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Au Québec, une consultation bidon sur la pauvreté

6 juillet 2002

par Micheline Carrier

Les sceptiques avaient donc raison quand ils n’ont pas cru que Bernard Landry et son gouvernement étaient "obsédés" par la lutte à la pauvreté. On ne se convertit pas soudainement à une réalité dont on est depuis longtemps décroché. La répartition équitable de la richesse se ferait, par magie, croyait-on, au gré de la croissance économique. Mettons donc les ressources collectives à la disposition des investisseurs et forçons la population à accepter des réductions de services et à se serrer la ceinture pour éliminer un déficit qui effraie les nouveaux maîtres.



Cette recette n’a jamais engendré la justice sociale et elle le fera encore moins sous l’effet de la mondialisation. La mondialisation telle que la conçoivent l’industrie et ses États valets a pris une tangente qui aggrave l’ampleur et la sévérité de la pauvreté. Depuis cinq ans au Québec, de nombreux groupes ont étalé, sur la place publique et dans les commissions parlementaires, des problèmes précis et des pistes de solution pour lutter contre la pauvreté. Si le gouvernement a encore besoin de consulter, c’est qu’il n’a pas écouté, et rien n’indique qu’il écoutera davantage au cours de l’année qui vient.

Si cette « consultation » était, en réalité, une activité préélectorale déguisée ? Elle permettrait de gagner du temps et offrirait une occasion de promouvoir la souveraineté. Parions que ceux et celles qui y participeront se feront dire et répéter qu’un Québec souverain aurait les moyens de lutter contre la pauvreté.

Pourquoi cette « consultation » n’inclurait-elle pas les partis d’opposition qui devraient avoir leur mot à dire dans un plan national contre la pauvreté ? Revenant au sens premier du libéralisme synonyme de progressisme social, l’opposition libérale, notamment, semble mieux comprendre que le PQ la problématique réelle de la pauvreté - ou est-ce seulement de l’électoralisme là aussi ? En tout cas, le PLQ reconnaît que trois des demandes du Collectif pour une loi sur l’élimination de la pauvreté- l’indexation de l’aide sociale, l’adoption d’un plancher de prestation et le rétablissement de la gratuité des médicaments pour les prestataires- sont réalistes et réalisables. Si le PLQ ajoutait à cela la bonification du salaire minimum - mais il rejette l’idée parce que ses « souteneurs », les milieux d’affaires, s’y opposent - on aurait là une bonne base pour l’élaboration d’un plan de lutte à la pauvreté.

Si de nombreux enfants arrivent le ventre vide à l’école, c’est parce que leurs parents sont pauvres. Il est sûr que, les fins de mois venus, de nombreux jeunes, et leurs parents aussi, ont faim ailleurs qu’à l’école. Plutôt de donner aux parents les moyens de se loger et de nourrir convenablement leurs enfants, de leur assurer une vie culturelle et des loisirs épanouissants, le gouvernement les marginalise davantage en nourrissant lui-même les enfants pauvres via l’école et en créant des logements à prix modiques. Un gouvernement tuteur des enfants et des pauvres. Comme s’il ne croyait pas ces gens capables de dépenser judicieusement leur revenu, advenant qu’ils en aient un revenu.

Deux ans plus tard

Deux ans plus tard, nous sommes à peu près au même point : toujours pas de plan contre la pauvreté de la part d’un premier ministre qui se prétendait obsédé par le problème. Mais les préoccupations électoralistes sont toujours présentes. Voilà que les sondages promettent une dégringolade spectaculaire au Parti québécois, advenant une élection prochaine. Le gouvernement péquiste improvise un semblant de virage et parle d’une sorte de revenu minimum dont il pourrait présenter les grandes lignes au printemps prochain, quelques mois avant des élections... C’est reconnaître explicitement que l’obsession de lutte contre la pauvreté n’a pas jusqu’ici été bien forte.

Eh bien, je n’y crois pas davantage pour le printemps. Le Parti québécois essaie de se refaire une image positive auprès des groupes sociaux qu’il a lâchement abandonnés, depuis l’administration Bouchard, pour satisfaire les milieux financiers et les gens d’affaires. Il ne mettra pas en place ce qu’il promet. Pas plus au printemps prochain qu’il y a six ou deux ans.

Micheline Carrier


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