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jeudi 21 mars 2013 La théorie "queer" et la violence contre les femmes
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Je parlerai ici de la manière dont les théories queer et postmoderne ont influencé la capacité des féministes et des lesbiennes de s’organiser pour contrer et même reconnaître la violence exercée envers les femmes. Dans ces deux théories, basées sur l’individualisme libéral, de nombreuses formes de violence sont renommées « transgression », « choix » ou "représentation". Je me concentrerai sur trois formes de violence : la prostitution comme moyen pour les hommes d’abuser des femmes, les opérations transsexuelles et l’industrie des « modifications corporelles ».
Mon point de départ est ce vieux slogan qui a maintenant perdu de son sens : « Mon corps m’appartient ». Pour faire un parallèle avec la violence, je suggère que ce slogan a deux significations importantes : 1. Nous sommes très affectées par le concept de femme-objet, qui implique que notre corps est considéré comme un objet que les autres peuvent utiliser sans égard de notre désir ou de notre personnalité, comme c’est le cas dans le viol, le viol d’enfant et la prostitution. Ce qui est fait à notre corps nous affecte. Pour survivre à cet usage violent ou agressif que subit notre corps, nous devons apprendre à nous en dissocier. Pour ce qui est de la prostitution, le slogan « Mon corps m’appartient » nous permet de reconnaître les conséquences de la dissociation nécessaire aux prostituées pour pouvoir survivre à la violation de leur être engendrée par la violence sexuelle commerciale. 2. Le slogan « Mon corps m’appartient » signifie aussi que notre corps n’est pas en cause. C’était le message sous-jacent des groupes de conscientisation qui a permis à tant de femmes d’accepter la physiologie de leur corps et de mettre de côté le maquillage et les autres déguisements. Les problèmes que les femmes ou les hommes peuvent avoir quant à l’apparence de leur corps ou à leur « configuration » génitale sont politiquement construits par une société gouvernée par des hommes dans laquelle les femmes, et quelques hommes, sont sexuellement et physiquement violées par des hommes, dans laquelle la construction des rapports sociaux de sexe et du corps parfait est utilisée pour renforcer le contrôle social et favoriser la domination masculine et la subordination des femmes. L’insatisfaction vis-à-vis de notre corps, qui découle de ces conditions politiques, est un problème politique. La mutilation du corps est une tentative de le couper pour l’adapter à un système politique oppressif, plutôt que de chercher à adapter le système au corps humain. Une des valeurs féministes essentielles consiste à créer une sexualité de l’égalité dans laquelle il nous est possible d’assumer notre corps, d’en être fière et de l’aimer tel qu’il est. Dans le contexte de l’oppression, rien de tout cela ne fut simple. Dans les années 1980, il y a eu un ressac face aux principes fondamentaux du féminisme. Les travaux féministes dénonçant la pornographie, le harcèlement sexuel, le maquillage, les talons aiguilles et autres pratiques nocives au nom de la beauté étaient décrits comme politiquement corrects, puritains, anti-sexe. Les forces qui ont contribué à ce ressac 1. Le libéralisme Le point central du féminisme libéral, qui restreint son étude de la politique à la sphère publique, a pris de l’ampleur dans les années 1980 et 1990. Le point de vue de féministes libérales - telles que Katie Roiphe et Naomi Wolf ainsi que de la journaliste britannique Natasha Walters, tant adulées par les éditeurs et les médias - selon lequel les femmes sont tout à fait capables de gérer les problèmes dans leur vie privée, le harcèlement sexuel, le viol, la violence conjugale, les tâches ménagères, appartient justement au libéralisme qui sous-tend les idées postmodernes et queer. Les femmes doivent utiliser leur "pouvoir féministe", dit Wolf. Nous sommes libres de nous maquiller, mais il est étonnant que ce soit encore les femmes qui choisissent cette forme de pouvoir. Apparemment, hommes et femmes ont cette possibilité, mais les hommes ne montent pas au barricades pour s’épiler les sourcils, se mettre du rouge à lèvres, porter des chaussures d’estropiés et des jupes courtes moulantes. On justifie les pratiques violentes par le consentement des victimes. Le sadomasochisme, la prostitution et la chirurgie esthétique ne sont pas considérés comme des pratiques d’oppression créées par les relations de pouvoir inégales liées à la suprématie masculine. On en fait des inventions féminines pour le propre plaisir [des femmes] plutôt que des pratiques traditionnelles néfastes (PTN). L’obsession autour des notions de « choix » et de « consentement », que Wolf et son clan associent au viol, est reprise avec zèle par les théoriciens postmodernes et queer qui définissent le sadomasochisme et la prostitution, le transsexualisme et les modifications corporelles comme des moyens ultimes d’accomplissement personnel et de prise de pouvoir. 