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dimanche 27 juin 2004


Écoféminisme
Les savoirs et les pratiques féministes en matière de viabilité et d’équité
Une conjugaison Sud-Nord est nécessaire

par Lucie Gélineau, chercheuse à l’Université Laval






Écrits d'Élaine Audet



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Le bilan planétaire en ce début de XXie siècle est sombre : crise environnementale majeure, démographie galopante, raréfaction des ressources en eau, main basse sur la production vivrière, violences, intégrismes et oppressions.

Pour y faire face, il est impératif de valoriser les savoirs et les pratiques féministes sur ces enjeux. Il nous faut connaître non seulement les impacts différenciés de cette crise sur les femmes et les hommes, mais surtout nommer et valoriser les savoirs et pratiques des femmes qui pourraient alimenter l’altermondialisation : stratégies de survie, savoirs traditionnels, pratiques tenant compte des rapports au pouvoir, analyses féministes de la crise actuelle. La recherche féministe joue ici un rôle central. Mais encore faut-il savoir désenclaver les connaissances produites. Pour ce faire, il est impératif d’instaurer un dialogue et de conjuguer les savoirs et expériences des chercheuses et " accompagnantes " du Sud avec ceux du Nord.

Communication donnée le 10 juin 2004, à l’Université féministe d’été, Université Laval (Québec)

J’ai saisi l’opportunité de cette communication pour vous partager une réflexion enracinée à la fois dans mon expérience terrain auprès des scientifiques des pays " dits " en développement, dans ma pratique de chercheure et dans ma position en tant que citoyenne, femme et mère. Cette réflexion a été également fortement nourrie par les échanges avec les femmes du collectif " femmes et conscientisation ", les étudiantes ainsi que mes collègues de travail à la Chaire, mais également de par le Canada et de par le monde. Chacune saura s’y reconnaître. Je tiens ici à les remercier.

La réflexion qui suit est construite autour de trois axes : la fragilité de la Terre, les fondements de l’actuelle crise planétaire d’un point de vue féministe et les forces vives associées à la recherche sur les savoirs et pratiques des femmes en matière de viabilité et d’équité.

La fragilité de la Terre

Nous vivons actuellement une crise planétaire majeure. Au Québec, pour reprendre l’image de Ruth Sidel (1998) (1), nous sommes tels ces danseurs de première classe du Titanic, qui sur un air de valse se dirigeaient résolument et insouciamment vers le naufrage. Laissez-moi vous rappeler quelques faits.

Jamais nous n’avons été aussi nombreux et nombreuses. Depuis, le début du XXe siècle la population humaine s’est multipliée par 3, passant de 1.7 à 6 milliards d’individus. Apparaît chaque année l’équivalent de 152 fois la population de la communauté urbaine de Québec, soit 78 millions d’individus (Mc Cann & Stevenson, 1996). Vous pouvez imaginer que cette croissance a un impact certain sur les écosystèmes planétaires. Il faut nourrir cette population, la loger, assurer ses déplacements, l’éduquer, la vêtir, gérer ses déchets. Et ceci dans un espace qui demeure limité, soit celui de la planète Terre.

Jouxtez à ceci les modèles de croissances économiques en place et préconisés. En écoutant les nouvelles, il est frappant de voir à quel point nos indices de bien-être sont fondés sur la vigueur de la croissance économique, sur le développement des marchés (entendre ici notamment ceux de l’Inde et de la Chine), sur l’incitation à la consommation. Or, une simple analyse des chiffres nous permet de voir à quel point ceci est illusoire. En nous appuyant sur le calcul de l’empreinte écologique de l’équipe de Mathis Wackernagel (2) du Centro de Estudios para la Sustentabilidad de la Universidad Anáhuac de Xalapa de Mexico, pour que toute personne sur la Terre consomme comme un Canadien moyen, en soi une requête qui peut nous paraître des plus légitimes, il nous faudrait pour ce faire les ressources de 4,5 planètes Terre. Il est mathématiquement impossible d’allier la diffusion de notre style de vie canadien à l’échelle planétaire avec la viabilité de la planète.

