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Mémoire au ministre des Finances du Québec
Un budget équitable au service d’un Québec d’abord solidaire

20 janvier 2004

par Collectif d’Abord solidaires

Mémoire du mouvement D’Abord Solidaires déposé au ministre des Finances dans le cadre des " consultations " (1) prébudgétaires
UN BUDGET ÉQUITABLE AU SERVICE D’UN QUÉBEC D’ABORD SOLIDAIRE
plutôt qu’un Québec démantibulé au service d’un budget néolibéral

D’Abord solidaires est un mouvement citoyen non partisan engagé dans un travail d’éducation et d’action politique axé sur la promotion du bien commun et la construction d’une société solidaire.

Compétence citoyenne versus expertise financière. Bien que nous ne soyons pas des spécialistes en finances, nous possédons toutes et tous cette compétence citoyenne qui nous rends aptes à nous occuper des affaires de la cité. Nous sommes des citoyennes et des citoyens et c’est à ce titre que nous intervenons dans le débat public.

Une question préalable : un budget au service de quel projet politique ? Au moment d’élaborer son budget le ministre des Finances invite la population à lui soumettre réflexions et suggestions sur (…) les priorités du gouvernement pour relever les défis des dix prochaines années, les sources de financement pour répondre aux besoins de la société, le fardeau fiscal des contribuables québécois, la simplification de la fiscalité.

Or, la préparation d’un budget est un geste politique bien davantage qu’un exercice comptable technique. Avant même de répondre aux questions il faut poser "la" question préalable : à quel projet politique le budget répond-t-il ? Le diagnostic posé sur l’état des finances publiques et les informations fournies "en toute transparence" révèlent à quelle enseigne crèche le ministre des Finances. Par exemple :

     vieillissement de la population posé comme une donnée catastrophique…mais sans fournir d’autres points de vue beaucoup plus nuancés sur la question et qui contredisent la position gouvernementale
    (2) ;
     hausse des dépenses publiques…mais sans analyse de l’ensemble des causes structurelles (par exemple les coûts astronomiques des médicaments maintenus par des politiques de complaisance envers les géants pharmaceutiques) ;

     " fardeau " fiscal présenté comme " excessif " … mais sans analyse le reliant aux services publics et à leur impact sur les solidarités sociales.

Cette manière de présenter l’état des finances publiques fait partie du projet néoconservateur du gouvernement Charest.

De plus, la préparation du budget se fait après l’ouverture de brèches importantes dans des acquis sociaux des dernières années par le biais de sept lois votées à toute vapeur en décembre dernier et dont on commence à peine à mesurer les impacts négatifs pour les citoyennes et les citoyens à revenu faible et moyen. Concrètement, elle survient après l’augmentation des frais de garderie, d’électricité, l’application de l’approche punitive en matière de sécurité sociale, l’annulation du maigre 1% que les entreprises devaient consacrer à la formation, l’élimination de toute taxe sur le capital, etc.

Du discours inaugural aux consultations prébudgétaires : le même agenda néolibéral. Le gouvernement libéral actuel avait clairement annoncé ses couleurs idéologiques lors du discours inaugural suivant son élection. Nous constations alors que désormais le Québec allait accentuer avec détermination son virage à droite et se soumettre avec zèle à l’agenda néolibéral déjà en place aux Etats-Unis et dans la plupart des provinces canadiennes. Dès ce moment nous disions : (…) son appel lancinant à en finir avec un État soi-disant trop interventionniste, sa foi quasi-religieuse dans les seules vertus du libre marché et de l’entrepreneurship pour produire et redistribuer la richesse, sa glorification des intérêts individuels au détriment des solidarités collectives, toutes ces idées anciennes et périmées feront reculer le Québec car elles ont déjà fait leurs preuves en terme d’accroissement des écarts et de fractures sociales (3).

Nos esprits sont devenus des territoires occupés par les idées de droite en économie. Le ministre des Finances nous invite à penser les finances publiques à l’intérieur de ce cadre néolibéral comme s’il s’agissait d’une vérité universelle, d’une " loi de la nature ", immuable, inévitable et indépassable. Les maîtres à penser de ces positions idéologiques ne sont pas mentionnés dans le document de consultation mais nous les connaissons bien. Ce sont le Conseil du patronat, les divers lobbys du monde des affaires, l’Institut économique de Montréal, l’Institut Fraser, le FMI (qui encore tout récemment, enjoignait le Canada de privatiser ses services de santé…une incitation de plus pour le gouvernement québécois de faire de même), les firmes privées engagées pour " conseiller " le gouvernement dans sa réingénierie, bref tous ces " think tank " chargés de prêcher partout les mensonges suivants :

     le privé a toujours bien meilleur goût …

     le marché " libéré " de toute contraintes est le seul régulateur de l’économie et le seul capable de partager la richesse… on retrouve la bonne vieille main invisible d’Adam Smith !

     la compétition est le moteur de la croissance économique ….

     la croissance économique assure la réduction de la pauvreté …

Et pourtant ! Il est devenu possible de devenir de plus en plus pauvre dans des sociétés de plus en plus riches ici et ailleurs dans le monde ! Surtout les femmes et les enfants. Surtout les Autochtones. Surtout les travailleurs et travailleuses au salaire minimum ou qui occupent des emplois atypiques, à temps partiel, sur appel, etc. Surtout l’Afrique, ce continent à la dérive. Surtout ces millions d’enfants esclaves ! Rien sur ces constats dans le document de consultation…

Sortir de la pensée unique pour penser autrement l’économie et donc le budget. D’Abord Solidaires récuse cette pensée néolibérale dominante. Nous proposons d’en finir avec cette vision réductrice de l’économie parce que destructrice de la société. Nous invitons le gouvernement à cesser de nous présenter l’Ontario, l’Alberta ou les États-Unis comme seul horizon de nos existences et de nos choix budgétaires. Nous pouvons au contraire être fierEs d’un Québec soit disant plus " pauvre " que ses voisins mais plus juste pour tous. Cette " pauvreté " paradoxalement devient notre plus grande richesse.

