses qu’il ne me convenait pas de mener plus loin.

    "Mon mari et moi cultivons les valeurs familiales mais nous savons qu’un enfant mérite d’être bien accueilli. Je vous entends dire que vous voulez sauver les femmes de prétendues séquelles psychologiques et physiques qui n’existent que dans les imaginations trop fertiles, croyez-en mon expérience.

    "La petite masse de cellules qu’on retire lors d’un avortement est moins impressionnante qu’une dent que le dentiste arrache. Il ne s’agit pas d’une personne.

    "Je garde ma compassion pour les vrais problèmes et les vraies personnes !"

    Gageons que la mère de Jean-Paul II, morte en couches,* en 1929, aurait été entièrement d’accord.

    * Source : Marchessault, Guy, Le Pape chez nous, Éditions Novalis Ottawa, 1983

    * Portraits de femmes. Archives de la Ligue des femmes du Québec

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 12 janvier 2010

    Claudette Jobin, présidente de la Ligue des femmes du Québec


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