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Marie Trintignant

8 septembre 2003

par Gisèle Halimi, avocate, écrivaine et présidente de Choisir la cause des femmes

Marie Trintignant est morte. Elle était jeune, belle, indépendante. Je l’avais rencontrée au cours d’une projection privée de la série télévisée de Victoire ou la Douleur des femmes réalisée par sa mère Nadine. Elle y incarnait une jeune femme qui s’éveillait à la conscience féministe. Qui refusait d’abdiquer sa dignité de femme, même dans l’amour. Elle choisissait de défendre, dans un grand procès, le droit à l’avortement. La revendication de la liberté des libertés : le droit de "choisir".

Nous avions longuement parlé. Sa fraîcheur et son engagement pour les droits des femmes - et pour les siens d’abord - lui donnaient une sorte de luminosité et, pour s’exprimer dans le rôle, un réel talent. Marie Trintignant avait un compagnon, dont sans doute elle était éprise.

Un soir, ce 27 juillet vers 23 heures, ils se disputent. J’imagine un échange de mots durs, blessants d’abord, comme commencent toutes les disputes de couple. Elle a dû se cabrer. Gifles et coups. Son visage tuméfié en porte les traces.

En revanche, pas de traces de violence, semble-t-il, sur son compagnon. Unilatéralisme de la violence physique. Rapport de forces classique homme-femme. Marie s’évanouit, dit l’agresseur. Elle entre en fait dans le coma. Il la croit endormie, dit-il encore. Et n’appelle les secours qu’à 7h30 du matin, le lendemain. Trop tard. Dégâts irréversibles. Marie meurt, Marie est morte.

Les coups portés l’ont-ils directement tuée, dans le délire de l’affrontement et de l’alcool ? Ou ont-ils provoqué la chute et le grave traumatisme crânien dont elle ne se relèvera pas ?

Peu importe. Sans doute le violent n’aura-t-il pas voulu tuer. Mais seulement avoir raison, l’emporter, la corriger peut-être. Et toujours, comme partout dans le monde, depuis des millénaires et dans toutes les classes de la société, par la violence de l’homme contre la femme.

Que deviennent aujourd’hui les affirmations de celles qui, dans des livres tumultueux, dénoncent la "victimisation" des femmes battues, leur "complot" pour se faire reconnaître droits et protection (indus), leurs affabulations, en somme ?

Et les palabres, sous couvert de rigueur scientifique, autour de l’amalgame, faits par les chercheur(e)s entre les différentes formes de violence conjugale ?

Faudrait-il tronçonner ce "continuum" de la violence universellement reconnu ? Injures, puis gifles, coups de poing... jusqu’au crâne éclaté et à la mort ?

La violence conjugale tue.

Marie Trintignant, par sa fin tragique, devient un symbole.

Mis en ligne sur Sisyphe le 9 septembre 2003

Reproduit avec l’autorisation de l’auteure.
Article paru dans l’édition du 05.08.03 du journal Le Monde.

Gisèle Halimi, avocate, écrivaine et présidente de Choisir la cause des femmes


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