Nous proposons que le prochain budget réponde aux exigences suivantes :

      Un budget axé sur la recherche du bien commun, de l’intérêt collectif plutôt que sur ceux du patronat et du monde des affaires uniquement - Le budget sera garant de paix sociale, d’inclusion et de liberté pour chacune et chacun s’il contribue à éliminer la pauvreté, à réduire les écarts entre classes de citoyens/citoyennes, à mieux partager la richesse. Nous ne voulons pas vivre dans une société où il y a des plus égaux que d’autres…ici et ailleurs dans le monde.

      Un budget pour respecter les droits actuels et mettre le cap sur une nouvelle génération de droits - Logement, santé, travail, éducation- comme le recommande la Commission québécoise des droits de la personne et de la jeunesse. En refusant le droit à la syndicalisation à certaines catégories de travailleurs - massivement des travailleuses- le gouvernement viole les Chartes au nom du budget. En refusant d’investir dans le logement, l’éducation, l’emploi, en refusant de réglementer ces secteurs et en favorisant la privatisation comme stratégie principale le gouvernement contrevient à ces droits fondamentaux.

      Un budget pour réaliser maintenant l’équité salariale et faire cesser une fois pour toutes les inégalités salariales entre hommes et femmes - Le gouvernement prétend ne plus vouloir subventionner les entreprises…mais serait-ce pour que les femmes le fassent ? Tout budget devrait tenir compte de l’analyse différenciée selon les sexes de manière à pourvoir déceler si les mesures prises contribuent à appauvrir ou non les femmes, à maintenir les discriminations en emploi et les divisions sexuelles du travail. Nulle part n’avons-nous trouver d’indication en ce sens dans le document de consultation.

      Un budget qui prévoit la mise en œuvre d’un plan d’action découlant de la loi 112 sur la pauvreté et l’exclusion sociale respectant les recommandations faites par le Collectif pour un Québec sans pauvreté.

      Un budget pour maintenir et développer des services publics de qualité et des programmes sociaux qui répondent aux besoins de tous les citoyens et citoyennes peu importe leur statut économique. Aucune baisse d’impôt ne saurait justifier un recul par rapport à ce choix politique.

      Un budget pour protéger l’environnement - et l’utilisation optimale des ressources à naturelles à partager avec les peuples qui en ont moins dans un esprit de solidarité et non de profits à tout prix.

      Un budget qui accorde à la culture tous les moyens nécessaires à son épanouissement - Le Québec ne peut se contenter de n’être qu’un immense hôpital. Individuellement et collectivement " nous ne vivons pas que de pain " mais de " roses " pour reprendre le beau thème de la Marche des femmes Du pain et des Roses. Nous voulons avoir non seulement de quoi vivre mais des raisons de vivre. Et la culture permet d’y accéder...

      Un budget basé sur une fiscalité équitable - L’impôt est un formidable outil de solidarité quand il est juste, progressif, bien équilibré entre particuliers et Cies (ce qui n’est plus le cas). Il protège la société de la jungle du chacun pour soi. Il faut donc aller chercher l’argent là ou il est : dans les " évasions " barbares (bravo !), dans les abris fiscaux légaux et illégaux, dans les paradis fiscaux, etc. Et pourquoi pas un impôt sur la fortune, l’imposition des fiducies familiales et l’imposition de la totalité des gains de capitaux.

En guise de conclusion

Quelques jours à peine après son élection, le ministre des Finances invitait la population québécoise à " faire sans l’État ". D’expérience nous savons les fractures sociales que cette orientation provoque. Nous préférons reprendre la déclaration du Réseau de Vigilance lors de la rentrée parlementaire le 21 octobre dernier : Nous voulons vivre dans un Québec solidaire et riche de tout son monde, un Québec d’égalité entre les femmes et les hommes, un Québec sans pauvreté, éduqué, en santé, respectueux de l’environnement, un Québec démocratique et inclusif. Pour cela, il faut défendre et promouvoir les droits fondamentaux, lesquels forment un tout indissociable, la démocratie, la justice sociale, un développement durable pour un avenir viable sur l’ensemble du territoire. Nous avons aussi besoin d’une fiscalité progressive et équitable. Cela suppose également un État garant de l’intérêt public, dispensateur de programmes sociaux adéquats et de services publics de qualité également accessibles à toutes les citoyennes et tous les citoyens.

En espérant que le prochain budget réponde à ces attentes…..

Notes

1. Nous mettons le mot " consultations " entre parenthèses car les délais accordés et le type d’informations fournies par le gouvernement interdisent d’accorder à cet exercice une réelle légitimité démocratique.
2. " Plusieurs chercheurs croient que l’impact du vieillissement a été gonflé par les pouvoirs publics pour dissimuler leur propre incapacité à contrôler les coûts " Paré, Isabelle, Le Devoir 29 avril 2000. Halte à la démographie apocalyptique ! Pratte, André, La Presse 4 août 2000.
3. La population québécoise n’a pas élu l’ADQ…et pourtant ! Le Devoir 7 et 8 juin 2003 . Françoise David et Lorraine Guay, membres du Collectif D’Abord Solidaires.

D’ABORD SOLIDAIRES
65 ouest De Castelneau bureau 302
Montréal H2R 2W3
Pour informations : Lorraine Guay

 Diffusion fortement encouragée.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 19 janvier 2004.

Collectif d’Abord solidaires


Source - http://sisyphe.org/article.php3?id_article=876 -