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Équité salariale et dérives masculinistes

mars 2003

par Martin Dufresne, Collectif masculin contre le sexisme

Petite question insidieuse : Si tout le monde se dit contre la guerre, pourquoi continue-t-elle ? Si tout le monde est pour la vertu, pourquoi l’injustice demeure-t-elle la règle ?

Peut-être parce que, au-delà des discours " moraux ", il y a d’énormes intérêts financiers. Et des pisse-copie toujours prêts à fournir aux hommes politiques des mensonges bien utiles pour qui veut entretenir et couvrir des politiques immorales.



Un bon exemple : l’équité salariale, le principe que femmes et hommes devraient être également payé-es pour leur travail. Au fédéral comme au provincial, on ne s’est pas privé de se dire ultra-équitable à l’égard des femmes.

Plus discrètement, le gouvernement québécois a mis la fonction publique à l’abri de sa propre loi. Au fédéral, le gouvernement a dépensé des millions de dollars de l’argent des contribuables pour combattre jusqu’en Cour suprême les employées qui le confrontaient au deux poids deux mesures de ses salaires sexistes qui entretiennent une situation où les hommes gagnent en moyenne environ une fois et demie ce que gagnent les femmes - pour le moins qu’elles soient payées pour leur travail, bien sûr.

Dérives masculinistes

C’est dans ce contexte que paraît, sous une couverture exceptionnellement moche, un pamphlet d’un certain André Gélinas, dont le titre en dit long sur son peu d’objectivité : L’Équité salariale et autres dérives et dommages collatéraux du féminisme au Québec.

L’ouvrage semble à prime abord mal emmanché. D’une part, des sections techniques où l’auteur, un ex-fonctionnaire du ministère québécois de la Justice, multiplie arguments, distinguos et statistiques. De l’autre, une attaque incessante et polluante contre " les féministes " et ceux qui osent réclamer avec elles plus d’équilibre entre les sexes.

Pour ne pas sembler opposé à ce principe, Gélinas procède par association : ce n’est pas l’équité salariale qu’il dit attaquer mais " l’équité salariale féministe ". Facile…

Et d’assembler en une deuxième partie (qui déteint grossièrement sur la première) tous les clichés, fadaises et effets d’humour pitoyables qu’on a pu accumuler sur les femmes depuis la naissance du patriarcat.

Évidemment la charge est trop hystérique pour permettre un dialogue : ce n’est apparemment pas le projet de l’auteur. Celui-ci semble s’être simplement payé une séance de défoulement à compte d’auteur (comme l’avait fait un autre technocrate, Roch Côté, ex-journaliste au Devoir, dans son triste Manifeste d’un parfait salaud). On a pu constater ce refus du dialogue récemment lors d’un débat tenu au Musée des civilisations, où Gélinas s’est aliéné un public pourtant assez prêt à convenir avec lui que " le féminisme avait été trop loin ". Il a lui-même discrédité son discours masculiniste, ce qui est peut-être la seule utilité de son livre.

Non, ce n’est pas au grand public que s’adresse ce livre mais bien au Pouvoir, dans un contexte stratégique bien précis. Comme nous en informe la présentation : "Au moment où commencent les négociations entre l’État et ses employés (sic), André Gélinas soumet à la réflexion publique des considérations à la fois rigoureusement techniques et hautement polémiques."

Pour la rigueur on repassera - les arguments disponibles auprès des centrales syndicales et même d’un organisme gouvernemental comme le CSF tiennent beaucoup mieux la route. Mais il est clair que ce coup de gueule bien traditionnel va fournir à d’autres commis de l’État une nouvelle excuse pour se traîner les pieds et retarder une fois de plus l’application d’une loi qui ne fait pas l’affaire de certains hommes, qui ragent à l’idée de voir reconnue aux femmes des compétences égales et les salaires qu’elles justifient.

Petit manifeste de tous les jours

Pour en savoir (réellement) plus sur l’équité des sexes et les luttes qui nous y entraînent (de gré ou de force…) on lira avec intérêt un dépliant produit par l’Intersyndicale, le Petit manifeste de tous les jours.

Extrait : " Toutes les victoires des femmes ont été remportées à l’arrachée, du droit de vote à l’équité salariale, en passant par les congés de maternité et le droit à l’avortement. Des revendications qui, pour nous, visaient à corriger des injustices flagrantes étaient et sont souvent perçues par nos dirigeants et par une grande partie de l’autre moitié de l’Humanité - même à l’intérieur des syndicats - comme des bouleversements majeurs, des attentes exagérées impossibles à combler sans mener le monde directement à la banqueroute. Il a fallu, et il faudra toujours, alerter, crier longtemps, prouver cent fois la même chose, travailler d’arrache-pied, descendre dans la rue avec nos chansons et nos pancartes, lutter pas à pas et hausser le ton, pendant des années, voire des décennies, pour obtenir ce qui, au bout du compte, n’est que justice, dignité, équité et liberté. "

Lectures suggérées

Le Petit manifeste de tous les jours.



« La revanche de la femme de chambre », par Françoise Guénette, La gazette des femmes, vol. 24, no 6, mars-avril 2003, pp.8 à 10, Conseil du statut de la femme (Gouvernement du Québec). Disponible en kiosque ou par abonnement.

Martin Dufresne, Collectif masculin contre le sexisme

P.S.

Lien à la CSQ au sujet de l’équité salariale




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