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Carnet de campagne 2014
François Legault et le stand-up politique

26 mars 2014

par Micheline Carrier

La campagne électorale de François Legault oscille entre le vaudeville et le burlesque. Les médias semblent apprécier et lui accordent une importance disproportionnée, ignorant les partis mineurs (QS et ON) moins portés sur le stand-up, mais dont le discours mériterait plus d’attention. Peut-être les médias anticipent-ils que cette campagne sera le dernier tour de piste du chef de la Coalition Avenir Québec…

L’épouse de M. Legault l’escorte dans toutes ses rencontres. Elle tient un rôle de figuration. M. Legault cherche-t-il ainsi à incarner les vieilles valeurs patriarcales en projetant l’image d’un couple uni, d’une épouse toute dévouée à la cause de son mari ? Si c’est le cas, il est permis de mettre en doute l’efficacité de la stratégie : ces rôles stéréotypés ne séduisent plus guère.

Cette belle image n’empêche pas M. Legault de rappeler à sa conjointe, en public en outre, que c’est lui qui porte le pantalon. « C’est moi qui parle », lui dit-il devant la presse, alors qu’elle ne fait que saluer les journalistes. Un trait d’humour du chef, selon son entourage…

M. Legault est un libéral qui s’est un jour égaré au Parti québécois. À force de l’entendre parler de façon quasi-obsessionnelle de finances, de gestion et d’économie, on finit par se demander s’il nourrit pour le Québec un autre idéal que l’enrichissement et s’il a d’autres intérêts personnels. La vie d’une personne ou d’une société serait bien plate s’il fallait la passer sans cesse la main et le coeur sur le portefeuille.

M. Legault est passé maître dans l’art de la démagogie. « M. Couillard n’a jamais créé d’emploi », dit-il. À ce que l’on sache, M. Legault n’en a pas créé personnellement non plus. C’est l’ancienne entreprise qu’il co-dirigeait qui en a créés, parfois avec l’aide du Fonds de solidarité de la FTQ (1990) présidé alors par un certain Claude Blanchette. Cette entreprise, Transat, n’a pas fait que créer des emplois, elle en a aussi supprimés.

Selon le chef caquiste, un médecin et une travailleuse sociale sont moins aptes qu’un comptable et ancien gestionnaire privé à mener les affaires de l’État. M. Legault n’éprouve pas de scrupule à tromper par omission.

Philippe Couillard est médecin, il a aussi été ministre de la Santé et gestionnaire.

Pauline Marois détient, comme M. Legault, un diplôme des HÉC, en plus d’une formation en travail social.

Elle a dirigé huit ministères, un parti politique et un gouvernement. Combien d’hommes politiques québécois ont un tel bilan ?

Sa connaissance approfondie de l’appareil d’État la préparerait-elle moins que l’expérience d’un PDG d’une entreprise privée à diriger les destinées du Québec ?

En outre, les études et les responsabilités politiques de la cheffe péquiste ne l’ont pas empêchée d’élever quatre enfants. Et elle n’a pas démissionné, elle, parce que son parti se retrouvait dans l’opposition. Elle s’est retroussé les manches et l’a remis en état de gagner en 2012.

En revanche, les responsabilités familiales de M. Legault et l’ennui qu’il éprouvait dans l’opposition l’ont incité à démissionner du PQ en 2009. Du moins, ce sont les motifs qu’il a invoqués après avoir échoué à convaincre le caucus péquiste de renoncer à la souveraineté du Québec.

Quelques années plus tôt, son ambition d’être choisi successeur de Bernard Landry avait aussi été déçue. M. Legault aime le pouvoir : premier ou rien. Servir le Québec ne lui suffit pas.

Du passage de M. Legault au ministère de l’Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, ainsi qu’à ceux de la Santé et de l’Éducation, on ne retient pas grand-chose.
Peut-être son obsession pour l’abolition des commissions scolaires. Pour faire des économies. Pour quoi d’autre ? Couper, un principe de gestion comptable sans vision.

Mais un gouvernement n’est pas une entreprise privée, et ses actionnaires sont les citoyennes et les citoyens qui, eux, ont des besoins autres que d’engranger des profits à tout prix.

Si l’on veut critiquer le bilan d’une « travailleuse sociale » et d’un « médecin », ne faudrait-il pas d’abord vérifier ses propres comptes ? D’un gestionnaire qui aspire à diriger le gouvernement du Québec, outre le leadership, on attend de la vigilance et la capacité d’éviter les écueils à son organisation.

À cet égard, on peut s’étonner que les candidats de la CAQ dans trois circonscriptions ne se qualifient pas pour l’élection du 7 avril parce qu’ils n’ont pas respecté toutes les règles de mise en candidature.

Qu’à cela ne tienne ! Toujours jovialiste, M. Legault soutient désormais que l’élection se joue entre la CAQ et le Parti libéral, et que le PQ disparaîtra.

L’homme fait preuve de courage. Nous lui souhaitons bon succès.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 23 mars 2014

Micheline Carrier


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