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Affaire Dominique Strauss-Kahn : victime contre victime ?

18 mai 2011

par Catherine Albertini, chercheure et membre de Choisir la cause des femmes

Montrer un homme présumé innocent menotté dans une affaire de crime sexuel est indigne, dégradant, insupportable, inhumain, cruel et impossible en France.

La violence insupportable de ces images d’un homme déchu qui ont fait le tour de la planète a suscité un tollé parmi les élites françaises qui y voient la volonté d’humilier le Pays des Droits de l’Homme, rien que ça. Surtout quand cet homme, présenté comme le Sauveur de la Planète Finance, portait les espoirs de tous ceux qui voyaient en lui le futur Président Français issu des sondages. « Ce ne saurait être un quidam comme un autre » (Bernard-Henri Levy sur France Inter, dans la matinale du 17 mai).

Les DSKboys, mais aussi Jack Lang, Robert Badinter, et même, ô surprise, Elisabeth Guigou, ont eux aussi entonné le grand air de la victimisation du présumé innocent agresseur dont pourtant le passé ne plaide pas en la faveur (Libération du 16 mai 2011).

Il me semble que le respect de la parole de la victime, la violence, l’atteinte à sa dignité, l’inhumanité de ce qui lui a été infligé, la cruauté de la situation vécue et l’importance du viol qu’elle a subi, s’imposent avec force, eux aussi, au monde des puissants un peu vite enclins à la victimisation du présumé innocent d’un crime grave qui n’a rien à voir ni avec la drague un peu poussée, ni avec la séduction, ni même encore moins avec le libertinage.

Et s’impose avec encore plus de force au Parti socialiste supposé représenter les intérêts du peuple, des salarié(e)s, et notamment des plus pauvres d’entre eux (elles) qui sont majoritairement des femmes.

Le peu de cas méprisant dont on entoure la parole et la plainte d’une jeune femme de ménage immigrée guinéenne, qui élève seule sa fille de quinze ans et vit dans le Lumpen prolétariat d’un quartier misérable du Bronx, est extrêmement choquant dans un pays qui se flatte de donner des leçons de civilisation et se pique même parfois d’expliquer l’égalité entre les sexes aux barbares du Sud.

Cette jeune femme qui vit maintenant sous protection policière dans un lieu inconnu va connaître les enquêtes de moralité de la défense de DSK (un comble !) et sa vie privée va être passée au peigne fin dans ses moindres détails.

Il y a dans cette affaire Strauss-Kahn qui a osé demander un traitement de VIP, fort heureusement refusé par la justice américaine, un fort relent de sexisme, de racisme et une dimension sociologique énorme et évidente qui ne font pas honneur au Parti socialiste français.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 mai 2011

Catherine Albertini, chercheure et membre de Choisir la cause des femmes


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