Ces modèles de croissance économique effrénés et l’exploitation des ressources qu’ils supposent ont, comme vous le savez, un impact majeur sur les fragiles écosystèmes planétaires : réchauffement climatique, déforestation, érosion des sols, dégradation des ressources en eau, disparition massive des espèces végétales et animales. Mies et Shiva (1999) ont écrit à ce propos : " Les Forêts de Sarawak [en Malaisie] sont défrichées et leurs populations transformées en apatrides dans leur propre pays, pour que le Japon puisse avoir son approvisionnement en baguettes jetables ; des forêts indonésiennes [nous pourrions ajouter canadiennes] sont abattues pour faire du papier hygiénique et des mouchoirs en papier et les forêts amazoniennes sont brûlées pour créer des élevages extensifs de bétail pour fournir des hamburgers ". Une étude dirigée par Chris Thomas et Lee Hannah (2004), regroupant les efforts de 14 centres de recherches répartis dans 7 nations et publié dans la revue Nature en janvier 2004, annonce comme probable, en fonction des résultats des modélisations effectuées, la disparition d’ici 2050 au pire d’un million d’espèces animales et végétales des suites du réchauffement climatique. Les insectes ne sont pas ici considérés. Le portrait est donc très sombre.

Ces crises planétaires affectent de façon différenciée hommes et femmes, de par notamment les rôles sociaux et traditionnels qui leurs sont impartis dans le cadre de l’économie domestique. En tant que responsables dans plusieurs régions du globe de l’approvisionnement en eau, de la collecte du bois comme source de combustible, la grande majorité des femmes sont touchées par la raréfaction des ressources, si ce n’est que par l’accroissement de leur tâche de travail qui en résulte.

En tant que principales responsables de l’agriculture vivrière (les jardins pour consommation domestique), les femmes sont durement touchées à la fois par les politiques de développement, par la dégradation du milieu naturel et par les avancées " scientifiques ". Dans un contexte d’expansion des monocultures d’exportation, les femmes sont non seulement dépossédées de leurs terres, repoussées vers des zones moins propices à l’agriculture, mais également de plus en plus en butte avec la main mise sur le vivant des " Monsanto " de ce monde en ce qui a trait à l’approvisionnement des semences, ou encore confrontées à l’arrivée sur le marché de denrées à faible prix, mettant en péril leurs petites exploitations.

Dans un contexte de fragilisation des écosystèmes, de précarité économique et des coupures dans les programmes sociaux de par les politiques de réajustements structurels et néolibérales, les femmes et les jeunes filles deviennent trop souvent " l’ultime filet de sécurité sociale ", retenues dans la sphère domestique à titre d’aidantes naturelles. Ceci aurait un impact non négligeable sur l’accès à l’éducation et la rétention scolaire des jeunes filles.

De plus, en nous appuyant sur les analyses du Conseil du statut de la femme du Québec en regard de la ZLÉA, la déstructuration des milieux résultant d’une paupérisation accrue et des déplacements liés à la dégradation des écosystèmes, a comme corollaire l’accroissement de la vulnérabilité des femmes et des filles. Des liens peuvent être établis entre les crises mondiales actuelles, le durcissement des intégrismes et les atteintes à l’intégrité physique des femmes. Le tout se manifeste par l’exclusion, la marginalisation, la violence, le viol, le tourisme sexuel et la prostitution (Lepage, 2001).

Aborder la question de la fragilité planétaire en quelques lignes est difficile de par la complexité du phénomène. Je tourne ici bien sûr les coins ronds, mais l’idée est de vous fournir quelques points de repère communs, pour mieux poursuivre notre réflexion.

