| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Femmes du monde | Polytechnique 6 décembre 1989 | Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  

                   Sisyphe.org    Accueil                                   Plan du site                       






jeudi 10 février 2005

Discrimination systémique dans la fonction publique du Québec

par Monique Fortin






Écrits d'Élaine Audet



Chercher dans ce site


AUTRES ARTICLES
DANS LA MEME RUBRIQUE


La Commission des affaires sociales retient plusieurs demandes des groupes de femmes
La CRÉ de Montréal propose un débat national sur l’égalité entre les femmes et les hommes
La commission parlementaire sur l’égalité vue par L’aut’journal
Une politique d’égalité doit s’appuyer sur des assises théoriques solides
L’approche sociétale renvoie à la symétrisation
Le Conseil du statut de la femme rectifie des propos à son égard
Salvya rend hommage au féminisme radical et à la « vieille garde »
On assiste à la naissance d’un « masculinisme d’État », selon le Collectif proféministe
Pas n’importe quel « conseil de l’égalité », dit Option citoyenne
L’R des centres de femmes demande un engagement ferme à éliminer la discrimination
On encourage l’exode des femmes du Saguenay, selon LASTUSE
Le leurre de l’acquis : le patriarcat et la discrimination systémique perdurent au Québec
Pour le droit des femmes à l’égalité
Non à la symétrisation et à un conseil de l’égalité
Un combat à mener par l’État et par la société civile
La ministre Courchesne voulait-elle intimider la Chaire d’étude sur la condition des femmes ?
Garder le cap sur la véritable égalité
Des jeunes féministes et des proféministes refusent le projet de « nouveau contrat social » du CSF
La Commission parlementaire sur l’égalité débute le 25 janvier
Principes de Montréal relatifs aux droits sociaux, économiques et culturels des femmes
Profil du statut des femmes au Québec
D’une politique de condition féminine vers une politique pour l’égalité
La page de Netfemmes sur la commission parlementaire sur l’égalité
Horaire des auditions de la commission parlementaire sur l’égalité
Les travaux de la commission et le Journal des débats
Mémoire des Tables régionales des groupes de femmes du Québec
Mémoire de la Fédération des femmes du Québec et de Relais-Femmes
L’Avis du CSF pour un "nouveau contrat social" : candide et racoleur
Vers un nouveau contrat social pour l’égalité entre les femmes et les hommes
Préparation de la Commission parlementaire portant sur l’égalité
De l’égalité de droits à l’égalité de fait
Un nouveau mandat souhaité pour le Conseil du statut de la femme
Un "Conseil de l’égalité" : une arme tournée contre les femmes
L’approche intégrée de l’égalité : contexte et perspective critique
Une commission parlementaire pour débattre d’un nouveau concept d’égalité
Il faut continuer d’avancer







Mémoire déposé à la commission parlementaire sur l’avis du Conseil du statut de la femme, « Vers un nouveau contrat social pour l’égalité entre les femmes et les hommes », débutant le 25 janvier 2005. L’auteure a produit ce mémoire à titre personnel.

Dans son Avis, le Conseil du statut de la femme recense les réalisations des femmes, particulièrement au cours des trente dernières années. Le Conseil expose la situation en ces termes :

« Bien que les femmes du Québec bénéficient aujourd’hui de l’égalité de droits, il reste encore du chemin à parcourir avant d’arriver à une égalité de fait. À l’évidence, des siècles de discrimination ne peuvent être effacés en quelques décennies d’action, mais il demeure impératif de connaître les zones de résistance et les façons de les percer, ce qui milite en faveur de l’exploration de stratégies nouvelles à ajouter à celles qui existent déjà » (1).

Mon objectif devant cette commission est de signaler ces zones de résistance à l’intérieur de la fonction publique québécoise et de souligner, tout comme le CSF, que pour atteindre la véritable égalité dans tous les secteurs, y compris dans cette fonction publique, la volonté gouvernementale est une condition essentielle de réussite.

Les résistances à l’intérieur de la fonction publique

À l’intérieur de la fonction publique québécoise, quelle est la place des femmes ? Afin de répondre à cette question, je vais analyser les statistiques produites par le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT).

