Pendant presque dix ans, Shehzad Noorani a photographié des travailleuses du sexe au Bangladesh, l’un des pays les plus pauvres du monde. Il fit leur rencontre à l’occasion d’un reportage sur un bidonville réalisé en 1990.
Shehzad Noorani fait sortir de l’ombre ces femmes considérées par la société bangladeshie comme des rebus. Elles survivent recluses dans des maisons closes, véritables villes dans la ville, à l’écart du reste de la société qui ne leur reconnaît pas le droit d’exister. Qu’elles soient mineures ou plus âgées, elles sont constamment victimes de violence ; beaucoup se droguent et nombre d’entre elles sont contaminées par le VIH.
Ces photos nous montrent les bordels de Kandupatti, lieux de leur exploitation, lieux de leur désespoir ordinaire. Shehzad Noorani a dû "apprendre à voir", se défaire de ses préjugés d’homme. Il les a côtoyées jusqu’à s’en faire parfois des amies.
A l’heure des polémiques sur la prostitution infantile et le tourisme sexuel, n’est-il pas important de tenter de saisir à travers ces photos un peu du quotidien de l’aliénation de ces femmes ? Et quant au débat sur le statut, les droits des personnes prostituées, et sur le commerce des corps, n’est-il pas différent dès lors que l’on ne se focalise ni sur l’image asseptisée d’une prostitution proprette, ni sur le désespoir d’images d’un bordel de bidonville ? Il y a là une alchimie complexe de souffrance et de vie, dont la dignité des personnes est l’enjeu.
Ce reportage photo a obtenu le Prix de la Fondation Mother Jones 2000 (Asie).
Voir et lire sur le site du Réseau Voltaire, mars 2002.