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Des gynécides non reconnus

3 décembre 2002

par Micheline Carrier

Partout dans le monde et au sein de nombreuses ethnies, des femmes et des filles sont persécutées parce qu’elles sont des femmes et des filles,
comme les Juifs l’ont été parce qu’ils sont juifs,
comme les Croates l’ont été parce qu’ils sont croates,
comme des gens de couleur l’ont été
parce qu’ils sont de peau noire, jaune ou rouge.



Les dictionnaires attribuent au terme génocide (n.m. du grec : genos « race » et suff.-cide : destruction, extermination) le sens de « destruction méthodique d’un groupe ethnique ». L’exemple qui nous vient tout de suite à l’esprit est celui des Juifs persécutés et exterminés par la haine des nazis.

Les peuples arméniens et croates ont également vécu une forme de génocide. Les Tutsis et les Hutus, à tour de rôle. Les Palestiniens également. En Amérique, on pourrait considérer que des ethnies amérindiennes ont également été victimes de génocide.

On peut trouver, dans l’histoire ancienne comme dans l’histoire moderne, des dizaines d’exemples de groupes qui en persécutent d’autres pour des motifs ethniques ou/et religieux.

Par extension, les dictionnaires définissent comme un génocide « toute extermination d’un groupe important de personnes en peu de temps. » Notez bien ceci : GROUPE IMPORTANT et EN PEU DE TEMPS.

Alors, lorsqu’il s’agit d’un groupe important de personnes persécutées et exécutées sur la seule base de leur sexe, il s’agit également d’un génocide. Aussi honteux pour l’humanité que soient l’Holocauste et toute autre forme d’extermination ethnique de toutes les époques, le pire génocide de l’histoire me semble ailleurs.

Il serait plus juste de lui donner le nom de GYNÉCIDE (gyne : du grec gunê, gunaïkos « femme ») ou de GYNOCIDE. Il s’agit de la « destruction méthodique » des femmes, qui se poursuit encore aujourd’hui dans plusieurs points du globe et de plusieurs façons.

Il arrive même que les peuples victimes des pires génocides se rendent eux-mêmes coupables de gynécides. Ils invoquent la Tradition. Tradition ou non, lors qu’on persécute ou détruit un groupe important, dans ce cas le groupe des femmes, cela reste une forme de génocide.

L’Histoire n’a jamais reconnu la responsabilité de l’humanité dans de nombreux gynécides. Le monde moderne n’est pas plus enclin à la reconnaître. Il pratique la dénégation systématique pour ne pas avoir à affronter sa honte et, surtout, ne pas avoir à changer de comportement et de valeurs. Car les enjeux sont importants. En tête de lice, comme toujours, les enjeux économiques.

PLUS DE VICTIMES

J’affirme néanmoins que les GYNÉCIDES dépassent en nombre et en sévérité tous les GÉNOCIDES qui ont pu être commis sur la planète Terre. Ils ont fait davantage de victimes. Si on voulait voir ce que des millions de femmes et de filles ont subi depuis des millénaires et ce que des millions de femmes et de filles subissent encore de nos jours, quotidiennement, si on voulait appeler les choses par leur nom, il faudrait reconnaître que les femmes EN TANT QUE GROUPE ont été victimes du pire génocide de l’histoire humaine. Dans certaines régions du monde, elles le sont encore avec la complicité de la communauté internationale qui prétend promouvoir les droits humains.

Le GYNÉCIDE, c’est-à-dire la persécution, la destruction ou l’extermination d’UN GROUPE IMPORTANT de femmes et de filles, pour les seuls motifs de dérogation au code moral, social ou religieux QUI LEUR EST IMPOSÉ EN RAISON DE LEUR SEXE, est un crime universel : il transcende les frontières des pays, des ethnies et des époques.

En effet, partout dans le monde, des millions de femmes de toute race sont séquestrées, exclues, chassées, persécutées, mutilées, violées, battues, torturées et exécutées DU FAIT QU’ELLES SONT DE SEXE FÉMININ. Crime « d’honneur », crime de guerre, crime conjugal, crime de la misogynie et du patriarcat, matricide, infanticide des filles, fratricide, etc. Les violences contre les femmes et les filles, dont la violence ultime, le meurtre, sont UNIVERSELLES.

Pourquoi ? À cause de la haine d’individus de l’autre sexe, comme certains groupes ethniques sont victimes de la haine d’individus d’autres groupes ethniques. Pas de tous les individus de l’autre sexe, évidemment, ni de tous les individus d’autres ethnies. Dans les deux cas, on agit au nom de motifs religieux, moraux, sociaux, culturels et politiques. Au nom de la Tradition. Une tradition qu’on préserve jalousement parce qu’elle donne à la domination sa légitimité. Qu’une société laisse des individus et des groupes en détruire d’autres révèle l’acceptation de ces génocides et de ces gynécides par celles et ceux qui se taisent. Une immense lâcheté collective.

On va dire que j’exagère, je m’en doute bien. Et pourtant... il y a les faits. Des faits qui ne seront pas présentés de façon chronologique sous la rubrique Gynécides, mais qui constitueront, une fois rassemblés, un impressionnant tableau de pièces à conviction. Tableau sans doute en deça de la réalité, car je ne prétends pas être au courant de tous les faits. Il s’agit donc d’un dossier en constante évolution auquel je n’ai pas fixé de date de tombée pour mettre un point final.

Je vous invite à participer à cette rubrique en m’envoyant les exemples de gynécides qui pourraient illustrer l’état de la situation des femmes dans le monde.

Mis en ligne sur Sisyphe en juin 2002

Micheline Carrier

P.S.

Lire

Un massacre ciblant les femmes, par Élaine Audet




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