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M. P. acquitté des viols commis contre Anne, son employée

28 mars 2011

par Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT)

Mercredi 24 mars, conformément aux réquisitions de l’avocate générale, la Cour d’Assises de la Moselle a acquitté M. P, poursuivi pour des viols commis à l’encontre d’Anne, jeune femme de 34 ans sa cadette et dont il était l’employeur.

    "Les problèmes importants auxquels nous sommes confrontés ne peuvent être résolus avec les habitudes de pensée qui ont été à l’origine de leur apparition" (A. Einstein)
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C’est avec une immense déception que nous vous annonçons l’acquittement de M. P. par la Cour d’Assises de la Moselle. Déception d’autant plus grande que l’appel à soutien lancé par l’AVFT pour Anne a suscité une très grande solidarité et que de nombreuses victimes nous avaient indiqué s’être fortement identifiées à Anne et à son combat.

Même si le raisonnement de l’ordonnance de mise en accusation devant la Cour d’Assises rendu par la chambre de l’instruction continuera à irriguer des procédures à venir,

Même si Anne a eu droit à un procès dont tant d’autres sont privées,

Même si les violences dont elle a été victime ont pu être exposées publiquement (Anne ayant tenu à ce que les débats ne se tiennent pas à huis clos),

Même si la présidente de la Cour d’Assises a manifesté, à l’occasion des questions posées, sa compréhension des enjeux, en matière de contrainte et de consentement, posés par le procès, cette décision démontre le chemin qu’il reste à parcourir pour que les viols commis par l’utilisation de la contrainte soient pris en compte par la justice.

Cet arrêt constitue un échec de la justice à plusieurs titres, et même pour certains au-delà de la décision prise par la Cour d’acquitter l’accusé :

 Trois jours d’audience n’auront pas été suffisants pour donner à la parole d’Anne la place qu’elle méritait.

 Trois jours d’audience n’auront pas non plus été suffisants pour que soit effectuée une instruction complète à l’audience, comme la procédure criminelle le prévoit. Plusieurs témoignages de victimes entendues lors de l’enquête n’auront pas été lus.

 Aucune conclusion n’aura été tirée de l’identité, en termes de violences sexuelles vécues, des stratégies de l’agresseur, des menaces, des conséquences, des témoignages d’Anne et d’une autre jeune femme, qui jusqu’à ce qu’Anne porte plainte, ignoraient l’existence l’une de l’autre et ne se sont jamais rencontrées. Cette autre jeune femme a justifié son refus de répondre à la citation à témoin dans une lettre lue par la présidente, par sa « difficulté à relever la tête et atteindre la ligne de flottaison. Pour que ce passé si terrifiant ne redevienne pas mon quotidien ».

 L’audience n’aura pas permis de mettre à nu les techniques de manipulation rhétorique de l’accusé, qui en lieu et place de répondre aux questions posées, noyait la Cour sous une masse d’informations annexes.

 Anne et ses parents, non juristes, auront été mis en cause pour n’avoir pas toujours maîtrisé la définition juridique du viol et l’usage de ce terme au cours de la dénonciation.

 L’audience aura grandement focalisé sur ce que doit être le « bon » comportement d’une victime de violences sexuelles, ainsi que de celui de ses parents, en particulier de sa mère.

 La police de l’audience n’aura pas toujours garanti la sérénité qui sied à des débats de Cour d’Assises.

 L’avocate générale, qui requérait pour la première fois en Cour d’Assises, aura pris pour argent comptant les affirmations de la défense tandis qu’elle aura systématiquement remis en cause les explications des parties civiles et aura pu dire, en dépit de témoignages concordants d’autres jeunes femmes dont la plupart ne se connaissait pas, que « dans ce dossier, c’est la parole de l’un contre la parole de l’autre, avec des rumeurs et des on-dit ».

La position de l’avocate générale est d’autant plus préjudiciable qu’en l’absence d’appel du parquet général, cette décision ne peut faire l’objet d’un appel par la partie civile.

Le déroulement des débats soulève en outre des questions d’ordre général auxquelles des réponses devront être apportées :

 Comment les rapports de classe et les enjeux de pouvoir liés à la maîtrise du langage pourraient-ils être pris en compte par la justice, et en particulier la justice criminelle ?

 À quelles conditions le jury populaire peut-il être mis en mesure de s’approprier les enjeux juridiques et le contenu entier du dossier compte tenu du caractère oral de l’instruction à l’audience d’Assises ?

 Qu’est-ce qui justifie que les avocats de la défense, qui ont la parole en dernier, bénéficient d’une immunité totale par rapport au mensonge ?

 Comment garantir que le traitement médiatique du procès, en l’espèce des articles écrits par une journaliste dont la connivence avec les avocats de la défense était manifeste, ne puisse influer sur son déroulement ?

L’absence de motivation des arrêts criminels empêche de tirer tout enseignement et toute analyse de la décision rendue par la Cour d’Assises de la Moselle. Les Questions Prioritaires de Constitutionnalité actuellement soumises à la Cour de Cassation ne permettront pas de réformer ce point car elles ne concernent que les arrêts de condamnation.

Le courage, la détermination et l’exigence de justice d’Anne, qui a aujourd’hui 25 ans, a forcé notre admiration depuis que nous la connaissons et plus particulièrement encore pendant ces trois jours.

Merci à elle.

Nous vous remercions aussi chaleureusement pour les soutiens de toute nature que vous lui avez apportés.

Information

Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT Libres et Égales)
51, boulevard Auguste Blanqui
75013 Paris
Tél : 01 45 84 24 24
www.avft.org

Mis en ligne sur Sisyphe, le 27 mars 2011

Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT)


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