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Un défi à l’école : apprendre à se passer des écrans
17 mai 2015
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"Qui a une télévision ou un écran dans sa chambre ?" Dans cette classe de CM1 de l’Ain, de nombreux enfants lèvent la main : 15 sur 25. L’intervenant, le Québécois Jacques Brodeur, n’est pas surpris.
Pour cet enseignant à la retraite, inventeur du défi "dix jours sans écrans" et fondateur du site internet Edupax, spécialisé dans la prévention de la violence et l’éducation aux médias, se sevrer de la télévision, des consoles et autres tablettes "est aussi difficile que d’arrêter de fumer".
Armé de sa faconde, il va d’école en école au Canada et fait une "tournée" printanière en France, de la région parisienne à la Bretagne en passant par la Touraine et Rhône-Alpes, pour sensibiliser enfants et parents sur les méfaits des écrans.
"Devant la télévision, il faut gober et se taire. Saviez-vous qu’aux USA, en 1983, le temps de conversation familial était estimé à 1h12 par semaine ? Il est tombé à 34 minutes en 1997", dit-il à l’AFP entre deux séances à l’école du Toison, à Villieu-Loyes-Mollon.
Devant une autre classe de CM1, il ne paraît pas plus étonné lorsque certains avouent avoir déjà vu des "films qui font peur" comme "Massacre à la tronçonneuse" ou "Chucky" la poupée tueuse. "Cette peur peut se cacher en toi, il ne faut pas la laisser entrer dans ta tête. Ce n’est pas une poubelle !", raconte-t-il aux enfants, tout ouïe.
Avant de demander "ce qu’on pourrait faire" quand la TV est éteinte. Lire, faire de la poterie, jouer au foot, regarder des choses au microscope : les réponses fusent, preuve que l’alternative existe.
"Nous préparons la 4e édition de la semaine sans écrans, du 26 au 31 mai dans notre école. On a constaté que de plus en plus d’enfants sont inattentifs. On a aussi noté une baisse de la qualité de langage", souligne Thierry Capra, directeur du groupe scolaire.
Des CE1 accros aux jeux violents
"J’ai des CE1 qui ont déjà joué à Call of Duty ou Grand Theft Auto (GTA), des jeux où l’on entre dans la peau d’un délinquant qui viole des femmes !", ajoute-t-il, perplexe.
Selon Michel Desmurget, directeur de recherche en neurosciences à l’Inserm et auteur du livre "TV LOBOTOMIE - La vérité scientifique sur les effets de la télévision", "lorsque la télé est allumée dans le foyer, l’enfant parle moins et entend moins de mots".
"Une heure de TV, c’est 7% de mots en moins et de rapport langagier en moins. En France, la télé est allumée six heures par jour dans un foyer en moyenne, cela veut dire que les enfants entendent 50% de mots en moins", ajoute le chercheur.
Qui réfute la thèse "cathartique" selon laquelle les jeux violents diminueraient les pulsions agressives : "aucune étude publiée à ce jour n’a pu apporter d’argument", a-t-il écrit avec un pédopsychiatre, Bruno Harlé, dans un article de pédiatrie paru en 2012.
Selon M. Desmurget, "des études de contenu ont montré que dans n’importe quel programme de prime time et de dessins animés pour enfants, il y a moins de richesse langagière que dans un livre d’enfant d’école maternelle qui ne sait pas lire !". Et d’énumérer les effets délétères des écrans sur les cerveaux en pleine croissance : qualité du sommeil, sédentarité, risques d’obésité, impulsivité et réussite scolaire.
Le Dr Bruno Harlé, pédopsychiatre dans une unité d’hospitalisation pour enfants au centre hospitalier du Vinatier à Bron (Rhône), constate que "l’écran est devenu l’objet de stimulation prioritaire", les enfants allant d’un écran à l’autre, "de la TV à la (console de jeux) DS, ou sur le smartphone".
Un enfant déjà fragilisé, s’il joue à GTA, voit son niveau d’angoisse augmenter.
"Le plus grand problème des écrans, c’est le temps volé au reste et aux compétences qu’on peut développer autrement", conclut le pédopsychiatre.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 mai 2015