2. Le postmodernisme Le postmodernisme, qui regroupe un ensemble d’idées principalement définies par des hommes gais dont la majorité sont des intellectuels français au langage hermétique, a été adopté, avec un enthousiasme manifeste, par de nombreuses universitaires féministes et des théoriciens queer dans les années 1980 et 1990. Selon moi, l’adhésion de certaines femmes et hommes gais à ces idées a été motivée par leurs ambitions universitaires qu’il serait très difficiles de réaliser si elles défendaient une perspective féministe radicale. Seules les idées d’hommes respectés par d’autres hommes vous permettront d’aller loin au niveau académique. Ainsi, par exemple, des féministes et des hommes gais ont adopté les idées du sadomasochiste Michel Foucault. Dans les années 1960, il était devenu encore plus populaire que Marx dans les milieux branchés et progressistes. Dans plusieurs départements, tels que les études culturelles, il était, et demeure, obligatoire au programme. En quoi ces idées ont-elles contribué à l’essor du féminisme et à la compréhension de la violence ? On prétend que la notion de « femme » n’existe pas. Qu’il est essentialiste et inacceptable de parler de l’expérience des femmes ou de leur oppression, car les femmes sont des individues totalement différentes. De plus, l’oppression n’existe pas car le pouvoir est fluide et est constamment redéfini dans la communication par l’interaction de gens de bonne volonté. Aucune « vérité » n’existerait, ce qui favorise la mise en pratique d’un relativisme moral selon lequel il est tout-à-fait démodé de protester contre quelque attitude ou condition d’oppression que ce soit. Une telle théorie est totalement inadaptée pour analyser la violence et donc, fort heureusement, peu de féministes postmodernes l’utilisent. La plupart s’intéressent aux médias, à la représentation et à l’imaginaire, et non au comportement réel ou à l’environnement matériel. Quand elles traitent de la violence, leurs conclusions sont bizarres. Sharon Marcus nous dit que le viol existe parce que les femmes n’ont pas la donne gagnante. Si seulement les femmes étaient plus sûres d’elles et capables de modifier les règles du jeu, alors les hommes ne les violeraient pas. C’est faire porter, une fois de plus, la responsabilité du viol aux femmes, chose que les féministes ont tenté de changer. Shannon Bell nous dit qu’il n’y a pas de « signification inhérente » à la prostitution. Si la prostitution n’avait pas, en effet, de sens en termes de relations de pouvoir, alors les hommes feraient la queue sur les trottoirs pour attendre des femmes en voiture impatientes de se payer leurs services. Il est très difficile d’ignorer complètement les rapports de pouvoir qu’implique la prostitution, mais les postmodernistes y arrivent. Les féministes postmodernes nous apprennent que le corps est un texte. Pas vraiment réel, mais un texte qu’il peut être profitable de réécrire. Ainsi, elles ont l’habitude de justifier les modifications corporelles. Les sites en ligne sur la chirurgie esthétique utilisent des articles qui font référence à des théoriciennes « féministes » comme Elysabeth Grosz et Judith Butler pour légitimer les pratiques qu’ils annoncent. Ainsi, des pages de publicité défilant les unes après les autres font la promotion de différents studios de « piercing » et de « cutting » à travers le monde occidental avec, à l’appui, des photos de leurs produits. Les photos montrent des parties du corps, principalement des corps de femmes, lacérés, des dos écorchés vifs, des mollets sur lesquels apparaissent des dessins gigantesques ensanglantés, des ventres tout bonnement tailladés. Ces sites web revêtent souvent des drapeaux arc-en-ciel et le slogan « visibles et fières » ("out and proud"). On nous dit que les jeunes lesbiennes ne font ainsi que réécrire l’histoire. 