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Amnesty et les intégristes : une vieille histoire, l’exemple de l’Algérie

5 mars 2010

par Marieme Helie Lucas, sociologue et coordonnatrice de Secularism Is A Women’s Issue

Chères amies,

Je vous serais très reconnaissante de faire passer ces nouvelles sur le site de Sisyphe. Depuis des décennies nous, Algériennes, avons tenté d’alerter les organisations de droits humains sur les difficultés que nous causait leur façon de défendre les intégristes, qui allait bien au delà de la simple défense de leurs droits fondamentaux, et allait jusqu’à leur fournir une plateforme politique. Gita Sahgal, chef de l’unité de genre à Amnesty international (Londres), a eu le courage d’attirer l’attention des médias sur leurs procédés politiques. Amnesty l’a suspendue.

Nous la soutenons, comme vous pourrez le voir dans les liens suivants. Donnez-nous de la visibilité internationalement.

Je vous adresse également un texte vieux de 2005 qui demandait encore une fois, en vain, aux organisations de droits humains de revoir leur politique. (Voir un extrait de ce texte ci-dessous et le lien pour lire la version intégrale).

Bien à vous,

Marieme Hélie Lucas, coordonnatrice de Secularism is a Women"s Issue.


« Amnesty et les intégristes : une vieille histoire, l’exemple algérien », par Marieme Helie Lucas, sociologue algérienne. Elle a fondé le Réseau international de solidarité Femmes Sous Lois Musulmanes (wluml.org) et elle est la coordonnatrice de Secularism Is A Women’s Issue (siawi.org).

Il y a environ vingt ans que les organisations de droits humains ont entamé un processus au long cours, par lequel elles visent à inclure les droits des femmes dans leur mandat. C’est ainsi que la violence domestique, commise par des acteurs non étatiques, est maintenant prise en compte. Mais il est une question qu’il faut traiter de façon urgente : celle des acteurs non étatiques politiques, quand ils attaquent les femmes défenseures des droits humains. L’intérêt exclusif porté à la responsabilité de l’État et à son devoir de protection a des conséquences périlleuses sur les droits humains des femmes et sur leurs défenseurs.

Cet article a été présenté lors de la première Consultation Internationale des Femmes Défenseures des Droits Humains, qui s’est tenue à Colombo, Sri Lanka, en décembre 2005. Assistaient à cette Consultation de nombreuses organisations de droits humains, dont Amnesty International. L’article a été publié par la Coalition Internationale des Femmes Défenseures des Droits Humains (www.defendingwomen-defendingrights)(...)

Traditionnellement, les organisations de droits humains ont porté toute leur attention sur la responsabilité des États. Certes, il ne fait aucun doute que cette approche est nécessaire, et qu’en aucun cas elle ne saurait être mise en cause par le processus de prise en compte de la responsabilité d’autres nouveaux acteurs, qui s’engage actuellement. Traditionnellement aussi, lorsque les organisations de droits humains ne pouvaient ignorer les crimes commis par des acteurs non étatiques, elles utilisaient le concept de devoir de protection et exigeaient de l’État et de lui seul qu’il assure la protection des citoyens. C’est de cette façon qu’elles ont traité le problème de la violence domestique et celui de la responsabilité des familles dans les cas de crimes d’honneur, par exemple. Il est cependant des cas où les États sont dans l’incapacité d’assurer la protection des citoyens, mais où la responsabilité des acteurs non étatiques ne peut être camouflée derrière la responsabilité de l’État. C’est particulièrement le cas dans les situations de conflits armés.

Le monde a changé depuis la création des organisations de droits humains, il y a quelque cinquante ans. Les guerres sont maintenant rarement le fait des armées régulières de deux nations. La plupart des conflits armés dans le monde d’aujourd’hui impliquent soit deux acteurs non étatiques, soit un État et un acteur non étatique, qui se bat pour le contrôle du pouvoir, au moyen de forces armées qui ne sont pas les armées officielles. Bien souvent la population est prise en otage entre ces forces armées, qu’elle prenne ou non parti pour l’un des camps : terroriser la population est devenu une arme de guerre. C’est pourquoi, en Algérie, durant le conflit qui a opposé pendant trois décennies l’État aux forces intégristes et aux Groupes Islamiques Armés (GIA), conflit qui culmina dans les années 90, on a inventé un nouveau concept : celui de ’guerre contre les civils’, au lieu de ‘guerre civile‘. Dans ce type de conflit, les femmes sont en première ligne, cibles privilégiées de la violence terroriste.

