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Les États-Unis cherchent à conquérir l’Irak depuis 80 ans

31 mars 2003

par Élaine Audet et Micheline Carrier

Ce n’est pas d’aujourd’hui que les États-Unis visent le contrôle des ressources pétrolières de l’Irak. Ils n’ont jamais cessé depuis plus de 80 ans de poursuivre cet objectif par tous les moyens politiques, idéologiques et militaires. Il n’est certes pas superflu de s’interroger, en ce moment, sur les raisons de cette fixation. (1)



Après la Première Guerre Mondiale, en 1917, les Français et les Britanniques réussissent à se partager le Moyen-Orient. Les compagnies pétrolières américaines reçoivent en 1919 le droit de négocier des contrats avec la nouvelle monarchie du Roi Fayçal, mise en place par les Britanniques en Irak.

Le pétrole irakien est alors divisé en cinq parts égales entre la Grande-Bretagne, la France, les Pays Bas, les États-Unis et un baron du pétrole qui négocie les accords. L’Irak ne reçoit aucune part du pétrole qui lui appartient et il en sera ainsi jusqu’à la révolution de Kassem en 1958. Les Irakiens auraient intérêt à se souvenir de ce fait au moment où les États-Unis s’apprêtent à installer un protectorat dans leur pays.

Dans les années 30, Washington soutient la famille al-Saoud pour la création de l’Arabie Saoudite, dès le début véritable succursale des États-Unis. On installe l’ambassade des États-Unis à Ryad dans les locaux de l’ARAMCO (Arab American Oil Co.). À cette époque, les grandes puissances ne se donnent même pas la peine de mentir pour masquer leurs intérêts colonialistes.

Dès la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, les États-Unis acquièrent une position dominante dans le monde qu’ils contribuent à restructurer selon leurs visées impérialistes. L’empire américain continue à consacrer une part importante de son budget au développement de l’armement nucléaire et conventionnel. Par l’entremise du Fond Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale, il cherche à imposer la globalisation de l’économie, le dollar comme monnaie internationale et entreprend sa longue marche pour le contrôle absolu des ressources pétrolières.

En 1953, après que Mossadegh ait nationalisé le pétrole en Iran, la CIA fomente un coup d’État pour reporter le Shah au pouvoir. À partir de cette date, les États-Unis et la Grande-Bretagne prennent le contrôle de l’Iran et de l’Irak. En 1955, ils créent le Pacte de Bagdad (CENTO) avec les régimes à leur solde, le Pakistan, l’Iran, la Turquie et l’Irak, afin d’écraser les mouvements de libération, d’encercler l’URSS et de lutter contre le communisme.

En 1958, une rébellion militaire porte au pouvoir Abdol Karim Kassem qui met en branle une révolution nationale pour la justice sociale et l’indépendance. Le lendemain de la Révolution irakienne, sur l’ordre d’Eisenhower, 20 000 Marines US débarquent au Liban suivis de 6 600 parachutistes britanniques en Jordanie. Après cette intervention pour sauver leurs intérêts dans ces deux pays, ils entreprennent le renversement de la Révolution irakienne afin de mettre au pouvoir un autre de leurs pions. Mais, l’URSS, la Chine et la République Arabe Unie (Égypte et Syrie) les en dissuadent fermement par le soutien sans équivoque apporté au nouveau régime.

Lorsqu’en 1972, l’Irak nationalise son pétrole, Washington soutient militairement et financièrement les éléments kurdes de droite dans leur lutte pour renverser le régime de Bagdad, déjà considéré par les États-Unis comme « État terroriste ». C’est ainsi que, en 1979, ils contribuent au renversement du parti communiste irakien et des syndicats ouvriers de gauche par le Parti Ba’as et Saddam Hussein.

La même année, les États-Unis voient d’un mauvais œil la prise de pouvoir de Khomeiny en Iran et fournissent au régime de Saddam Hussein des armes conventionnelles et chimiques pour déclencher la guerre contre les mollahs iraniens. En réalité, ils donnent des armes et des renseignements stratégiques aux deux belligérants, comme ils le font aujourd’hui avec l’Inde et le Pakistan (2). Leur but étant de profiter de cette guerre le plus possible en espérant, comme le déclare Kissinger « qu’ils se détruiront l’un l’autre. » Et Kissinger dira encore de façon méprisante : « Le pétrole est une chose trop importante pour le laisser aux Arabes. »

On connaît la suite. Après la chute de l’URSS en 1991, les États-Unis ne voient plus aucun obstacle à leur invasion de l’Irak. En dépit d’une large coalition militaire et de la bénédiction de l’ONU, ils se retirent en laissant à Saddam le soin d’écraser l’importante rébellion populaire dans tout le pays. Ce qu’il s’empressa de faire en éradiquant toute opposition au régime dont, impitoyablement, celle des Chiites et des Kurdes sans que les Américains ne lèvent le doigt pour les en empêcher. Ce que les Chiites ne semblent pas avoir oublié aujourd’hui.