3. La théorie queer La théorie queer adapte les idées du postmodernisme aux intérêts de quelques hommes gais. Elles sont utilisées pour renommer « transgressions » diverses formes de violence comme le sadomasochisme et le transsexualisme. La théorie queer accorde une grande place à l’importance de transgresser les limites du corps ce qui, en d’autres termes, signifie lui imposer diverses formes de violence. L’attrait pour le transgenre, souvent présenté comme différent de la transsexualité, requiert aussi des modifications importantes du corps à l’aide de substances chimiques, voire d’interventions chirurgicales. Dans la théorie queer, les prostituées sont transformées en minorité sexuelle ou la prostitution en « mouvement d’affirmation », tout comme le sont d’autres bourreaux ou victimes de violence tels que les sadomasochistes, les pédophiles, les transsexuels, et sont perçues comme des rebelles définissant un nouvel avenir sexuel. En réalité, bien sûr, les prostituées sont obligées de se dissocier pour survivre et ne sont pas libérées sexuellement. Elles contribuent à la libération sexuelle de leurs colonisateurs, les hommes. En réalité, ces pratiques violentes, qui sont valorisées par la théorie queer, peuvent toutes être considérées comme des conséquences de l’oppression. Mais la théorie queer, elle-même basée sur l’individualisme libéral, ne reconnaît pas l’interférence de la politique dans la sphère privée. Le sexe est une affaire privée et au-delà de l’analyse, même si le courant queer revendique, pour les hommes gais, la possibilité d’avoir accès à des secteurs importants de l’espace public pour y pratiquer leur sexualité "privée". Ces espaces, où l’on pousse les femmes à se sentir mal à l’aise ou insécures, qui leur semblent trop dangereux pour s’y aventurer, parce que la délicieuse sensation de peur et de danger, chargée de silence et d’incertitude, que les hommes gais entretiennent dans leurs lieux de drague, sont maintenant officiellement reconnus comme des « environnements sexuels publics", allant, par exemple, jusqu’à faire partie des politiques municipales de lutte contre le SIDA en Écosse. Ainsi, les hommes gais se sont appropriés d’importantes parties des parcs, des quais, des rues comme si cela leur appartenait. La politique queer, par le biais de groupes comme Sex Panic aux États-Unis et Outrage au Royaume-Uni, revendique le droit pour les hommes gais libéraux d’agresser d’autres personnes pour leur seul plaisir sadomasochiste, d’utiliser de jeunes garçons pour la prostitution et la pornographie, d’acquérir des espaces publics pour leurs pratiques sexuelles. Un homme vient d’être condamné pour homicide à Melbourne après avoir étranglé un autre homme par la pratique sadomasochiste de l’asphyxie. Cet homme, connu dans le milieu sadomasochiste gai à Melbourne, chef d’entreprise SM et propriétaire de lucratifs clubs SM, aurait dérobé les cartes de crédit et la voiture du cadavre pour s’enfuir au Queensland. Au moins, il en a pris pour 5 ans. Ma position sur toutes ces « pratiques violentes » est que leurs auteurs ont toujours tort, qu’il s’agisse d’automutilation par procuration que les femmes, les lesbiennes et les hommes gais sollicitent ou lorsqu’ils paient d’autres personnes pour pratiquer cette violence sur leur corps dans le transsexualisme, le sadomasochisme et le "cutting". Peu importe jusqu’à quel point les personnes ont elles-mêmes demandé à être violentées, il n’en demeure pas moins que c’est une erreur de se soumettre à de telles pratiques et qu’il est particulièrement choquant d’en tirer un bénéfice financier. Le libéralisme et ses aspects les plus à la mode dans le postmodernisme et la théorie queer sont parvenus à occulter la présence d’un oppresseur. Toutes les pratiques violentes sont perçues comme des choix faits par des utilisateurs consentants, voire comme politiquement progressistes et transgressives. Les pratiques traditionnelles néfastes (PTN) J’aimerais examiner plus en détail d’où viennent ces pratiques violentes et suggérer qu’elles soient reconnues comme des pratiques traditionnelles néfastes (PTN). En 1995, les Nations Unies ont publié un document intitulé « Les pratiques traditionnelles néfastes (PTN) et leurs conséquences sur la santé des femmes et des enfants ». Les pratiques décrites dans ce document sont presque toutes non occidentales. Elles englobent la mutilation génitale féminine, le mariage des enfants, la préférence du fils, le gavage. La seule pratique qui s’adresse clairement aux sociétés occidentales est celle de la violence faite aux femmes, y compris celle de la prostitution. Ce document est un outil très pratique pour comprendre la prostitution ainsi que les autres pratiques de violence dont il est question ici. La prostitution entre parfaitement dans les critères qui déterminent qu’une pratique traditionnelle est néfaste selon la définition des Nations Unies. 