Côtoyant depuis 20 ans chercheurs, chercheuses, éducatrices et éducateurs préoccupés par la promotion du développement durable et équitable comme solution à ces crises, un malaise a peu à peu cru en moi. Le diagnostic planétaire est certes irréfutable, si ce n’est des voix de quelques dissidents. Nombre de scientifiques, de comités experts, de politiciens et politiciennes et d’industriel-les se sont penchés sur la question aboutissant aux engagements de l’Action pour le 21e siècle, signée par plus de 170 nations en 1992. Dans ce cadre, on est de plus en plus attentif à mettre en lumière, par la compilation de données sexospécifiques, les retombées de ces crises sur les femmes et les fillettes. Les institutions et les gouvernements cherchent à mobiliser les femmes et les filles pour qu’elles soient parties prenantes des solutions et des processus de réflexions en matière de viabilité et d’équité. Ceci fait d’ailleurs l’objet des chapitres 24 et 25 de l’Action 21. En soit, ceci est réconfortant. Mon malaise fait référence non pas tant aux diagnostics posés, mais bien aux analyses des causes et aux solutions préconisées… Et si nous faisions fausse route ? Les systèmes de pensée qui ont contribué à créer les crises actuelles peuvent-ils également prétendre les résoudre ? N’y a-t-il pas ici un irréconciliable ? Les écrits de certaines écoféministes ainsi que de chercheuses et de chercheurs du Sud sont particulièrement éclairants à cet égard. Laissez-moi vous présenter quelques éléments de leurs analyses.

Les fondements de la crise planétaire à la lumière d’analyses féministes : quelques éléments

Mettre le pouvoir au coeur de l’analyse

Une des grandes prises de conscience pour moi fut de réaliser à quel point la Science, que l’on érige pourtant en modèle de neutralité et d’universalité, est en fait le lieu d’enjeux de pouvoir majeurs. J’ai découvert ceci principalement aux contacts de chercheuses et de chercheurs du Sud (3), de philosophes de la Science (4), et ces dernières années des chercheuses féministes (5). La science en elle-même, en tant que produit et institution, est loin d’être objective et impartiale. Elle est mue par des intérêts certains. La science n’est point un langage universel comme on se plait à nous l’enseigner, notamment ici à l’Université, mais bien un langage culturellement situé. Je vous remémore ici les paroles d’Adrienne Rich qui résume bien en quelques mots cette idée : " L’objectivité est le nom que l’on donne dans la société patriarcale à la subjectivité mâle ". Il est impératif de tenir compte du fait que, dans la définition même de la science, d’autres formes de savoirs, notamment celles des femmes et de cultures " traditionnelles ", ont été exclues. Ces formes de savoirs doivent être réhabilitées et considérées pour arriver à résoudre la crise planétaire. Dans les stratégies proposées et les approches préconisées en matière de développement durable et équitable, il faut impérativement mettre en lumière cette dimension du pouvoir, et l’analyse féministe doit y contribuer.

Considérer que la crise environnementale ne pourra être résorbée tant et aussi longtemps que les systèmes d’oppressions ne seront interpellés.

À la lumière d’une de mes recherches en cours, portant sur les savoirs de femmes en matière de conscientisation, et à la lecture des théoriciennes féministes, un second constat est qu’il faut mettre au coeur même des stratégies, la tenue en compte des oppressions liées aux rapports sociaux (sexes, classes, cultures, " races ") et des systèmes qui les maintiennent. Tant que cette question de l’oppression ne sera pas abordée, la crise actuelle ne pourra être adoucie, des alternatives viables ne pourront être identifiées. Pour illustrer cette idée des liens entre crises planétaires et oppressions fondées sur le sexe, deux citations me viennent à l’esprit. Une première que vous connaissez certainement, de Françoise David : " La mondialisation, ce n’est pas seulement l’ouverture des frontières, c’est aussi l’idée que tout s’achète, tout se vend, y compris le corps des femmes, l’eau, la terre, la forêt " (Cousineau, 2001). La seconde, celle de Maria Mies : " Les femmes, la nature et les peuples étrangers sont les colonies de l’homme Blanc ". Cette question de l’oppression des femmes est extrêmement importante car elle est à peu près absente de l’agenda des groupes altermondialistes. Et ceci est fort inquiétant. On retrouve des échos de cette situation sur nombre de forums Internet féministes. Cette situation a mené par exemple à la création d’espaces non mixtes tel celui du point G par le Rezo pour des alternatives féministes - Rezaf. Une membre du Rézo témoigne " à notre connaissance, les questions féministes sont peu entendues, tant dans l’analyse de la mondialisation que dans la pratique quotidienne des collectifs (altermondialistes), ce qui ne favorise pas la remise en cause des pratiques de pouvoir. De plus, les tâches sont divisées : les femmes tractent, prennent les tours de parole et les hommes mènent les réunions. "(Palmieri, 2004)

