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jeudi 14 octobre 2004 Le projet de loi du gouvernement Raffarin "relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste et homophobe" est indéfendable
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30 septembre 2004 Le projet de loi présenté le 8 juin 2004 par Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, "relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe" a été critiqué par nombre d’associations féministes (1). Celles-ci ont refusé la "hiérarchie" établie dans ce projet entre l’ "homophobie et le sexisme" et, tout en saluant des "avancées extrêmement positives" (2), elles ont demandé que les mesures acquises contre l’homophobie le soient aussi pour les femmes. Pour notre part, un travail critique attentif a transformé notre insatisfaction première en colère, puis en refus global de ce texte. Sa constitutionnalité est même posée, si l’on confronte la déclaration de Madame Ameline, ministre de la parité et de l’égalité professionnelle qui considérait que cette loi était "une grande avancée pour les femmes dans notre droit positif français pour les femmes" (3) au préambule de la Constitution de 1946, reprise par celle de la Vème République qui pose que : […] "La loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux de l’homme". Le report - pour des raisons qui n’ont pas été dites et qu’il importerait de connaître - de ce projet, annoncé pour la session législative de cet automne, si peu débattu, si peu et si mal pensé s’avère une chance d’empêcher le vote de ce projet de loi inique. Pourquoi ce projet est-il inacceptable et donc indéfendable ?
Reprenons ces différents points. I. Le projet de loi est inacceptable parce que son titre est un leurre. L’intitulé de ce projet de loi, très largement reproduit sans distance critique par les médias (4) n’est, pour aucun de ces deux termes : "sexiste" et "homophobe", repris dans le corps même du projet de loi. Le titre lui-même - et les deux termes qu’il comporte donc aussi - disparaîtra lorsque les modifications de ses articles seront intégrés dans le Code pénal. Présenter ce projet de loi comme devant "réprimer les propos homophobes et sexistes" (5) est donc un leurre. Ce texte n’apporte - en contradiction avec la présentation médiatique et politique qui en a été faite - aucune nouveauté juridique conceptuelle. Quant à l’expression : "propos discriminatoires", son apparente simplicité cache des enjeux théoriques et conceptuels importants. En effet, un propos peut-il être discriminatoire ? L’article 225-1 du Code pénal dispose que "constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques (…) ; cette "distinction" se traduit par des actes pour certains réprimés par le droit à l’article 225-2 C.pen (7). Or un "propos" ne peut être sanctionné par un article qui ne vise que des actes. En outre, il fait noter que la référence aux "propos discriminatoires" disparaît dans le projet de loi lui-même : il n’est en effet plus question que de "provocation à la haine, à la violence, à la discrimination", "d’injure" et de "diffamation". II. Un projet de loi qui prolonge des dispositions législatives injustes et en aggrave l’injustice. Ce projet de loi ne prend en effet de véritable sens que dans le cadre d’un ensemble législatif plus large. L’exposé des motifs y fait d’ailleurs explicitement référence : "Des réformes récentes sont venues très sensiblement améliorer l’arsenal législatif permettant de sanctionner de telles atteintes […]" (8). Effectivement, préalablement au projet de loi Raffarin, deux lois adoptées en mars 2003 et en mars 2004 prenant en compte exclusivement le critère "d’orientation sexuelle" avaient déjà été votées par le Parlement. A. La loi du 18 mars 2003 "pour la sécurité intérieure" a - dans le prolongement de celle du 3 février 2003 "visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite et xénophobe" - institué dans le Code pénal une circonstance aggravante en raison de "l’orientation sexuelle" réelle ou supposée de la victime (9). Le critère d’"orientation sexuelle" a donc été ajouté à la liste des autres (10) circonstances aggravantes du " meurtre " (221-4 7ème C. pen), des "tortures et actes de barbarie" (222-3 5 ter C. pen), des "violences" (222-7 à 222-13 C. pen) des " viols " (art.222-24, 9° C. pen) et des "agressions sexuelles" (222-30, 6° C.pen). Le critère de "sexe" de la victime n’a fait, quant à lui, l’objet d’aucune circonstance aggravante. Si l’on considère que "l’orientation sexuelle" désignerait les homosexuel-les et "le sexe", les femmes (11) , le législateur considère donc, depuis mars 2003, qu’il est plus grave de tuer, de violer, d’agresser un homme homosexuel en raison de son homosexualité que de tuer une femme parce qu’elle est une femme. Le législateur considère ainsi que le crime commis à l’encontre de Sébastien Nouchet est plus grave que le crime commis à l’encontre de Sohane Denziane (12) : dans le premier cas, les auteurs du crime sont en effet passibles de la condamnation à perpétuité, dans le second, de 30 ans de réclusion criminelle (13). Le législateur a voté une disposition qui considère donc que des mêmes crimes sont plus graves pour les victimes homosexuel-les que pour les victimes femmes, alors même que la comparaison est à peine possible, tant nombreux et divers sont les crimes et délits commis à l’encontre des femmes (14). Cette différenciation importante concernant le traitement des femmes victimes est passée à l’époque inaperçue. Le vote de cette loi signifie donc sans ambiguïté que ces violences à l’encontre des femmes font tellement partie de l’ordre des choses que le droit leur dénie la possibilité d’invoquer une circonstance aggravante. Le vote de cette loi signifie donc que les crimes les plus banals, les plus violents, les plus fréquents - ceux commis par des hommes à l’encontre des femmes (assassinats, meurtres, contraintes au suicide, viols, agressions sexuelles, harcèlement sexuel, prostitution…) - sont des crimes simples, ne méritant aucun traitement particulier. Le vote de cette loi signifie donc que ces violences, ces crimes - appelés fémicides par les anglosaxon-nes - sont tellement normaux et ordinaires que les peines doivent rester normales et ordinaires. Pourquoi ? Parce que les manifestations les plus graves, les plus répandues de la domination masculine ne troublent pas, dans l’ordre masculin, l’ordre public ; elles le confortent même en transférant sur des victimes - le plus souvent silencieuses - une violence qui dès lors ne se manifeste pas dans l’espace public, politique. Par ce vote, le législateur a donc non seulement entériné la perpétuation de la normalité des violences masculines, mais en accroissant l’écart de traitement entre ces mêmes crimes et délits en fonction de l’orientation sexuelle de certaines victimes, il en a changé la nature même. Il est banal dans l’histoire française - l’antiféminisme étant sans aucun doute l’une des spécificités politiques nationales les moins souvent interrogées - de ne pas reconnaître la cohérence politique entre toutes ces violences masculines,
Il est en revanche une nouveauté historique que des violences liées à l’homosexualité de la victime contribuent à disqualifier les violences liées au sexe de la victime, ici, en l’occurrence les femmes. B. Loi du 9 mars 2004 "portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité" a institué dans le Code pénal une circonstance aggravante en raison de "l’orientation sexuelle" réelle ou supposée de la victime en matière de menace, de vol et d’extorsion. Il est ainsi en France, en 2004, plus grave de voler un homme ou une femme parce qu’il/elle est homosexuel-le, que de voler un homme ou une femme sans prise en compte de leur sexe. Lire le texte intégral de cette analyse sur l’un ou l’autre des sites suivants : Courriel AVFT : contact@avft.org Notes 1. Ce texte pose des questions dont les réponses sont d’une réelle complexité, dès lors toutes les critiques sont non seulement bienvenues mais souhaitées. En fonction de ces critiques, comme de l’évolution de notre propre pensée, nous nous réservons la possibilité de le faire évoluer.
2° A entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ; 3° A refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ; 4° A subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1 5° à subordonner une offre d’emploi à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1."
Mis en ligne sur Sisyphe, le 5 octobre 2004. |