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Saison froide
Traduction Sylvie M. Miller

6 septembre 2015

par Forough Farrokhzad

Et je suis
cette femme seule
à l’orée d’une saison froide

aux prémices de comprendre
le Moi
corrompu de la terre

la désolation du ciel
triste et pure,
ces mains lourdes
de ciment

le temps a passé, passé
et l’heure
a sonné quatre fois

[...]

Ô amour
Ô amour le plus unique
quel âge avait-il donc ce vin ?

Regarde ici comme le temps pèse,
comme les poissons mâchent mes chairs

Pourquoi me gardes-tu toujours
au plus profond de la mer ?

J’ai froid et j’ai renoncé
aux boucles d’oreilles de nacre

j’ai froid et je sais que
de toutes les appréhensions pourpres d’un coquelicot sauvage
il ne restera pas plus que quelques gouttes
de sang

De même que je cesserai de délimiter les marges,
je cesserai de compter,
et je me réfugierai
loin des tracés élémentaires, dans l’évidence des plans larges

je suis pauvre
pauvre
pauvre
je suis pareille aux silences
entre les mots cléments du pauvre

et mes blessures sont d’amour
toutes d’amour, d’amour, d’amour

j’ai préféré cette île errante
à l’orbite de l’équateur,
à l’éruption des montagnes
et son secret - à cette alliée
dont les plus petits fragments ont fait naître le soleil -

est de s’être morcelée

Extrait de Laissez-nous croire au début de la saison froide, traduction du persan de Sylvie M. Miller. On peut lire le poème en entier ici sur le blogue de cette dernière que nous remercions pour l’autorisation de publier cet extrait.

Biobibliographie

Forough Farrokhzad, née à Téhéran en 1935, est morte dans un accident de voiture en 1967. En 1962, elle a réalise le film intitulé Khane siah ast (La maison est noire) dans la léproserie de Baba Baghi, près de Tabriz.
Forough Farrokhzad est une des plus belles voix de la poésie iranienne. Sa vie même, autant que son oeuvre, l’a rendue célèbre. C’est la première poète iranienne contemporaine à s’exprimer en tant que femme avec le courage que cela impliquait dans une société patriarcale où on lui refusait le droit d’affirmer sa liberté de femme et de poète novatrice.

En persan

Esclave, Téhéran, Éditions Amir Kabir,1953 et, aux mêmes éditions, Le Mur 1957, Révolte 1958.
Une autre naissance, Téhéran, Éditions Morvarid, 1964.
Laissez-nous croire au début de la saison froide, Téhéran, Morvarid, publié à titre posthume en 1974.

En français

Saison froide, Arfuyen, 1991.
La Conquête du jardin, Poèmes, 1951-1965, collection LP, 2008.
La Nuit lumineuse, collection LP, 2011.
Seule la voix demeure/Solo la voz permanece, L’Oreille du Loup, 2011.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 5 septembre 2015

Forough Farrokhzad


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