Prendre en compte la complexité des phénomènes et la diversité des pratiques et des expériences

Un autre apport des analyses féministes est de porter une attention particulière à la complexité et à l’interrelation des phénomènes, et ce, dans le respect de la diversité notamment des femmes, de leur vie, de leurs points de vue, de leur culture, de leurs situations économiques, des oppressions qu’elles conjuguent au quotidien, de leurs stratégies de résistance et d’action. Ces préoccupations sont au coeur d’une critique féministe du discours scientifique patriarcal, discours qui se veut, du moins dans son enracinement, plutôt réducteur, mécaniste et orienté vers la généralisation. À titre d’exemple, la littérature écoféministe sur les causes de l’explosion démographique et son impact réel sur la dégradation de l’environnement est à cet égard extrêmement stimulant, interpellant la mise à l’écart des savoirs traditionnels des femmes en matière de contrôle de la natalité, les exigences démographiques de la colonisation et du capitalisme en matière de main d’oeuvre, les impacts de la perte des terres, au profit des industriels et grands propriétaires, sur les stratégies de survie, sans oublier les nuances apportées sur l’impact réel des populations du Sud et du Nord sur l’environnement à la lumière non pas de leur nombre, mais bien de leur poids en tant que consommateurs (6).

Les forces vives associées aux savoirs pratiques de femmes en matière de viabilité et d’équité(7)

Ancrées dans ces perspectives féministes, en tant que chercheuses, quel est maintenant notre pouvoir pour enfin participer pleinement et entièrement à l’élaboration des stratégies d’actions entourant le développement durable et équitable ?

Trois secteurs névralgiques sont à tenir en compte.

1) Valoriser les savoirs et les pratiques des femmes en matière de viabilité, d’équité et de conscientisation

Il nous faut continuer à saisir, documenter, réhabiliter et faire connaître les savoirs et les pratiques de femmes, en tenant compte de leur diversité et de leur multiplicité. En d’autres mots, en tant que chercheuses nous devons tenter de mettre en mots ces savoirs et ainsi faire porter les voix des femmes qui s’investissent dans la pratique.

En tant que chercheuses universitaires, nous devons identifier les thèmes sous-jacents et modéliser ces savoirs pour favoriser leur diffusion et leur utilisation à plus grande échelle. Le développement du concept " de la subsistance " comme mode de vie issue des pratiques et savoirs de femmes des pays en développement par Mies et Shiva, est à cet égard un bon exemple. À plus petite échelle, mes travaux actuels sur les savoirs d’expériences de femmes en matière de conscientisation en est un autre.

Il devient également important de favoriser les échanges autour de ces pratiques et de ces expériences entre les " praticiennes " elles-mêmes, et ce, notamment dans un axe Sud-Nord. Nous pouvons en tant que chercheuses susciter le tout en développant des réseaux entre co-chercheuses impliquées dans des recherches actions participatives. C’est dans cet esprit que nous avons notamment créé à la Chaire d’étude Claire-Bonenfant des " cafés-métho ", où des femmes des groupes de femmes impliquées dans de telles recherches peuvent venir échanger autour de leurs pratiques et de leurs résultats. Un élargissement Sud-Nord de ces réseaux doit être tenu pour prioritaire, via notamment la voie électronique.

2) Poursuivre la recherche fondamentale et le développement des méthodologies de recherche féministes

En association, il faut également poursuivre les analyses féministes des causes des crises mondiales actuelles et valider les stratégies qui y sont associées.

Ce faisant, nous devons poursuivre les efforts faits :

i) pour lier les chercheuses féministes universitaires, les chercheuses indépendantes, ainsi que les femmes et les praticiennes féministes du milieu communautaire ;

ii) pour mettre au point des pratiques de recherche qui sont en harmonie avec la valorisation des savoirs pratiques et traditionnels. Il nous faut par exemple instaurer de réelles pratiques interdisciplinaires, c’est-à-dire des pratiques de recherche qui conjuguent une multiplicité de formes de savoirs, dont les savoirs universitaires. Il nous faut penser des méthodologies de recherche où le savoir universitaire n’est pas le seul garant de la scientificité de la démarche. Il nous faut ici poursuivre nos efforts et notre réflexion pour le développement de critères de scientificité propres à ces méthodologies mixtes ;

