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Lettre à la ministre Christine St-Pierre
Au Québec, la création en langue française doit disposer de moyens correspondant à la situation de la culture20 juin 2012
par
Mme Christine St-Pierre
Ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine
Gouvernement du QuébecObjet : Principaux éléments des demandes défendues par la Coalition à la suite du Forum sur la création littéraire au Québec
Madame la Ministre,
Depuis sa création en 2007, la Coalition des organismes littéraires du Québec s’est avérée un véhicule exceptionnel pour défendre la place de l’écrivain et du conteur dans la société québécoise, notamment en exprimant les revendications des organismes du secteur de la littérature. Dès les premiers échanges et les rencontres initiales avec le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), son président, M. Yvan Gauthier, a reconnu que notre évaluation était des plus justes et qu’un rattrapage financier pour le secteur littéraire s’évaluait à approximativement 1,5 M$ (il y a maintenant 5 ans de cela).
Sur plusieurs grands thèmes, un consensus s’était dégagé, dont la Coalition retient particulièrement :
– le besoin de créer des bourses de longue durée pour la création et la recherche ;
– l’établissement d’équipes permanentes dans les organismes de services et les associations ;
– la création d’un réseau québécois de diffusion particulièrement adapté aux formes littéraires, incluant le soutien à des lieux de diffusion spécialisés.Les cinq organismes, qui sont le Syndicat des écrivains du Québec, l’Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ), le Regroupement du conte au Québec, The Quebec Writers’Federation, la Maison de la poésie de Montréal et l’Académie des lettres du Québec, regroupant une large majorité d’écrivains et de conteurs, font ainsi front commun au sein de la Coalition créée en réaction au sous-financement endémique du secteur de la littérature et du conte. Le soutien reçu est à ce point inférieur aux besoins réels que les organismes sont incapables d’assurer le strict nécessaire que représentent un loyer mensuel et un employé à temps plein. Ainsi, ils se voient incapables d’assumer pleinement leur propre mission.
À l’époque, il a été convenu d’emblée qu’un Forum sur la création littéraire constituerait la première étape pour faire progresser la situation du secteur en permettant d’ouvrir des avenues avec la participation du milieu. Le Forum est maintenant réalisé et il a rassemblé près de 200 écrivains et conteurs les 6, 7 et 8 mai 2011. Ses conclusions devraient servir à préparer une adaptation des programmes du CALQ à la situation des écrivains et des conteurs à court et à moyen terme, puis à rééquilibrer le financement du secteur littéraire qui, au Québec, est soutenu par la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) en matière d’édition et de distribution et par le CALQ en matière de création et de diffusion.
Permettez-nous de rappeler que la littérature reçoit 3%, selon le rapport 2010-2011 du CALQ, du budget global du CALQ, partagés entre les créateurs et les organismes, soit plus spécifiquement 66 organismes :
– Pour la circulation : 4% de 3% du budget global ;
– Pour l’association professionnelle et les quatre organismes de services nationaux : 14% de 3% du budget global.Certains participants ont manifesté l’importance de soutenir la traduction littéraire en tant qu’outil de diffusion et de rayonnement international. Depuis au-delà de 10 ans, plusieurs organismes se préoccupent de tenir des ateliers et des spectacles sur le sujet, en plus de rédiger des rapports à cet effet. Parmi ceux-ci, mentionnons l’UNEQ, l’Institut canadien de Québec, Métropolis bleu et la Maison de la poésie de Montréal. On constate une faille évidente quant aux politiques et aux programmes pour la traduction littéraire au Québec. La reconnaissance et le soutien à une diversité de traductions littéraires devraient donc être établis pour permettre une diversité éditoriale forte.
Dans tous les ateliers du Forum, une perspective s’est établie : les conteurs et les écrivains a fortiori sont devenus les acteurs principaux du secteur. Un équilibre doit être instauré entre l’édition, à la SODEC, et la création et la diffusion, au CALQ. En effet, un mouvement de plus en plus marqué fait que les conteurs et les écrivains, tout comme les créateurs des autres secteurs de la création, sont au cœur de la relation avec le lectorat et le public.
L’écrivain est invité à assumer l’animation dans un secteur littéraire éclaté se situant parmi une multitude de relais publics, bibliothèques, écoles, lieux culturels des arts de la scène, festivals et événements. On y trouve des institutions de nature publique ou associative, ou encore privée. Et il n’existe aucun programme de production réservé à la littérature.
Il aura fallu cinq années pour que la Coalition n’établisse une relation plus étroite et plus cohérente avec le CALQ. À l’issue du Forum, la Coalition entend défendre la littérature de création et se pencher notamment sur l’établissement de structures de diffusion et la réalisation d’études sur la traduction afin d’actualiser les données des rapports de l’Institut Canadien de Québec et de la Maison de la poésie (qui remontent à près de 10 années) et d’atteindre une perspective nationale.
Reconnaissons que, d’une part, sans la possibilité de s’appuyer sur un réseau tel que celui dont les arts visuels bénéficient, avec les quelque 40 centres d’artistes autogérés à travers le Québec, la littérature perd de sa force dans un dédale d’organisations et de programmes de toutes sortes, réduisant l’accès aux œuvres pour le public. D’autre part, les secteurs de la musique, du théâtre et de la danse disposent également d’infrastructures propres, ce qui les aide grandement pour produire et diffuser l’information, mais aussi pour développer leurs dossiers sur la création et pour offrir leurs services à leurs membres et leur milieu.
La création en langue française au Québec doit disposer de moyens correspondant à la situation de la culture québécoise, qui doit défendre une position d’exception sur le continent nord-américain et s’appuyer sur une politique et des programmes reconnaissant le rôle moteur de la langue dans la création et la réflexion culturelles au Québec.
En terminant, nous espérons qu’à la lumière de ces renseignements, vous conviendrez de l’urgence de réagir afin de pallier dès que possible les carences qui, de façon quotidienne, portent préjudice à notre culture. Nous vous remercions de l’attention sérieuse que vous porterez à nos revendications et attendons de vos nouvelles dès que possible.
Recevez, Madame la Ministre, l’expression de notre considération distinguée.. Sylvain Campeau, président de la Maison de la poésie de Montréal
au nom des membres de la Coalition des organismes littéraires du Québec :
. Danièle Simpson, présidente de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois
. Louis Caron, président, Académie des lettres du Québec
. Petronella Van Dijk, présidente du Regroupement du conte au Québec
. David Homel, The Quebec Writers’FederationNote : La Coalition est composée de l’Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ), le Regroupement du conte au Québec, The Quebec Writers’Federation, la Maison de la poésie de Montréal et l’Académie des lettres du Québec, qui ont uni leurs voix depuis 2007 pour défendre la place de l’écrivain et du conteur dans la société québécoise.
505, rue Jean-Talon Est
Montréal (Québec) H2R 1T6
Téléphone : 514 526-6251
Maison de la poésieMis en ligne sur Sisyphe, le 20 juin 2012