Au premier coup d’œil, il semble que la présence des femmes dans la fonction publique dans les emplois réguliers est significative, certains diront satisfaisante. En effet, en mars 2002, plus de 30 413 femmes occupaient un emploi régulier dans la fonction publique, soit plus de 52,9% des 57 468 emplois (2). Quant aux 13 158 emplois occasionnels recensés en mars 2002, c’est plus de 65,3% de ceux-ci qui étaient occupés par des femmes (3). Au plan des salaires, la situation est moins reluisante. En effet, le SCT évaluait qu’en mars 2002, les hommes de la fonction publique gagnaient en moyenne 52 319$, et les femmes, 41 109$ (4) , soit 80,4% du salaire des premiers. La surreprésentation des femmes dans les emplois occasionnels, de même que la question de l’équité salariale sont bien documentées et font l’objet de plusieurs interventions.

Mon propos et mon analyse ne portent ni sur la surreprésentation des femmes dans les emplois précaires, ni sur la question de l’équité, du moins directement. Ce qui me préoccupe, c’est la composition des emplois à l’intérieur de la fonction publique. Celle-ci est telle, qu’il y a là une importante zone de résistance à l’égalité des hommes et des femmes. Comment cela se manifeste-t-il ?

La structure des emplois dans la fonction publique québécoise

La question de la résistance à l’égalité dans la fonction publique peut se formuler de la façon suivante : la présence de femmes dans les divers corps d’emploi de la fonction publique est inversement proportionnelle aux salaires et aux responsabilités. L’analyse qui suit est tirée des données du SCT pour l’année fiscale se terminant en mars 2002 et, à moins d’avis contraire, elle concerne uniquement les personnes occupant un emploi régulier.

Les postes de direction

En 2002 (5) , parmi les 2 648 postes de la haute direction et de cadres supérieurs, il y avait 747 femmes, soit une proportion 28,2%. Quant aux hommes ils sont 1 901 à occuper des postes équivalents. Le salaire moyen (6) était de 106 456$ pour la haute direction et de 83 941$ pour les cadres supérieurs.

La même année, les 429 femmes cadres intermédiaires constituaient 28,4% du total des 1 513 emplois réguliers de la catégorie. Les hommes occupaient 1 084 de ces emplois, pour une proportion supérieure à 71%. Le salaire moyen était de 63 362$.
Notez que ces groupes de direction, bien que disparates dans leurs responsabilités et salaires, peuvent être agglomérés à cause du contrôle, plus ou moins grand, qu’ils exercent sur le travail. Non seulement les femmes cadres occupent à peine plus de 28% de tous les postes de cadres, mais nous pouvons regarder le problème ainsi : sur les 57 468 postes réguliers, 7,2% au total sont des postes de haute direction et de cadres supérieurs, soit 4 161 emplois. L’égalité impliquerait que 7,2% des 30 413 femmes de la FP soient des cadres, or tel n’est pas le cas, seulement 1 176 le sont, soit : 3,8% de l’effectif féminin régulier.

Les professionnelles et les enseignantes

En mars 2002, sur les 18 231 postes réguliers de professionnels et d’enseignants, les femmes en occupaient 40,5%, soit 7 386. Quant aux salaires moyens, ils étaient de 59 520$ pour les professionnels et de 57 575$ pour les enseignants. Notez que ces femmes professionnelles et enseignantes représentaient 24,2% de l’effectif régulier féminin de la FP.

Les techniciennes et les employées de bureau

En mars 2002, sur un total de 17 075 emplois techniques, 54,3% étaient occupés par des femmes soit : 9 273 personnes, le salaire moyen était de 39 715$.
La même année, les emplois de bureau étaient occupés par 11 810 femmes soit plus de 85% de tous les 13 759 emplois de cette catégorie. Leur salaire moyen était 31 663$.

Sur l’ensemble de l’effectif féminin régulier 30 413 femmes, plus de 69% de ces emplois techniques et de bureau sont occupés par des femmes (7).

Notez que cette concentration augmente lorsque nous analysons l’ensemble de l’effectif (régulier et occasionnel). Dans les emplois techniques il y avait 12 160 femmes ou 30,95% des 39 283 femmes de la fonction publique, et dans les emplois de bureau 15 989 femmes soit 40,7% de tous les emplois féminins (8).

L’analyse

Comment expliquer que près de 70% de toutes les femmes, employées régulières de la fonction publique, soient cantonnées dans des emplois de bureau et des emplois techniques, avec des salaires moyens de 31 663$ et 39 715$ ? Comment se fait-il qu’il y ait absence de cheminement de carrière, de possibilités d’avancement et de promotion pour les femmes des catégories techniques et bureau ?

