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Reprise des travaux à l’Assemblée nationale
Les membres du Parti libéral du Québec peuvent compléter la réforme du mode de scrutin

25 septembre 2010

par Mercédez Roberge, présidente du MDN

Lettre ouverte aux membres du Parti libéral du Québec



En tant que membre du Parti libéral du Québec, vous aurez à choisir un nouveau programme dans un an. Avant d’arriver à cette étape, il serait utile de faire le bilan des réalisations du programme précédent. En matière de réforme du mode de scrutin, le bilan du PLQ comporte beaucoup d’actions, mais le travail est inachevé. Pourtant, le prochain programme du PLQ pourrait être muet sur la question. Un rappel des faits et des engagements pris pourrait être utile pour la suite des choses, puisqu’il vous appartient d’amener la direction de votre parti, et les personnes siégeant en votre nom à l’Assemblée nationale, à respecter vos décisions.

En 2002, vous décidiez qu’un prochain gouvernement libéral « procédera, dans les deux ans et après consultation, à une réforme du mode de scrutin afin d’introduire des modalités de représentation proportionnelle ». Deux mois plus tard, cet engagement était présenté dans deux mémoires du PLQ. Lors de ses discours inauguraux de juin 2003 et mars 2006, M. Jean Charest a même insisté sur cette promesse : « Nous nous étions engagés à proposer un nouveau mode de scrutin incluant des modalités de proportionnelle […] Dans la foulée de nos engagements, nous mènerons à terme cette réforme fondamentale pour l’avenir de la démocratie québécoise. »

En 2004, le gouvernement a déposé un avant-projet de loi sur la réforme. En 2005-2006, il a tenu des consultations à ce sujet dans le cadre de la Commission spéciale sur la loi électorale (CSLE). Les conclusions de l’exercice étaient limpides : le statu quo était refusé à 86%, et un projet de loi comblant les lacunes de l’avant-projet était massivement demandé. Le 9 mars 2006, M. Benoît Pelletier, alors ministre responsable de la réforme des institutions démocratiques, concluait ainsi la CSLE : « Ce que souhaite une majorité significative des intervenants et, je crois, de la population en général, c’est une Assemblée nationale qui reflète avec plus de justesse, plus d’équité les voix exprimées lors des élections. » En avril et mai 2006, les rapports du comité citoyen et des parlementaires de la CSLE attestaient de la volonté et de la nécessité de réformer. En décembre 2008, c’était au tour du Directeur général des élections de souligner les consensus exprimés devant la CSLE, notamment sur les balises devant guider le choix d’un nouveau modèle. À cela s’ajoutait bien entendu les interventions d’organismes comme le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) pour rappeler les demandes faites par la population.

Ainsi, les éléments permettant au gouvernement de respecter votre programme sont en place depuis 2006 ; pourtant, depuis ce temps, le PLQ a cessé d’y travailler. Auriez-vous adopté un autre programme durant l’été 2006 ? Non, votre programme a été changé sans votre consentement, en même temps qu’étaient écartées les 2000 interventions citoyennes faites devant la CSLE.

Comment ? Plusieurs mois après le dépôt des rapports de la CSLE, 300 maires ont réclamé par lettre le maintien du statu quo. Le caucus libéral a alors invoqué une prétendue opposition des régions pour reculer sur le dossier, bien que la population des municipalités en cause n’ait pas été consultée. Pas étonnant que le rapport commandé au DGEQ, sur les modalités d’un système mixte compensatoire, ait été tabletté dès son dépôt.

Qu’est-ce qui justifie une telle réaction ? La réponse réside dans le pari que le mode de scrutin majoritaire continuera d’avantager le PLQ. Votre parti bénéficie en effet plus que les autres des surreprésentations qui caractérisent le système actuel. Depuis 1960, le PLQ obtient, en moyenne, 17% de sièges de plus que la part qui devrait lui revenir en fonction des votes exprimés lors d’une élection générale, tandis que ce bonus est de 12% pour le PQ. De plus, le PLQ souffre moins sévèrement de la sous-représentation que le PQ (déficit moyen de 8% contre 20%).

Il n’est pas rare d’entendre dire que le PLQ ne remplacera jamais un mode de scrutin qui lui assure généralement une surreprésentation. Cet avantage risque toutefois de se retourner contre votre parti, car la population n’est pas dupe. Elle ne peut que durcir son jugement envers un parti qui maintient un système inéquitable par pur calcul politique.

En utilisant le mode de scrutin actuel, le PLQ fait pourtant à chaque élection un pari très risqué, puisque ce système, qui peut vous être si favorable, peut également vous voler le pouvoir, comme cela s’est produit en 1944, 1966 et 1998.

Au printemps 2010, le gouvernement avait l’occasion de respecter son programme, mais il ne l’a pas saisie, malgré un appel de plus cent organisations représentant plus d’un million de personnes, appel initié par le MDN. En refusant d’agir sur le dossier de la réforme, le gouvernement a compromis le calendrier d’implantation permettant l’utilisation d’un mode de scrutin à finalité proportionnelle aux prochaines élections générales. Il ne peut se décharger de cette responsabilité sur aucun autre parti.

Le 31 janvier 2006, le ministre Pelletier écrivait dans une lettre ouverte (Le Soleil) : « Jamais un gouvernement québécois n’est allé aussi loin dans le sens d’une réforme du mode de scrutin. Cela tient sans doute au fait que, pour un nombre sans cesse croissant de Québécois, le statu quo est devenu inacceptable. »

Tous les partis siégeant à l’Assemblée nationale depuis 2003 se sont engagés à changer le mode de scrutin (voir la recension des engagements des partis politiques depuis 1969 sur le site du MDN). Cela donne l’occasion au gouvernement de prendre l’initiative et de mener à terme la réforme promise. Le PLQ a la capacité d’agir pour que les prochaines élections générales soient équitables, mais le temps presse. Il faut cesser d’ignorer les consensus en faveur de la réforme du mode de scrutin. En tant que membres du PLQ, vous pouvez amener votre parti à se démarquer des autres en respectant les vœux exprimés par la population, ainsi que vos propres décisions.

Mercédez Roberge
Présidente du Mouvement pour une démocratie nouvelle
Courriel.
Le 24 septembre 2010

Contexte : Durant l’automne 2010, le Mouvement pour une démocratie nouvelle s’adressera aux membres des trois partis politiques qui ont refusé d’agir lors de la récente campagne Urgence démocratique. Par l’entremise des médias, des lettres ouvertes seront ainsi transmises aux membres du Parti québécois (10 septembre), du Parti libéral du Québec (24 septembre) et de l’Action démocratique du Québec (à venir). Les trois lettres seront diffusées sur le site du MDN.)

Mis en ligne sur Sisyphe, le 24 septembre 2010

Mercédez Roberge, présidente du MDN


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