1. La prostitution représente un danger pour la santé des femmes et des enfants La prostitution entraîne la destruction de l’estime de soi, les tentatives de suicides et l’automutilation, les maladies sexuellement transmissibles et le Sida, les dommages causés au système de reproduction, les grossesses non désirées, l’utilisation de drogues pour supporter les viols, et elle livre femmes et enfants aux mains des proxénètes et des bordels. 2. La prostitution est la conséquence de la subordination des femmes La prostitution découle clairement de la subordination des femmes. C’est une pratique dans laquelle les victimes sont, dans une écrasante majorité des femmes et des enfants, et les acheteurs quasiment tous des hommes, et ce à travers l’histoire et dans toutes les cultures. C’est une pratique qui exploite l’impuissance des femmes et des enfants, une impuissance économique, physique en rapport avec la domination exercée par les hommes et la soumission des femmes et des enfants. 3. La prostitution s’appuie sur le poids des traditions. Ses apologistes décrivent souvent la prostitution comme le « plus vieux métier du monde », ce qui, au lieu d’être une justification, devrait être vu comme une condamnation en soi des sociétés occidentales actuelles qui se proclament progressistes et en faveur de l’égalité, tout en maintenant des formes d’esclavage envers les femmes et les enfants, datant de plusieurs siècles. 4. La prostitution fait référence à des valeurs morales. Même si on s’en rend compte plus facilement lorsqu’il s’agit de pratiques telles que les mutilations génitales féminines - car la présence des femmes dans le milieu de la prostitution a de tout temps menée à la stigmatisation et à l’ostracisme social - on peut voir que la prostitution gagne du terrain sur le plan moral depuis sa légalisation dans plusieurs pays, comme c’est le cas de Victoria, en Australie, où j’habite. Depuis que le rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la prostitution intitulé « The Sex Sector », paru en 1998, a reconnu la nécessité de la prostitution pour les pays de l’Asie du sud-est, on peut dire que le statut de la prostitution en tant que secteur industriel évolue rapidement, et à un moindre degré, celui des prostituées elles-mêmes. Il est clair que la prostitution, même si elle n’est pas toujours perçue, ce qui démontre l’ampleur de son acceptation et de son ancrage dans les cultures patriarcales. 5. Les femmes qui choisissent la prostitution l’imposent à d’autres femmes. Bien que cela ne figure pas dans les critères des Nations Unies sur les pratiques traditionnelles néfastes (PTN), je pense qu’elles sont un élément important de la plupart d’entre elles, exception faite de la violence masculine spécifique dans les viols d’enfants et la violence domestique. Dans la plupart des pratiques qui ont pour but de préparer les femmes et les jeunes filles au mariage et au système prostitutionnel, les mutilations génitales féminines (MGF), le gavage, etc., les femmes sont les bourreaux d’autres jeunes femmes, comme le montre Mary Daly dans son analyse des rituels sadomasochistes qui correspondent entièrement aux pratiques traditionnelles néfastes (PTN) décrites par les Nations Unies. Le rôle des hommes est alors occulté et leur responsabilité reste difficile à démontrer. Dans certaines pratiques, comme celle qui consiste à brûler les veuves au Rajasthan, on tente de faire croire que les femmes choisissent librement de mourir sur le bûcher funéraire de leur mari. Les cultures, qui ont adopté ces pratiques, imposent des pressions sociales si puissantes que l’insoumission semble impossible et « le choix » inconcevable. Dans les cultures occidentales, on pense que les femmes optent librement pour la prostitution, alors qu’on rend les agresseurs tout simplement invisibles. On pourrait presque croire que les femmes s’enferment dans des pièces et s’y prostituent seules. Les hommes ont besoin de se cacher afin d’éviter les retombées sociales que leurs pratiques prostitutionnelles auraient sur les femmes avec qui ils entretiennent des relations officielles. A Victoria, il y a de plus en plus d’histoires de femmes dont le mariage, de 25 ans et plus, a été détruit par le comportement prostitutionnel de leur mari, un comportement que ce dernier considère légitime dans un État où la prostitution est une industrie autorisée, réglementée et taxée. Quelle douleur est celle de ces femmes, qui découvrent, par exemple, dans l’album de photos familiales, des photos de jeunes femmes nues qui pourraient être leurs filles, qui doivent affronter leurs proches qui les accusent de ne pas avoir été des femmes suffisamment dévouées, qui perdent la loyauté de leurs enfants qui prennent la part du père agresseur. Tout cela cause des préjudices à grande échelle qu’on institutionnalise en légalisant la prostitution. 