En Afghanistan sous l’occupation soviétique tout comme en Algérie dans les années 90, l’intérêt exclusif porté à la responsabilité étatique a mené à des situations où les victimes de la répression de l’État ont reçu le soutien des organisations de droits humains, alors que les victimes des acteurs non étatiques furent ignorées. Nous examinerons les conséquences de cet état de choses, en utilisant des exemples tirés de l’expérience algérienne. Toutefois, il est clair que des situations similaires ont existé ces vingt dernières années dans d’autres pays, comme par exemple en Afghanistan, en Palestine, en Irak. Les problèmes conceptuels que je soulève ici sont applicables à bien d’autres cas où des acteurs politiques non étatiques, tels les groupes armés intégristes, ont une double identité : à la fois celle de victimes de la répression de l’État et celle de criminels auteurs de violations des droits humains en général et des droits des femmes en particulier.

Persécution des femmes défenseures des droits humains

On estime que la ’guerre contre les civils’ en Algérie a fait entre 150 000 et 200 000 victimes pendant la décennie 90, beaucoup d’entre elles du fait des groupes armés intégristes. Pendant cette période, les femmes ont été menacées, tuées, torturées, mutilées, violées, brûlées et forcées en esclavage domestique et sexuel au sein des maquis des GIA, plusieurs sont disparues. Alors que la plupart des hommes attaqués par les intégristes l’étaient pour leur défense des droits humains, les femmes furent attaquées aussi bien en tant que défenseures des droits humains qu’en tant que femmes, per se.

Les femmes ont affronté un véritable fémicide : les groupes armés intégristes annonçaient à l’avance, par voie de ’communiqués’, ainsi que par des affiches postées aux portes des mosquées lors des grands rassemblements de fidèles pour la prière du vendredi, quelle catégorie de citoyens serait leur prochaine cible : ce furent les ’intellectuels’, les ’artistes’, les ’journalistes’, les ’étrangers’, etc… Jusqu’à ce qu’un jour la catégorie visée soit… les ’femmes’. Si l’on peut décider de ne pas, ou plus, être journaliste ou artiste, il est difficile d’éviter d’être une femme. Et être une femme était alors une raison suffisante pour être persécutée par les groupes intégristes armés. Les femmes furent attaquées quel que soit leur statut social, leur profession, leur foi religieuse, leur code vestimentaire, etc… Les femmes furent tuées pour être sorties de leurs maisons ; mais elles furent aussi tuées, kidnappées ou violées à l’intérieur de leurs maisons. Il n’y avait plus aucun lieu de sécurité pour les femmes. Elles furent persécutées pour l’unique raison qu’elles étaient des femmes qui, contre les ordres des intégristes, exerçaient leurs droits fondamentaux. Ceci explique pourquoi, parmi les femmes victimes, se trouvaient des femmes voilées et des femmes qui ne l’étaient pas, des femmes conservatrices qui ne s’opposaient pas aux intégristes et des femmes qui leur étaient totalement opposées (...).

 Lire l’article intégral à cette page.

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3. « A.I. and Muslim fundamentalists : an old story ! The Algerian example »
4. « Amnesty et les intégristes : une vieille histoire - L’exemple algérien »
5. « More on the A.I. Controversy - Statement by the International Coalition of Women Human Rights Defenders »
6. « Pétition globale à Amnistie internationale : Restaurez l’intégrité des droits humains »
7. « Global Petition to Amnesty International : Restoring the Integrity of Human Rights »
8. « Statement by Algerians, survivors, family or friends of victims of fundamentalist violence on the affair Gita Sahgal vs Amnesty International/Moazzam Begg »
9. « Salman Rushdie’s statement on Amnesty International »
10. « The AI/fundamentalists alliance controversy : Kodachrome »
11. « Algérie : Le code de la famille - Les femmes contre l’intégrisme »

Et bien d’autres choses encore sur ces deux sites.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 mars 2010

Marieme Helie Lucas, sociologue et coordonnatrice de Secularism Is A Women’s Issue


Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=3542 -