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Après "Laïcité, Inch’Allah"
"Même pas mal", un film de Nadia El Fani et Alina Isabel Pérez

2 février 2012

Je n’ai pas toujours été « grande gueule » … Petite, j’étais plutôt timide.

Mon esprit de rébellion s’est développé certes par mon histoire familiale, il n’est pas anodin d’être
fille de communistes, mais aussi par mon profond besoin et donc désir de liberté. J’ai toujours
considéré que mes films ne parlaient que de ça : LA LIBERTÉ.

Quand je pars tourner « Laïcité Inch’Allah ! », en août 2010, c’est avec mon esprit frondeur, dans l’idée qu’il est temps pour moi d’assumer mon exil volontaire en France - quitte à ne plus pouvoir retourner en Tunisie - d’attaquer frontalement à la fois le régime dictatorial de Ben Ali qui instrumentalisait la religion, mais aussi pour dénoncer l’hypocrisie sociale qui envahissait le
quotidien des tunisiens. Mon objectif était clair, il fallait tirer la sonnette d’alarme et démontrer
que cette « régression » n’était pas le seul fait de la société mais bien la conséquence à la fois de
la dictature qui ne laissait aucun espace aux libres penseurs, et aussi de la montée en puissance
des mouvements islamistes qui paraissaient les seuls contestataires face au régime corrompu de
Ben Ali. Ramadan commençait le 11 août 2010 et pour les six prochaines années allait se dérouler
pendant la saison touristique la plus dense… Et le régime allait continuer, pour sauver la mise, son
double discours d’afficher la modernité tolérante de la Tunisie tout en obligeant par exemple, les
cafés hors zones touristiques à fermer…

L’histoire, on le sait, a rattrapé mon histoire et mon sujet à l’aune de la révolution se retrouvait être au coeur du débat postrévolutionnaire… Je me sentais enfin libre de m’exprimer sans détours sur un sujet qui méritait d’être débattu en Tunisie, la place de la religion… Et transgressant tous les tabous, et celui, suprême en Islam, de l’apostasie, je déclarais lors d’une interview donnée à l’occasion de la première mondiale de mon film à Tunis en Avril 2011, que j’étais athée… N’avais-je pas intitulé mon film dans un premier temps « Ni Allah, Ni Maitre ! » ? Tout comme dans le film, je déclarais à cette même chaîne de télévision « qu’entre les Islamistes et moi c’était la guerre »…

C’est le point de départ d’une campagne violente de haine et de harcèlement, d’abord sur le Net via Facebook, puis publique, pour finir par une affaire judicaire puisque des avocats islamistes ont déposé plainte contre moi pour atteinte au sacré, atteinte aux bonnes moeurs, et atteinte à un précepte religieux…

Ils n’ont pas hésité, dans le fatras d’injures postées à mon égard sur Facebook et au milieu d’appels au meurtre et autres calomnies, à se moquer de mon crâne chauve que j’arborais suite à une chimiothérapie pour soigner un cancer qu’on m’avait découvert alors que j’étais en plein montage du film…

À partir de ce moment-là et suite à des menaces reçues sur mon téléphone à mon domicile,
un double combat s’engage pour moi : abattre ce cancer et ne pas me laisser abattre !! Il me faut
tenir bon, que le film existe et surtout qu’il soit utile… Le film est projeté à Cannes et nous trouvons des distributeurs pour le sortir en France… Pendant ce temps Alina me photographie, me filme et m’accompagne parfois, entre deux séances de Chimio à TV5 , ou quand nous partons taguer la nuit le titre du film sur les murs de Paris… Je rentre en résistance !

Pourquoi faire un film pour raconter les « conséquences d’un film » ? Pour continuer la lutte certes,
et pour dire une fois de plus que « ceux qui vivent sont ceux qui luttent » (Victor Hugo).

Face à l’adversité je n’ai pas été seule, heureusement !

Des images de l’été en Tunisie sous Ben Ali....Août 2010, Nadia promène son micro, sa micro équipe pour filmer « La Désobéissance »... On vient d’apprendre qu’en Algérie deux ouvriers qui avaient déjeûné pendant ramadan vont être jugés... On filme tout ce qu’on peut : l’écran d’ordinateur où défilent les infos dans la presse...

C’est le film...

Plus d’information dans le fichier PDF ci-dessous.

Vous pouvez apporter votre soutien.

Nadia El Fani a besoin d’aide financière et autre pour terminer son film et le diffuser. Voir ce lien.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 26 janvier 2012




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