6. La violence est légitimée par l’idéologie masculine. Mary Daly parle elle aussi de la manière dont les rituels sadomasochistes sont légitimés et glorifiés par les idéologies masculines et les universités. C’est là que prennent place les idéologies dont je viens de parler, les idéologies qui dissimulent ou légitiment les pratiques violentes, le libéralisme, la théorie queer et postmoderne. L’occident a une culture qui dissimule les pratiques violentes et l’oppression en en rejetant la responsabilité sur les victimes, sous prétexte de la liberté de « choix » ou en glorifiant ces pratiques. Je voudrais ajouter aux groupes d’opprimé-es victimes de pratiques traditionnelles néfastes (PTN), les lesbiennes et les hommes gais. La discrimination envers les lesbiennes et les hommes gais, à laquelle viennent s’ajouter les expériences de violences sexuelles masculines subies dans leur enfance, fait de ces êtres des cibles de choix pour les industries du transsexualisme et de la chirurgie esthétique, qui vont littéralement « retirer » du corps des victimes leurs histoires douloureuses, dans un but lucratif. Le transsexualisme a une longue histoire. Plusieurs cultures ont choisi de construire la domination masculine et la subordination féminine en les réglementant soigneusement, en mettant dans une troisième catégorie les jeunes hommes hors-normes ou qu’on voulait utiliser pour d’autres hommes dans la prostitution. Ce n’est pas une histoire dont on peut se vanter, mais une histoire d’oppression à laquelle il nous faut mettre fin. Le « cutting », le « piercing » et le tatouage ne sont malheureusement pas seulement une mode. Pour plusieurs victimes de violence sexuelle et d’oppression envers les lesbiennes et les gais, se taillader le corps est devenu une obsession, un moyen de se draper dans l’acceptation publique de l’automutilation qu’autrement ils pratiqueraient chez eux en se sentant coupables. Les pénectomies, les langues perçées, le corps transpercé par des épées, les tatouages sur le visage ont des conséquences. Ces pratiques peuvent être fatales, elles ont des incidences sur la recherche d’emploi, elles peuvent mener à la perte de la parole, au Sida et à bien d’autres problèmes de santé. Le « cutting » est très éloigné de l’idée féministe de départ selon laquelle « Mon corps m’appartient », qu’il est beau et en santé et ne mérite aucune violence, coercition ou d’être caché par le maquillage ou le voile, tailladé par des opérations de chirurgie esthétique ou des opérations transsexuelles. Les formes de violence que j’ai présentées ici, la prostitution, le transsexualisme, le « cutting », démontrent la brutalité de l’oppression subie par les femmes, par les enfants, par les lesbiennes et par les hommes gais dans les cultures occidentales au sein desquelles les opprimé-es doivent se dissocier ou se taillader pour survivre. Mais ces libéraux, qui veulent nous faire croire que nous vivons dans le meilleur des mondes, avec des chances égales pour tous, décrivent ces pratiques comme relevant de choix personnels des victimes, en détournent le sens ou encore les glorifient à travers les idéologies postmodernes et queer. Aujourd’hui, au Canada, comme en Australie, des pratiques traditionnelles violentes existent bel et bien et nous devons être capables de les identifier clairement et de toujours combattre toute tentative de les justifier ou de s’en servir pour alimenter des industries lucratives. Les salons de « cutting », les bordels devraient être aussi inconcevables que le serait l’idée de créer des industries liées aux mutilations génitales féminines. Bien sûr, les magazines spécialisés dans les modifications corporelles utilisent des images de jeunes filles et de femmes mutilées pour exciter les hommes. Présentation lors de la soirée de levée de fonds organisée par le « Vancouver Rape Relief » le 24 septembre 1999. Traduction de Samira Tou et Élaine Audet. © Sheila Jeffreys
Références – Lire aussi : « Débander la théorie queer », un livre de Sheila Jeffreys Mis en ligne sur Sisyphe le 13 avril 2004. |