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Je suis une femme, pas une femme cisgenre

11 avril 2021

par Marie Savoie, collaboratrice de Sisyphe


Un courant d’idées actuel veut qu’il y ait deux sortes de femmes. Les femmes "cisgenres", nées avec l’anatomie sexuelle d’une femme sans que cela ne leur cause de conflit intérieur, et les femmes "transgenres", soit des personnes à l’anatomie masculine qui se sentiraient femmes. Il s’agirait en quelque sorte d’hommes "nés dans le mauvais corps".

C’est à mes yeux une imposture. Scientifiquement, personne ne peut naître dans le mauvais corps. Cela dit, je compatis à la souffrance d’une personne qui se sent plus près du "genre" de l’autre sexe, soit des caractéristiques ou attributs que la société associe communément aux hommes et aux femmes. Tout comme J. K. Rowling, dont la franchise et le courage méritent d’être salués, je pense que toute personne doit être libre de s’habiller, de vivre sa sexualité et de mener sa vie comme elle le souhaite, sans être importunée ou discriminée. C’est son droit le plus strict. Un homme qui le souhaite peut très bien se présenter comme une "femme trans", mais cela ne fait pas de lui une femme.

Des termes tendancieux

Je trouve l’expression "femme cisgenre" insultante et trompeuse, puisqu’elle laisse entendre qu’il y a d’autres types de femmes et qu’il suffit de "se sentir femme" pour en être une. Mesure-t-on l’absurdité de cette prétention ? Et l’ampleur de ses conséquences pour les femmes ?

Je suis une femme parce j’ai les caractères biologiques de la moitié de l’humanité qui enfante. Cette particularité a modulé le cours de ma vie, comme pour toutes les femmes, qu’elles choisissent ou non d’avoir des enfants.

Une dissidence vivement réprimée

Au Québec, comme dans l’ensemble du monde occidental, il est dangereux de rejeter la théorie du genre. Quiconque refuse d’admettre que "les femmes trans sont des femmes" s’expose à des torrents d’injures sur les réseaux sociaux, à des menaces, voire à perdre son gagne-pain, comme pourrait en témoigner un nombre croissant d’écrivaines, de professeures, de scientifiques ou de journalistes qui ont osé contester ce dogme.

Qu’est-ce au juste que le genre ? Que veut dire pour un homme de "se sentir femme" ou pour une femme de "se sentir homme ? Les explications des personnes transgenres elles-mêmes sont toujours assez vagues. D’après ce qu’on peut en comprendre, il s’agirait d’un ensemble de traits tout à fait arbitraires, comme un penchant pour les robes, les couleurs vives ou le vernis à ongles, chez les hommes, ou le fait d’aimer les sports violents, les voitures de course, ou de taire ses émotions, chez les femmes. Ces catégories presque caricaturales ne résistent pas au moindre examen. Les personnes du même sexe varient énormément entre elles, et aucune de ces caractéristiques, d’ailleurs fondées sur des stéréotypes sexuels d’un autre temps, n’est attribuable exclusivement aux hommes ou aux femmes.

La théorie du genre, qui postule qu’on peut être une femme née dans le corps d’un homme, n’a aucun fondement scientifique. Quoi que prétendent ses plus fervents adeptes, ce n’est pas un fait avéré mais bien une croyance. Comment expliquer alors qu’elle se soit propagée aussi facilement chez des personnes douées d’esprit critique ? Ces mêmes personnes qui invoquent la science pour démentir quiconque met en doute le dérèglement climatique ? Ou qui ridiculisent les chefs d’État qui déclarent que la Covid n’est rien de pire qu’une grippe ?

Si la théorie du genre, élaborée dans des universités américaines, s’est répandue aussi rapidement, c’est qu’elle compte sur un puissant lobby et sur une armée d’internautes activistes. Au Canada, des groupes de pression bien organisés ont grandement contribué à l’adoption de la loi C-16 qui consacre "l’identité et l’expression de genre" (1), en intervenant assidûment auprès de membres de la classe politique, notamment en Colombie-Britannique. Il est de plus en plus évident aussi que les idéologues du genre ont des alliés haut placés dans les réseaux sociaux, qui font taire les voix dissidentes en supprimant leur compte.

Meghan Murphy, créatrice et éditrice du réputé site canadien Feminist Current, a été bannie de Twitter pour avoir désigné par un pronom masculin Jessica (anciennement Jonathan) Yaniv. Yaniv est une "femme transgenre" à l’anatomie mâle intacte, qui est devenue tristement célèbre pour avoir intenté des poursuites contre plusieurs esthéticiennes qui avaient refusé de lui épiler les testicules. Déboutée en cour, Jessica Yaniv a été condamnée à payer 2000 $ à chacune des trois esthéticiennes contre qui elle avait porté plainte... mais elle est toujours sur Twitter.

La nécessité de débats intelligents

Même si l’identité de genre est un sujet extrêmement polarisant, aussi bien dans l’ensemble de la société que chez les féministes, il faut que nous puissions en débattre avec civilité. Jusqu’à maintenant, les débats publics organisés sur la question à Vancouver, à Seattle et à Toronto ont attiré des foules, preuve que la théorie du genre et ses conséquences sociales suscitent beaucoup d’intérêt. Malheureusement, ces rassemblements ont donné lieu à de tels débordements de violence et de menaces que les forces de l’ordre ont dû intervenir pour protéger les conférencières, des féministes critiques de l’idéologie du genre.

C’est dire le courage qu’il faut pour exprimer publiquement son désaccord avec la théorie du genre. Or, il faut de toute urgence tenir des débats sérieux sur la question. Nous ne pouvons plus nous contenter des pseudo-analyses complaisantes de journalistes sans rigueur. C’est une question trop lourde de conséquences sur les droits des femmes pour que l’on ne puisse pas en discuter de façon rationnelle et sans excès de langage.

Remettre les pendules à l’heure

Enfin, il est important de rappeler que la théorie du genre est une théorie, aussi valable ou contestable que toute autre. Chacun-e a le droit d’y adhérer ou non, et il est parfaitement légitime de la critiquer ou de la rejeter.

Pour ma part, je refuse de m’abêtir au point de croire que l’univers a été créé en sept jours ou qu’un être humain pourvu d’un pénis peut être une femme. Il est grand temps que celles et ceux qui sont du même avis le fassent savoir, malgré les injures, les menaces et le harcèlement qui tiennent lieu d’arguments aux plus virulents adeptes de l’idéologie du genre.

(Notes
1. Le projet de loi C-16 Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel a été adopté en 2017. Il ajoute "l’identité ou l’expression de genre" aux motifs de distinction illicites.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 10 avril 2021

Marie Savoie, collaboratrice de Sisyphe


Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=5606 -