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Parité au conseil d’administration des entreprises : la ministre Maltais "croise les doigts" pour que l’objectif soit atteint

22 avril 2013

par Micheline Carrier

"La Table des partenaires influents", créée en janvier 2012 pour inciter les entreprises cotées à la Bourse à accroître le nombre de femmes à leur conseil d’administration, a remis son rapport vendredi à la ministre du Travail et de la Condition féminine, Mme Agnès Maltais.

La Table, co-présidée par l’ex-ministre des Finances sous le gouvernement Charest, Monique Jérôme-Forget, et M. Guy St-Pierre, propose que les femmes occupent 20% des postes d’administrateur dans cinq ans, 30% dans 10 ans et 40% dans 15 ans.

La ministre Agnès Maltais a accepté les recommandations du comité, ainsi que la décision majoritaire d’opter pour une approche incitative plutôt qu’impérative. Mme Jérôme-Forget aurait souhaité l’imposition de quotas, comme l’ont fait avec succès les gouvernements français et norvégiens.

Mais un gouvernement aussi soucieux que le gouvernement Marois de l’approbation des milieux d’affaires peut-il courir le risque de se les aliéner ?

On ne peut pas imposer « à d’autres des obligations que les partis politiques refusent de s’imposer eux-mêmes », a déclaré la ministre.

Elle aurait pu citer l’exemple du gouvernement du Québec qui a imposé la parité au conseil d’administration de ses 22 sociétés d’État visées par la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État (2006), parité atteinte en novembre 2011.

Mais c’est là une réalisation du gouvernement libéral que la ministre ne souhaitait peut-être pas mettre en évidence.

« Il s’agit aussi de convaincre les femmes qu’elles doivent se présenter aux postes et qu’elles peuvent occuper cette place », a déclaré la ministre Maltais, pour qui la question relève de la démocratie et de la bonne gouvernance. Elle n’a pas précisé, toutefois, si son ministère avait l’intention de contribuer à convaincre les femmes comme les entreprises.

Elle "croise les doigts pour que les femmes occupent 20 % des postes d’administrateur dans cinq ans, 30 % dans 10 ans et 40 % dans 15 ans." *

Mais croiser les doigts ne suffira pas.

C’est le Secrétariat à la condition féminine qui est chargé de mesurer les progrès dans ce dossier et la ministre promet de suivre le dossier au cours de la prochaine année.

Origine de la Table des partenaires influents

Cette Table a été créée en janvier 2012 par la ministre Christine St-Pierre et sa création s’inscrivait dans le Plan d’action gouvernemental pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2011-2015 rendu public en juin 2012.

Monique Jérôme-Forget, alors ministre des Finances du Québec sous le gouvernement Charest, s’intéressait beaucoup à la place des femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises. C’est sous son influence, notamment, que le gouvernement Charest a instauré la parité entre les hommes et les femmes au sein des C. A. des 22 sociétés d’État, un objectif atteint en novembre 2011. L’ex-ministre des Finances a aussi publié un livre sur l’importance des femmes dans l’économie ("Les femmes au secours de l’économie") et la nécessité que les femmes y prennent leur place.

Notons que c’est le Conseil du statut de la femme* qui a réagi par communiqué au rapport de cette Table des partenaires influents. Aucune mention du rapport ni de la conférence de presse, aujourd’hui du moins (20 avril), sur les sites des ministères de Mme Maltais - ministère du Travail, ministère de l’Emploi et de la Solidarité social et Secrétariat à la Condition féminine (celui-là même chargé de "mesurer les progrès" dans ce dossier).

Parions que la ministre Maltais ne montrera pas plus de zèle dans ce dossier qu’elle en a montré dans l’ensemble des dossiers de la condition féminine depuis son entrée en fonction en novembre dernier.

***

Depuis nombre d’années, la véritable promotrice de la parité aux postes de pouvoir dans les entreprises est Mme Monique-Jérôme Forget, qui promet de continuer, dans ses conférences et autres interventions publiques, de promouvoir l’imposition de quotas, tout en faisant la promotion du rapport de la Table des partenaires influents.

Quant à M. Guy St-Pierre, co-président de cette Table avec Mme Jérôme-Forget, on peut se demander ce qu’il y fait... Il semble au niveau des chefs d’entreprises qu’il faut convaincre de l’avantage de nommer plus de femmes à leur conseil d’administration. Selon M. St-Pierre, l’imposition de quotas serait la « pire chose qui pourrait arriver pour les femmes ». « [Exiger] d’avoir immédiatement un [certain] nombre de femmes, on risque d’avoir la soeur, la cousine du président de la compagnie ou du “Chairman of the Board”. » « C’est qu’il y en a qui […] ne sont pas préparées pour atteindre cette tâche-là. […] Nous devons nous assurer que nous attirons les meilleurs candidats pour faire la tâche. »*

Il fallait sans doute un homme à la co-présidence de cette table... à moins que M. St-Pierre se soit qualifié pour cette fonction à titre du cousin de la soeur du beau-père de quelqu’un...

Notes

* Pour la parité dans les lieux de pouvoir, Le Devoir, 20 avril 2013

** Stratégie d’action de la Table des partenaires influents : le Conseil du statut de la femme invite les sociétés québécoises à emboîter ce pas dans la bonne direction

Mis en ligne sur Sisyphe, le 19 avril 2013. Mis à jour le 20 avril 2013.

Micheline Carrier


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