iii) pour développer des réseaux internationaux de chercheuses féministes, pour éventuellement coordonner des programmes de recherche concertés à l’ensemble de la planète. Quelques réseaux locaux existent déjà (8). D’autres internationaux commencent à voir le jour (9). L’axe Sud-Nord est encore ici incontournable, non en tant qu’expertise du Nord pour le Sud, mais bien en tant que mise en commun des expertises réciproques, celles des chercheuses féministes du Sud et celles des chercheuses féministes du Nord. Les défis sont ici importants de par la réticence des femmes à investir le cyberespace, et de par les coûts et contraintes afférents à l’utilisation de telles technologies pour les scientifiques du Sud.

3) Diffuser, diffuser et diffuser !

Il nous faut faire connaître et faire circuler les analyses féministes, autochtones et " tiers-mondistes ". Nous le rappelons, l’idée n’est pas seulement de mieux faire connaître l’impact des crises sur les femmes et les fillettes ainsi que les stratégies tenant compte de la dimension du genre pour y pallier, mais bien d’approfondir et de faire circuler les analyses féministes sur ces crises ainsi que les savoirs de femmes.

Pour ce faire, il nous faut impérativement développer des bases de données internationales, couvrant l’ensemble de la production scientifique féministe internationale, en mettant un accent particulier sur la diffusion dans ces bases de données des réalisations scientifiques des chercheuses du Sud. De telles bases de données sont à notre connaissance inexistantes. Ceci n’est pas propre à la seule recherche féministe, l’accès au savoir scientifique produit par les chercheurs du Sud pose en général problème.

Il nous faut, en parallèle, alimenter systématiquement les féministes institutionnelles et les chargés de programmes oeuvrant auprès des organisations transnationales.

En guise de conclusion

Tenir compte de la fragilité de la Terre et des analyses féministes portant sur les fondements des crises planétaires actuelles peut être source de démobilisation et d’impuissance. " Que puis-je faire… ", se demande chacune de nous, " …face à l’ampleur d’une telle crise et de ces systèmes d’oppression qui me dépasse ? ". L’intérêt que j’ai porté en tant que chercheuse aux savoirs et pratiques de femmes s’est en fait révélé pour moi source d’espoir et de pouvoir. Les pratiques féministes conscientisantes dans une perspective de viabilité et d’équité, telles que me le révèlent mes travaux, reposent sur l’actualisation et la collectivisation des solutions. Les femmes interrogées explorent des façons de mettre individuellement et collectivement en pratique leurs visions de rapports de pouvoir plus égalitaires, respectueux de la communauté et de l’environnement. Je suis encore impressionnée par la multiplicité de leurs actions, par leur travail souterrain qui bien qu’invisible dans les médias est oh combien ! significatif pour leurs communautés et collectives. Penser aux femmes que j’ai rencontrées du Temiscouata à Montréal, en passant par le Lac St-jean, Québec et Trois-Rivière, penser à leurs analyses et leurs actions concordantes, penser à la toile que représentent leurs actions conjuguées à celles des autres femmes de par le monde qui oeuvrent dans le même esprit, est pour moi gage d’espoir pour l’avenir.

Merci.

Notes

1. Voir également (Hulot, 2004)
2. Voir à ce propos (Wackernagel et al., 1997)
3. Voir par exemples : (Fals-Borda & Rahman, 1991 ; Tandon, 2002)
4. tels Kuhn (1972) et Habermas (1979)
5. Par exemples : (Harding, 1991) ; (Mies & Shiva, 1999)
6. Par exemples : (d’Eaubonne, 1980 ; Mies & Shiva, 1999)
7. Pour de plus amples informations sur les idées qui suivent, consulter notamment (Bouchard & Gélineau, 2004)
8. À titre d’exemples, voir notamment : nextgenderation (Europe) ; Sophia (Belgique) ; pour le Canada : PAR-L (Liste politique, action, recherche) ; Regroupement des chercheuses féministes de l’Ontario Français. Le défi sera ici de quitter l’approche informationnelle pour que ces réseaux deviennent plutôt de réels outils de travail transfrontaliers, de réelles communautés virtuelles d’apprentissage et de pratique.
9. Pour des forums et des réseaux internationaux, voir notamment : thirdspace et le International Network Feminist Research Association. Voir note au point 8.

