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La religion à l’école n’est pas un remède à la radicalisation

9 novembre 2016

par Andréa Richard, auteure

Depuis la désaffectation des religions et des églises au Québec, on n’entendait plus parler des religions, sauf pour les cérémonies de mariages et d’enterrements, et la voix des évêques se faisait rare. Mais voilà qu’en 2015-2016, presque tous les jours, aux nouvelles des médias, des faits, des opinions, des contradictions venant même des autorités gouvernementales et religieuses font la manchette !

En octobre, dans plusieurs journaux, presque quotidiennement un débat religieux apparaît. Les 24, 25 et 26 ont paru dans les journaux différents textes : le Vatican veut interdire la liberté de disposer des cendres, un groupe voit le recours à la religion comme solution pour prévenir la radicalisation et Mme Cécile Rousseau affirme que les cégeps auraient intérêt à faire une place à la spiritualité. Dans l’article « La pratique religieuse n’est pas un déclencheur [de radicalisme] » (Le Devoir, 26 octobre), Mme Rousseau confie même à la journaliste Lisa-Marie Gervais qu’elle se demande s’il n’y aurait pas lieu d’avoir des espaces de culte et des lieux de prières dans les cégeps.

Mais qu’entend-elle par spiritualité ? Plusieurs confondent souvent religion et spiritualité. La religion est dogmatique et doctrinale, la spiritualité ne vient pas des religions. La spiritualité peut être un bienfait, mais pas en référence à un Dieu, un ciel ou un enfer. Elle doit être vue comme une culture de l’esprit pour se développer et réussir sa vie de façon épanouissante, positive et constructive. J’invite Mme Rousseau à lire mon livre, L’essence de la vie.

À l’émission Médium large de Radio-Canada, le 24 octobre, Daniel Baril et moi étions interviewés par Mme Isabelle Craig, au sujet du contenu du cours Éthique et culture religieuse. Il y avait aussi deux promoteurs de ce cours qui se portaient à sa défense, dont Mme Mireille Estivalèzes. À chacune de nos interventions visant à expliquer ce qui est écrit dans les manuels scolaires, cette professeure d’université, spécialiste de l’enseignement des religions, répondait en disant : « Ce n’est pas vrai ! Parce que ce n’est pas dans le programme. »

Mme Estivalèzes, Daniel Baril et moi nous ne l’avons pas inventé. Des monstruosités sont écrites dans les manuels scolaires utilisés pour l’enseignement du cours ECR. Par exemple, dans un manuel, une fillette berbère âgée d’environ sept ans porte le voile et est parée de bijoux parce que c’est son mariage (manuel Vers le monde, CEC p. 100). Il est aussitôt ajouté qu’au Québec, des filles de 18 ans ont déjà des enfants et cela est écrit comme si cela était tout à fait normal qu’une jeune enfant se marie très tôt bien avant sa puberté. Le mariage de jeunes enfants est « banalisé », peut-on lire, comme si ce serait acceptable dans certains pays parce qu’on le fait avec la bénédiction de religions. Pas de remises en question concernant le mariage de cette fillette et pas de mises en garde face à des pratiques dégradantes et abusives pour les femmes.

À cette émission, l’animatrice m’a présentée comme une ancienne religieuse. Mon expérience personnelle a été confrontée à un des devoirs demandés à l’élève. En effet, il est demandé à l’élève de lire des extraits du Coran et de la Bible et de visiter un prêtre ou un imam (Manuel du maître CEC p. 111). Alors que je n’avais que 14 ans, en 1948, la même chose m’a été demandée. Résultat : j’ai été endoctrinée par le prêtre qui m’a même dit que le Bon Dieu m’appelait… Très fière, je l’ai écouté et cela m’a conduit, en quelque sorte, à perdre ma jeunesse ! Pour ne dire que cela… Certains voudraient aujourd’hui ce retour en arrière ?

Je continuerai à crier haut et fort qu’il faut bannir l’enseignement religieux des écoles. En lieu et place, il faut se tourner vers des cours de civisme, de philosophie pour enfants et adolescents, comme cela se fait déjà en France, et non chercher des solutions dans les religions. De grâce, ne nous engageons pas trop vite sur des chemins risqués en laissant de nouveau une place aux religions, qui sont d’un autre temps. Je le dis et je l’affirme : nous pouvons être heureux en laissant le religieux dans la sphère privée, entre adultes consentants. Et laissons les enfants s’épanouir sans le moindre risque d’endoctrinement.

À Ottawa, une prière musulmane a été récitée en grand, au parlement même ! C’est à se demander si c’est bien le gouvernement qui gère la société ou si ce sont les religions qui mènent le gouvernement ? Le projet de loi 62, présenté par la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, veut dicter et affirmer la neutralité de l’État, mais en même temps, cette ministre veut s’ouvrir aux accommodements religieux. Cela est pour moi contradictoire. La neutralité, c’est être ni pour ni contre, et ce, dans le respect. Le favoritisme de la pratique religieuse, au détriment de la laïcité qui unit, c’est le contraire de la neutralité. C’est conforter et cautionner des extrémistes dans leur foi superstitieuse, comme si on y croyait soi-même !

L’auteure

Andréa Richard est l’auteure de L’essence de la vie (2007), Au-delà de la religion (2009) et Femme après le cloître (2015) aux Éditions Septentrion.

 Lire la Pétition - Retrait du volet "culture religieuse" du cours Éthique et culture religieuse (ÉCR). Il reste 30 jours pour la signer.

Mis en ligne sur Sisyphe, 1 novembre 2016

Andréa Richard, auteure


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