Les États-Unis abandonnent à son sort un pays en ruines, sans infrastructures, avec une population décimée par la guerre, la famine et la radioactivité laissée derrière eux par l’utilisation de bombes à uranium appauvri. L’embargo fera le reste jusqu’à ce que Georges W. Bush décide, douze ans plus tard, que l’Irak est désormais mûr pour l’assaut final après 80 ans de lutte continue pour s’emparer de son pétrole.

Les Etats-Unis sont en guerre perpétuelle depuis plus d’un siècle

L’Irak et le Moyen-Orient ne sont pas les seules régions du monde que les États-Unis déstabilisent lorsque leurs intérêts économiques sont en cause. En fait, depuis plus d’un siècle, les États-Unis sont en guerre perpétuelle, soit en organisant ou soutenant des coups d’État dans différents pays, soit en attaquant eux-mêmes militairement des États souverains.

Voici selon l’Association ABIR * une liste de pays où les États-Unis ont participé à des conflits ou les ont provoqués. (3)

L’Argentine 1890 ; Chili 1891 ; Haïti 1891 ; Idaho 1892 ; Hawaï 1893 ; Nicaragua 1894 ; Chine 1894 ; Corée 1894 ; Panama 1895 ; Nicaragua (2) 1896 ; Philippine 1898 ; Cuba 1898 ; Porto Rico 1898 ; Guam 1898 ; Nicaragua (3) 1898 ; Panama 1901 à 1914 ; Honduras 1903 ; la Dominique 1903 ; Cuba 1906 ; Nicaragua 1907 ; Honduras 1907 ; Panama 1908 ; Nicaragua 1910 ; Chine 1911 ; Cuba 1912 ; Panama 1912 ; Mexique 1913 ; La Dominique 1914 ; Mexique 1914 à 1918 ; Haïti 1914 ; Cuba 1917 ; la première guerre 17-18 ; Yougoslavie 1919 ; Guatemala 1920 ; Turquie 1922 ; Panama 1945 ; Salvador 1946 ; Uruguay 1947 ; Grèce 1947 à 1949 ; Allemagne 1948 ; Philippine 1948 à 1954 ; Porto Rico 1950 ; Corée 1950 à 1953 ; Iran 1953 ; Vietnam 1954 ; Guatemala 1954 ; Panama 1958 ; Vietnam 1960 à 1975 ; Cuba 1961-1962 ; Laos 1962 ; Indonésie 1965 ; Guatemala 1966 ; Cambodge 1969 à 1975 ; Laos 1971 ; la guerre d’Octobre 1973 ; Chili 1973 ; Angola 1976 à 1992 ; Iran 1980 ; Libye 1982 ; Salvador 1981 ; Nicaragua 1981 ; Liban 1982-1984 ; Honduras 1993 ; Libye 1986 ; Philippine 1989 ; Panama 1989 ; Libéria 1990 ; Irak 1990 ;Somalie 1992 ; Yougoslavie 1992-1994 ; Bosnie 1993 ; Croatie 1990 ; Zaïre 1996 ; Albanie 1997 ; Soudan 1998 ; Afghanistan 1998 ; Irak 1998 ; Afghanistan 2001...

À partir de 2001, Washington aura chaque année une nouvelle guerre. Toutes ces guerres ont eu pour prétexte de défendre la liberté, la démocratie, la civilisation, le monde libre et les droits humains alors qu’il s’agit en fait d’une marche ininterrompue vers la domination du monde.

Sources

(1)histoire
(2)
Inde-Pakistan
(3) Al Intiqad.com, journal libanais, cité par ABIR.
Dissident media
Les dessous d’une guerre


* Association ABIR

L’Association ABIR a été créée en 2001, à la suite d’un voyage en Irak, de femmes vivant en Suisse et voulant apporter une aide pratique à leurs consœurs irakiennes, "qui tiennent leur pays à bout de bras, malgré l’embargo de l’ONU et les privations qui en découlent et qui étouffent le peuple depuis 10 ans." L’association porte le nom d’une jeune femme de 19 ans qui a perdu, en octobre 2000, son quatrième enfant faute de nutrition, de soins médicaux et d’hygiène convenables dont l’embargo contre l’Irak est responsable. Un cas parmi des millions. Le site d’ABIR rapporte des points de vue de médias arabes sur l’agression et l’invasion des États-Unis en Irak.

Élaine Audet et Micheline Carrier


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