C’est la Dépression. Chômage partout. Je me trouve chanceuse de travailler au gouvernement. J’ai la jeune vingtaine et je suis sténodactylo au ministère de l’Agriculture du Québec.
Mon salaire fait vivre cinq personnes : ma mère veuve, mon jeune frère et mes sœurs. Malgré les miracles d’économies qu’elle fait, ma mère me déclare un jour qu’elle ne peut plus arriver.
Je me rends donc chez mon ministre pour lui demander une augmentation de salaire. Il regarde son barème et me dit : « Vous avez le plus haut salaire pour une femme au gouvernement ».
Je suis sous le choc. Je ne comprends pas pourquoi ma jupe m’empêche d’avoir un salaire décent. Le prix du beurre est pourtant le même pour les femmes et pour les hommes !
J’ai alors une idée. Si je démissionnais en faveur de mon frère, quel serait son salaire ? Le ministre regarde son barème de nouveau et me donne un chiffre.
La différence entre mon salaire et celui que toucherait mon frère, pourtant moins qualifié que moi, payerait presque notre loyer. Je démissionne donc et mon frère est embauché.
Quel bon vieux temps !
Aujourd’hui, qu’avons-nous gagné ? Après de chaudes luttes, les femmes ont arraché des droits. Elles ont gagné la parité salariale dans des professions et des métiers.
Pourtant, les inégalités salariales persistent.
La première femme à devenir ministre des Finances du Québec a tout tenté pour assurer la parité, mais elle a dû déclarer forfait dans certains domaines.
Malgré toutes ces luttes, les femmes n’ont pas encore l’égalité salariale avec les hommes.
D’après les plus récents chiffres de Statistique Canada, les femmes qui travaillent à temps plein gagnent 26 % de moins que les hommes.
Alors, les filles, ne baissez pas les bras, nous n’avons pas tout gagné. Il y a encore du travail à faire.
Publié aussi dans La Presse+, Opinions, le 18 août 2018