Sources

Bouchard, P., & Gélineau, L. (2004). Féminisme, recherche et mondialisation. Cahiers du GREMF, Vol. 88. Québec : Université Laval.
Cousineau, M.-È. (2001). L’internationale Féministe. Recto Verso, mars-avril : 32-37.
D’Eaubonne, F. (1980). Le Féminisme ou la mort. Paris : Femmes en mouvement.
Fals-Borda, O., & Rahman, M. A. (1991). Action and Knowledge : Breaking the Monopoly With Participatory Action-Research. New York - London : Apex Press.
Habermas, J. (1979). Connaissance et intérêt (trad. G. Clémençon). Paris : Gallimard.
Harding, S. G. (1991). Whose science ? Whose knowledge ? : thinking from women’s lives. Ithaca : Cornell University Press.
Hulot, N. (2004). Le syndrome du Titanic. Paris : Calmann-Levy.
Kuhn, T. S. (1972). La structure des révolutions scientifiques. Paris : Flammarion.
Lepage, F. (2001). Les Québécoises, la mondialisation et la Zone de libre-échange des Amériques : une première réflexion. Québec : Conseil du statut de la femme - Gouvernement du Québec.
Mc Cann, K., & Stevenson, J. (1996, 2004). L’horloge mondiale du CRDI. Retrieved juin, 2004, from http://www.onesta.net/horlogederio.html
Mies, M., & Shiva, V. (1999). Écoféminisme. Paris - Montréal : L’Harmattan.
Palmieri, J. (2004). Trouvez le point G ! Retrieved juin 2004, 2004.
Sidel, R. (1998). Keeping Women and Children Last : America’s War on the Poor. USA : Penguin.
Tandon, R. (Ed.). (2002). Participatory Research : Revisiting The Roots : Mosaic Books.
Thomas, C. D., Hannah, L., Cameron, A., Rhys E, G., & al., e. (2004). Extinction Risk from Climate Change. Nature, 427 (145-148).
United Nations Environment Programme (2004). Women and the Environment. Policy Series. USA : UNEP/WEDO. Disponible en ligne.
Wackernagel, M., Onisto, l., callejas Linares, A., López Falfán, I. S., Méndez García, J., Suárez Guerrero, A. I., et al. (1997). Ecological Footprints of Nations. How Much Nature Do They Use ? How Much Nature Do They Have ? Retrieved June, 2004.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 24 juin 2004.

Suggestion de Sisyphe

 Sur le site Les Pénélopes :
« Libre : la loi du genre »

Dans un contexte de communication libérale, comment donner les moyens aux groupes de femmes porteuses d’alternatives économiques, sociales, culturelles et politiques de rendre visibles leurs pratiques, expériences, savoir-faire ? Comment rompre avec les inégalités hommes/femmes ? En quoi les Tics peuvent-elles armer les résistances ? Comment articuler les concepts et philosophies genre et logiciels libres ? En quoi le libre répond-il aux besoins du genre ? En quoi le genre répond-il aux besoins du libre ?



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Lucie Gélineau, chercheuse à l’Université Laval

Détentrice d’un Ph.D. en sciences humaines appliquées, Lucie Gélineau est rattachée, à titre de chercheuse postdoctoral, à la Chaire d’étude Claire-Bonenfant sur la condition des femmes de l’Université Laval. Ses intérêts académiques et de recherche portent particulièrement sur les enjeux de la recherche-action participative ainsi que sur les savoirs d’expériences de femmes en matière de conscientisation, notamment dans un contexte d’altermondialisation et de pratiques liées au développement durable et équitable. Plus largement, elle s’intéresse aux façons dont les mondialisations et la globalisation interpellent les femmes et la recherche féministe. Ses réflexions puisent à ses expériences de travail auprès d’organismes communautaires engagés en recherche et, à l’étranger, auprès du Centre de recherches pour le développement international (CRDI). Elle est membre des comités éditoriaux du Groupe de recherche multidisciplinaire féministe - le GREMF - ainsi que de la revue féministe en ligne thirdspace.



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