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Éternelles burqas du silence
24 août 2016
par
Éternelles burqas du silence :
capes d’invisibilité…
Ignorées transparentes surtout
ne pas exister.
Corps de verre
brisés par cette armure telle
ceinture de chasteté
sociale,
la femme est vierge éternelle
ou putain, terra incognita
des désirs,
vouée aux Gémonies du
nomandsland sous cette chape de
plomb,
disparue sous les drapures
imposées par la main des violences masculines.Éternelles burqas du silence,
du voile au burkini en
passant par niqab
ou hidjab,
cachez ce corps que
je ne saurais voir.
Mutilations ancestrales sous
couvert du Livre :
excision des beautés,
infibulation des chairs,
castration inversée
par peur de ce corps féminin,
de ses courbes, de
ses pleins et de ses déliés
qui engendrent
qui caressent
qui jouissent
même sans le glaive du Seigneur
mais n’ont pas ce droit primitif
à la liberté :
Jamais.Éternelles burqas du silence,
jusqu’à n’être plus que
fente d’un
regard,
dernier bastion du droit à
la survie
dans un monde
où tout est tabou,
dans un monde sans
allégresse, désert de pierres,
ces pierres qui nous lapident,
nous, les femmes
toujours adultères,
un monde où la danse, la musique,
la vie même
sont voués à la charia.Éternelles burqas du silence,
et vous Messieurs les Jurés
du Conseil d’État,
vous les hommes
censés représenter
la liberté l’égalité la sororité
vous avez osé
confirmer
le droit des Hommes à
mutiler les Femmes !
Je vous conspue, Messieurs les Jurés,
je vous bannis,
je vous déclare indignes
de nos Libertés Fondamentales,
vous qui venez d’interdire
aux corps d’exulter,
de se livrer à la vie,
au sable, aux vents, au soleil, à la mer, aux quatre éléments
qui nous constituent liberté,
vous qui venez d’interdire
le feu sacré
l’eau lustrale,
le pneuma vivifiant
et la terre nourricière
à celles qui pourtant
donnent la vie,
à vos
mères,
vos soeurs,
vos femmes,
vos filles,
à toutes les Françaises
qui pourtant sont Marianne.Sabine Aussenac, "Éternelles burqas du silence", Le Monde, 26 août, 2016.
Merci à l’auteure de nous avoir fait parvenir ce poème.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 22 août 2016