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jeudi 25 mars 2004 Nouvelles Questions féministes : "À contresens de l’égalité" Suggestion de lecture
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Nouvelles Questions féministes (2003), revue internationale francophone, consacre son avant-dernier numéro aux " détournements politiques de l’égalité ", ce principe auquel tout le monde réfère sans nécessairement y donner la même signification. Elle propose en éditorial (1) un dossier sur " les manières dont l’égalité est détournée des objectifs féministes " dans des politiques publiques comme la parité, par exemple, et un autre dossier sur " les retournements dont elle fait l’objet " par les antiféministes qui se servent de la revendication d’égalité contre les femmes. Les deux thématiques sont porteuses de réflexions pertinentes pour le Québec dans la conjoncture actuelle.
" L’égalité. Voilà des années qu’elle est mangée à toutes les sauces, asservie à des projets politiques complètement opposés, qui vont du renforcement des systèmes de domination à leur transformation radicale, en passant par leur aménagement. […] Pêle-mêle, on parle aussi bien d’équité, d’équivalence, d’égalité des chances, des situations, des droits, que d’égalité de traitement et de fait. " (pp.5-6)
Les éditrices font état de la dilution de la volonté de transformation sociale au cours du processus de mise en oeuvre des politiques publiques. La raison en est que ces questions " sont toujours considérées comme le problème du groupe discriminé […]. Dès lors, ce ne sont pas les individus dominants que ciblent les politiques publiques, ce sont avant tout les groupes dominés : on ne s’attaque pas aux riches mais on soutient les pauvres ; on ne questionne pas la nature du processus électoral mais on demande aux femmes de s’aligner sur le parcours masculin qui y conduit ; on ne contraint pas les hommes à faire leur part du travail domestique mais on aide les femmes à s’en accomoder. Ces politiques publiques se limitent ainsi à colmater les brèches par des opérations de rattrapage des inégalités. Mais en l’état des choses, on a besoin de ce bricolage […]. Cela dit, l’ensemble du processus révèle, de notre point de vue, un détournement du principe d’égalité : si les politiques publiques n’agissent pas sur le rapport social qui produit les inégalités, celui-ci restera un rapport de pouvoir qui produira d’autres inégalités. " (p.7) Un article (2003) (2) montre comment le principe de la parité inscrit récemment dans les lois françaises " a été détourné de son sens par rapport à l’objectif d’égalité des sexes visé par des mouvements de femmes comme par des organisations européennes et internationales ". La parité a perdu son statut de politique de discimination positive : " Totalement dépolitisée, elle est devenue un principe d’égalité formelle de plus, ces principes qui prônent l’égalité des chances sans même prendre en considération que les ’chances’ qui précèdent l’ascension au pouvoir politique ne sont pas les mêmes pour les femmes et les hommes, sur les plans social et économique. " (p. 7) De plus, la logique d’action des politiques publiques contribue fortement , selon la revue, à l’émergence d’un phénomène de retournement de l’égalité des sexes. " En effet, à force de proclamer, dans le jeu politique, que toute mesure étatique a une visée égalitariste, qu’elle accorde des droits aux femmes et qu’elle résout ’leurs’ problèmes, l’idée que l’égalité est chose faite est devenue une conviction partagée par beaucoup. Dans ce contexte, les discours s’insurgeant contre les ’privilèges’ des femmes commencent à être entendus de plus en plus largement. L’idée même que la société en aurait trop fait pour elles et qu’il serait temps de s’occuper des hommes discriminés par les politiques mises en place en faveur des femmes fait du chemin. […] ’Au nom de l’égalité’, il faudrait donc désormais porter notre attention sur les hommes. Derrière ce retournement du principe d’égalité se profile une offensive antiféministe : c’est par la faute des féministes, qui auraient contaminé l’ensemble de la société avec leurs idées et obtenu quantité d’avantages pour les femmes, que les hommes seraient aujourd’hui les laissés-pour-compte. Ce discours est porté depuis des années par des groupes masculinistes (c’est-à-dire qui défendent les intérêts des hommes au détriment de ceux des femmes), appuyé par des politicien-ne-s, des intellectue-le-s et des médias. " (p. 8) On donne en exemple de ce retournement de l’égalité des sexes les réactions à la première Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff ; Jaspard et al., 2003) (3), notamment celles de Élizabeth Badinter et de Marcela Iacub et Hervé Le Bras (4). Celles-ci et celui-ci accusent ’le’ féminisme d’être ’victimiste’ : " il aurait fabriqué des victimes, les femmes. Concrètement, les féministes, chercheuses et militantes auraient exagéré les effets de la domination masculine sur les femmes, vu le mal là où il n’existe pas (en confondant harcèlement sexuel et séduction, violence et sexualité par exemple), amplifié les chiffres qui serviraient à légitimer les causes féministes, et nié que les hommes peuvent aussi être victimes, de la violence des femmes notamment. " Les éditrices se disent " scandalisées par la tribune médiatique offerte à ce trio et par l’aisance avec laquelle la plupart des médias ont adhéré à leurs propos. " (p. 8) (5) Les éditrices concluent sur cette note mobilisatrice : " Au vu de ces détournements et retournements du principe d’égalité, l’attention féministe ne doit pas se relâcher. Il s’agit à la fois de déconstruire les logiques masculinistes qui nient aux femmes leur statut de victimes dans des situations où pourtant elles le sont, et de développer un regard critique sur l’ensemble des politiques que l’on dit être mises en place ’pour les femmes’. Mais à partir de quels espaces mener cette critique ? Faut-il investir le champ institutionnel et se battre pour obtenir des lois ’progressistes’ et des droits formels lorsque l’on sait que cela ne se traduira pas forcément par une égalité de fait ? Ne serait-il pas plus intéressant de réserver l’entier de nos énergies militantes aux luttes menées dans des espaces plus informels, des collectifs féministes, gays et lesbiens, antiracistes ou altermondialistes, par exemple ? […] Quels que soient les espaces dans lesquels les féministes se mobilisent, elles se retrouvent chaque fois en situation de rendre visibles les manifestations de sexisme et les résistances à l’égalité des sexes. […] Cette lutte est d’autant plus nécessaire dans un contexte où certain-e-s prétendent que le patriarcat n’existe plus, où d’autres le considèrent comme un système de domination secondaire, et où trop peu conçoivent qu’il occupe une place essentielle dans la perpétuation de l’ensemble des inégalités sociales. " (p. 10) On peut se procurer ce numéro à cette adresse : http://www2.unil.ch/liege/nqf/Nabos.html Outre l’éditorial, dont la synthèse vient d’être faite, le sommaire de la revue présente les articles suivants : ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Le comité de rédaction de la revue précise sa conception de l’égalité dans son éditorial : " Dans notre optique, l’égalité est un projet politique fondé sur l’idée que les ’femmes’ et les ’hommes’ ne sont pas des groupes naturels mais des classes de sexe produites par des rapports de pouvoir organisés en système. Le projet égalitaire consiste donc à favoriser un dépassement des frontières catégorielles dans lesquelles le système de genre nous enferme, à lutter contre l’exploitation et l’oppression d’un groupe par un autre, et à abolir les hiérarchies sociales. Autrement dit, il vise l’abolition du patriarcat, mais aussi des autres systèmes de domination (classe, race, hétéronormativité) qui produisent ces inégalités sociales. " (Roux, Pannatier, Parini, Roca et Michel, 2003 : 4) Notes 1. Roux, Patricia, Gaël Pannatier, Lorena Parini, Marta Roca et Christine Michel (2003). " Détournements et retournements du principe d’égalité ". NQF, vol. 22, no 3 : 4-11. |