Selon moi, cela s’explique par la culture d’entreprise et également par des barrières systémiques puissantes. Par exemple : un jeune professionnel du Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs a plus de chances, par le biais des mutations, d’obtenir un poste au Ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (MRCI), section Immigration, qu’une fonctionnaire du même ministère ayant plusieurs années d’expérience. La chose est également vraie pour un enseignant au MRCI, spécialiste de l’enseignement du français : celui-ci a plus de chance d’obtenir un poste de conseiller en immigration, ou mieux encore de cadre, dans le même ministère.

Les concours de promotion de la catégorie fonctionnaire vers la classe d’emploi professionnelle sont inexistants. Cette façon de faire m’amène à croire que l’existence en parallèles, dans la fonction publique, de plusieurs syndicats dont ceux des professionnels, des enseignants et des fonctionnaires constitue une barrière systémique à l’avancement de plus de 70% des employées de la fonction publique québécoise : celles qui sont cantonnées dans les emplois de bureaux et des emplois techniques.

Les solutions

Le gouvernement devra donner l’exemple et éliminer ces zones de résistances à l’intérieur de l’appareil gouvernemental. Pour ce faire : il faut réactiver les programmes d’accès à l’égalité pour les femmes, quitte à revoir l’articulation de ceux-ci avec les programmes qui ciblent les jeunes, les membres des minorités visibles et les personnes handicapées. Cette avancée des femmes sera bénéfique, non seulement pour elles, mais également pour les autres personnes ciblées par les programmes d’accès actuels, qui, embauchées chez les ’’fonctionnaires’’ y demeureront si rien ne changent.

Il faut établir de véritables cheminements de carrière à l’intérieur de la fonction publique québécoise, afin de reconnaître l’expérience et la compétence du personnel en général et des femmes en particulier. Il faut établir des moyens permettant les avancements de classes et les concours de promotion, non seulement à l’intérieur d’un syndicat, mais également du syndicat des fonctionnaires vers le syndicat des professionnels. Dans ce sens il faut se questionner sur la pertinence de maintenir à l’intérieur de la fonction publique des syndicats indépendants dont celui des fonctionnaires et des professionnels.
En conclusion, il existe de grandes zones de résistance à l’intérieur même de l’appareil gouvernemental avant que les femmes atteignent l’égalité de faits et avant que l’État puisse vraiment se dire à l’avant garde sur cette question.

Questionner la situation des femmes dans la fonction publique, y débusquer les zones de résistance et les éliminer, cela me semble être en lien direct avec l’orientation 6 proposée par le CSF (9). Soit celle de soutenir l’exercice du pouvoir et de la participation sociale en toute égalité pour les femmes et les hommes, sur les plans national, régional et local. Questionner la situation des femmes à l’intérieur de la fonction publique pourra permettre une participation pleine et égalitaire des femmes à la vie économique, tel que le préconise le CSF dans son orientation 2 (10). Et assurera l’ancrage de l’égalité entre les femmes et les hommes au sein du gouvernement (11).

Tableau de la structure des emplois féminins réguliers dans la fonction publique du Québec en 2002. Cliquez sur l’icône ci-dessous.

Notes

1. Avis Vers un nouveau contrat social pour l’égalité entre les femmes et les hommes, p.15.
2. Toutes les données statistiques de ce texte sont tirées de : L’effectif de la fonction publique du Québec, 2002, Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) Document en PDF. Tableaux 4, 5, 6, et 34 pp.58 à, 60 et 102.
3. Idem tableau 5, p.59.
4. Idem tableau 34, p. 34.
5. SCT, tableau 4, p. 58.
6. SCT, tableau 34, p. 102.
7. SCT, tableau 4, p. 58.
8. SCT, tableau 6, p. 60.
9. Avis du CSF, p. 139.
10. Idem, p.144, Orientation 6 et Axe d’intervention 2 : Viser la participation égale des femmes et des hommes dans la sphère économique.
11. Idem, p.151, Orientation 7, Assurer l’ancrage de l’égalité entre les femmes les hommes au sein du gouvernement.



Format Noir & Blanc pour mieux imprimer ce texteImprimer ce texte   Nous suivre sur Twitter   Nous suivre sur Facebook
   Commenter cet article plus bas.

Monique Fortin

L’auteure travaille pour le ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (MRCI) depuis une dizaine d’années. Au début des années 80, elle a contribué à mettre sur pied l’Association des gens à pourboires (AGAP).



    Pour afficher en permanence les plus récents titres et le logo de Sisyphe.org sur votre site, visitez la brève À propos de Sisyphe.

© SISYPHE 2002-2005
http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin