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Confondre le sexe biologique et le genre nuit aux droits des femmes

30 mars 2020

par Johanne St-Amour, féministe radicale et collaboratrice de Sisyphe


« [J]e ne sais pas ce que c’est « être une femme » », « il ne s’agit toujours bien que d’un corps dont le fonctionnement est imparfait et un peu arbitraire, refusant d’être réduite à ce qui se cache à l’intérieur de ma coquille de chair » écrit Martine Delvaux dans le numéro de mars de la Gazette des femmes. (1)

Une chronique où ses envolées littéraires dramatiques traduisent un mal être existentiel. L’erreur serait de croire que ce questionnement est relatif à toutes les femmes, à toutes les féministes. )

« Ce n’est pas parce que j’ai des seins et plusieurs jupes dans ma garde-robe que je suis une femme », avait-elle déjà dit.

Je retrouve dans ce texte toute la confusion que certaines féministes et des activistes de l’identité de genre impulsent pour asseoir leurs théories.

Autrefois, le genre était associé à un construit social, auquel étaient accolés des préjugés, des croyances, des stéréotypes.

Le militantisme transgenre fait maintenant du genre une identité. Plusieurs identités en fait, selon le senti qui mène à vouloir s’auto-identifier. On en est rendu là.

L’essence, la nature même du corps féminin, est refoulée à cause de la difficulté de certaines personnes à vivre les traits spécifiques qu’on associe aux femmes. Oubliant que des féministes combattent ces stéréotypes depuis longtemps.

Oubliant que le défi à relever consiste peut-être à prendre de la distance face à ces préjugés. À briser les idées reçues pour s’exprimer de façon unique.

Enfin vivrons-nous dans un monde « d’organismes libérés du domicile fixe qu’est l’identité » exulte Mme Delvaux. (2)

Mais de quelle identité parle-t-elle ?

Douter qu’une personne qui a des seins, un utérus, un vagin, des chromosomes XX, et d’autres caractéristiques féminines physiques soit une femme, c’est saper le féminisme à la base.

Oui, il y a les intersexes, mais c’est une autre histoire.

Et non, « la moitié de l’humanité [n’est pas] menacée de mort à cause de son genre », comme le dit Mme Delvaux, mais à cause de son sexe. Et bien que des transgenres subissent aussi de la violence. Et vivent beaucoup de souffrance à cause de leur dysphorie de genre.

C’est parce qu’elles ont un utérus et d’autres fonctions biologiques féminines que les femmes peuvent engendrer ou avorter. Et que des gens qui veulent contrôler leur corps tentent de les empêcher de faire leurs propres choix.

C’est parce qu’elles ont des caractéristiques physiques féminines que des jeunes filles sont excisées. Partout à travers le monde.

C’est parce qu’elles sont des femmes biologiquement qu’on oblige des femmes à se voiler.

C’est à cause de ce qu’elles sont fondamentalement femmes que les femmes subissent de la violence.

Nier le sexe biologique pour justifier des identités multiples ou pour espérer « que le sexe et le genre ne compteront pas, ne compteront plus comme avant », c’est irréaliste. C’est de la fiction.

Vouloir que ce qui comptera par-dessus tout, « c’est la vie », sera possible seulement si on peut définir la vie. Et le sexe
.
Cette incohésion crée de sérieux préjudices envers les femmes et aussi les enfants et les personnes LGB.

Une pétition a été lancée en 2019 par des femmes canadiennes afin de demander à notre gouvernement de RÉFORMER ou d’ABROGER la loi C-16, qui a ajouté les expressions « identité de genre » et « expression de genre » à la liste des motifs de distinction illicite de la Loi canadienne sur les droits de la personne et qui a reçu la sanction royale au Canada le 19 juin 2017 ». (3)

La déclaration des femmes canadiennes considère que les consultations ont été insuffisantes et que les conséquences négatives de la loi sur « les autres groupes protégés, notamment les femmes, les enfants et les membres des communautés de la communauté LGB » n’ont pas été suffisamment prises en considération. (4)

Une analyse différenciée selon les sexes (ADS) produite avant l’adoption de la loi n’a d’ailleurs jamais été révélée publiquement.

Soulignant que les critiques sur l’identité de genre ne cherchent pas à nier la sincérité des personnes qui vivent avec une dysphorie du genre - et leur souffrance-, Diane Guilbault, présidente de Pour les Droits des femmes du Québec, explique dans une allocution à un groupe de femmes pourquoi légiférer sur l’identité de genre est un net recul pour les droits des femmes. (5)

Elle détaille les contradictions et les incohérences liées à la reconnaissance de l’identité de genre. Elle examine les conséquences néfastes sur les enfants, « notamment les séquelles physiques irréversibles sur les jeunes filles. »

Elle révèle l’existence d’une homophobie occultée, alors que plusieurs jeunes filles qui désirent changer de sexe vivent en réalité une homosexualité non révélée.

La difficulté à définir clairement ce qu’est l’identité de genre ajoute à l’embrouillamini. Le ministère canadien de la Justice s’y est risqué, et j’en conclus personnellement qu’il y aurait plus de 37 millions et demi d’identités de genre au Canada !

Facile de rêvasser quand on renie les définitions claires, nettes, précises et scientifiques de la biologie sur le sexe des femmes et de créer un personnage « non identifié ». C’est bon pour la littérature fantastique, mais c’est irréaliste.

D’autant plus que ce questionnement semble un luxe pour la très très grande majorité des femmes du monde.

Le monde utopique de Martine Delvaux « libéré du domicile fixe qu’est l’identité » vient surtout de faire de toutes les femmes des sans-abri ! Et une occasion perdue de continuer à briser tous les stéréotypes.

Je m’étonne qu’un magazine comme La Gazette des femmes se prête à ce jeu !

Notes
1. Delvaux, Martine, "Lucioles de demain", Gazette des femmes, mars 2020.
2. Idem
3. Guilbault, Diane, "Sexe, genre et identité de genre", allocution Conférence au Centre Rayon de femmes de Blainville, 11 mars 2018. Lire ici
4. Idem.
5. Idem
.
6. « L’identité de genre est l’expérience intérieure et personnelle que chaque personne a de son genre. Il s’agit du sentiment d’être une femme, un homme, les deux, ni l’un ni l’autre, ou d’être à un autre point dans le continuum des genres. L’identité de genre d’une personne peut correspondre ou non au genre généralement associé au sexe qui lui a été assigné à la naissance. Pour certaines personnes, leur identité de genre est différente du genre généralement associé au sexe qui leur a été assigné à la naissance ; c’est souvent ce que l’on appelle une personne transgenre. L’identité de genre est fondamentalement différente de l’orientation sexuelle de la personne. L’expression de genre est la manière dont une personne exprime ouvertement son genre. Cela peut inclure ses comportements et son apparence, comme ses choix vestimentaires, sa coiffure, le port de maquillage, son langage corporel et sa voix. De plus, l’expression de genre inclut couramment le choix d’un nom et d’un pronom pour se définir. »Idem

Illustration : Henri Matisse, 1952.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 27 mars 2020

Johanne St-Amour, féministe radicale et collaboratrice de Sisyphe


Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=5571 -