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Soutien à Djemila Benhabib - La liberté d’expression mise à l’épreuve par l’islam politique
Élisabeth Badinter, Gérard Biard, Bernard Landry - Respectivement philosophe, rédacteur en chef de « Charlie Hebdo » et ancien premier ministre du Québec

3 août 2016

Au nom du Comité de soutien à Djemila Benhabib



Pierres angulaires de notre démocratie, la liberté d’expression et son corollaire, la liberté de critiquer, sont sérieusement remis en cause au nom d’une vision falsifiée de la lutte contre le racisme, qui assimile la critique de l’islam à une forme de racisme, en la qualifiant d’« islamophobie ». Ce positionnement idéologique, qui relève de l’escroquerie sémantique, concourt à imposer l’idée que la liberté d’expression serait subordonnée aux diktats des religions en général et de l’islam en particulier.

À plusieurs reprises ces dernières années, les démocraties ont rappelé que la liberté d’expression était un droit inaliénable. Pourtant, aujourd’hui, nombre de penseurs, d’intellectuels, d’écrivains, de journalistes et de militant-e-s féministes et laïques font l’objet de graves persécutions, voire de menaces de mort en raison de leur détermination à user de ce droit.

Cette tendance prend une orientation dramatique s’agissant du monde dit musulman, où la séparation des pouvoirs politiques, religieux et judiciaires est un enjeu fondamental qui oppose, à l’heure actuelle, des démocrates aux islamistes et aux régimes autoritaires ou dictatoriaux.

Éliminer les opposants

C’est le 14 février 1989, avec la publication du roman de Salman Rushdie Les versets sataniques, que l’opposition frontale à la liberté d’expression prend une tournure des plus terrifiantes en se transposant sur la scène européenne. L’ayatollah Khomeini appelle tous les musulmans à tuer le romancier anglo-indien, accusé de blasphème. Désormais, la stratégie des islamistes consiste à éliminer par tous les moyens leurs opposants. C’est dans ce contexte qu’il faut situer la condamnation à mort de Taslima Nasreen (1993), l’assassinat de Theo van Gogh (2004), les tentatives visant le caricaturiste danois Kurt Westergaard (2005), ainsi que la tuerie à Charlie Hebdo le 7 janvier 2015.

La légitimité de la mise à mort des esprits libres est clairement revendiquée par l’islam politique. Leur élimination est programmée et se joue sur plusieurs niveaux. Le terrain juridique en est un et il n’est pas des moindres.

Des poursuites judiciaires sont désormais intentées contre des militant-e-s laïques et féministes sous de faux prétextes. Cette nouvelle stratégie qui s’apparente à une « guerre juridique » s’est visiblement mise en place afin de museler quiconque use de sa liberté de parole pour critiquer l’islam radical et tester la résistance des « cibles » et des institutions.

En France, le procès des caricatures de Charlie Hebdo en a préfiguré le terrifiant engrenage. Le procès contre la crèche Baby Loup a suivi, avec ses interminables rebondissements judiciaires dont la directrice, Natalia Baleato, est sortie victorieuse, mais au prix d’un long combat.

L’exemple de Benhabib

Au Québec, Djemila Benhabib, journaliste et essayiste bien connue pour son combat contre l’islam politique, en est déjà à son deuxième procès. En 2012, elle est poursuivie par une mère musulmane qui lui reproche d’avoir publié sur son blogue les photos de ses deux enfants prises lors d’un concours de récitation coranique organisé à la mosquée al-Rawdah, un fief des Frères musulmans. Or, ces mêmes photos étaient déjà publiées sur le site de ladite mosquée. Djemila Benhabib a gagné ce procès sans réel objet, mais on peut imaginer ce que cela représente de pression morale et financière.

Le 26 septembre prochain s’ouvrira à Montréal un autre procès, qui l’oppose, cette fois-ci, à une école islamique pourtant financée par le ministère de l’Éducation et qui fait du port du voile islamique une obligation à partir de la troisième année (c’est-à-dire pour des fillettes de 9 ans). Au Royaume-Uni, la militante féministe Maryam Namazie, qui mène une lutte acharnée contre les tribunaux de la charia, est aux prises avec des lobbies organisés au sein des campus universitaires qui viennent perturber violemment ses conférences. Cet insupportable harcèlement consiste toujours à faire passer des militant-e-s laïques pour des racistes.

Ne nous trompons pas sur les véritables motivations des auteur-e-s de ces attaques d’un type nouveau. D’abord, il s’agit de faire régner la peur pour empêcher toute expression critique envers l’islam ou contre la façon dévoyée dont certain-e-s veulent l’imposer à d’autres.

Ensuite, il s’agit de mettre une pression démesurée sur les personnes visées, pour les épuiser psychologiquement et financièrement, les ostraciser et les éliminer du débat public. Bref, les décourager de continuer à s’exprimer publiquement.

C’est pourquoi nous réaffirmons avec force que les démocrates du monde entier refusent la stratégie de la peur et de l’intimidation.

Il ne saurait être question de renoncer à la liberté d’expression, pas plus qu’à l’universalité des droits de la personne et à ceux des femmes en particulier, qui ne doivent souffrir aucune contestation ni restriction au nom de préceptes religieux ou de prétextes culturels.

À nous de rassembler nos forces pour nous donner les moyens d’agir collectivement. C’est le premier objectif du comité de soutien qui vient de se constituer.

 Pour soutenir financièrement Djemila Benhabib, voir la page Je soutiens Djemila.

 POUR VOIR LA LISTE DES PREMIÈRES ET PREMIERS SIGNATAIRES, CLIQUEZ SUR LE PDF CI-DESSOUS

Mis en ligne sur Sisyphe, le 31 juillet 2016




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