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samedi 25 juin 2005 « La passion de l’université », par Claudine Baudoux
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La publication du livre : La passion de l’université. Les femmes cadres dans la gestion collégiale et bureaucratique (Presses Inter universitaires), est le résultat d’une recherche subventionnée par le Conseil de Recherche en sciences humaines du Canada et a été favorisée par l’octroi d’une subvention d’aide à l’édition savante. La préface a été rédigée par Micheline Dumont. Le premier chapitre aborde l’évolution de l’Université depuis les années 1950 et parallèlement, celle de la présence des femmes, et des femmes cadres en ses murs. L’ouvrage établit une distinction entre l’université oligarchique (avant 1968), l’université étatique (de 1968 à 1978) et l’université managériale (à partir de 1978). Le troisième chapitre s’intéresse à la socialisation des femmes cadres reçue dans la famille d’origine. Ce qui se dégage, c’est le rôle important joué par l’éducation. Il ne s’agit pas simplement du niveau de scolarité, mais également de l’acquisition de diverses dispositions appréciées lors de la sélection ou de la promotion. Les parents des deux sexes jouent à cet égard un rôle qui semble fondamental, soit en tant que modèles ou dépositaires d’une éducation égalitaire, voire féministe, ou en tant que contre-exemples, suscitant chez leurs filles des comportements de refus, de confrontation, de négociation et de solidarité. Plutôt que certaines caractéristiques individuelles des parents, c’est la qualité des rapports entre ces derniers et leur fille qui permet cette mobilité sociale dans certains cas, et assez souvent, semble-t-il, une mobilité de sexe. Entre autres, cette capacité acquise par les filles de pouvoir tabler sur les caractéristiques attribuées aux deux sexes semble favoriser leur accès ou leur promotion à ces postes universitaires. Le quatrième chapitre examine l’importance que revêt la vie familiale sur le développement de la carrière ainsi que la réceptivité de l’Université aux préoccupations familiales. Les femmes cadres connaissent des difficultés réelles lorsqu’elles sont mères, elles éprouvent davantage de difficultés à être promues, en particulier chez les cadres académiques supérieures. Les réticences du milieu à l’égard de la maternité se confirment lors de l’analyse de la culture universitaire en ce qui a trait à la conciliation entre le travail et la famille. Le secteur administratif est plus réticent encore que le secteur académique. De plus, les femmes cadres se sentent moins légitimées comme mères que les hommes cadres comme pères en ce qui concerne la conciliation profession-famille. Les chapitres 5 et 6 établissent une typologie de différentes modalités de sélection aux différents postes des universités québécoises, analyse les critères retenus et les modalités de la prise de décision. Divers lieux d’élimination de candidatures féminines existent qui ne proviennent pas d’une autocensure des femmes. Il faut donc conclure à des pratiques discriminatoires que le livre décrit en détail, mais qui, doit-on préciser, restent beaucoup moins présentes que dans les commissions scolaires ou les cégeps. Par exemple, les universités ne recourent pas toujours à un comité de sélection et utilisent abondamment la cooptation, du moins dans les universités traditionnelles. Ce phénomène pourrait expliquer leurs moins bons résultats en matière d’égalité des sexes. Il semble, de plus, que lorsque la représentation féminine aux postes de recteur est équitable, ce sont les postes au vice-rectorat qui deviennent difficiles d’accès pour les femmes (et vice versa). C’est comme si, s’il y avait une rectrice avec une ou deux vice-rectrices, on avait peur de concentrer le pouvoir entre les mains de femmes. Le chapitre 7 s’intéresse aux stratégies de carrière, conscientes ou non, retenues par les femmes cadres. Certaines ont adopté des stratégies, d’autres non, leur promotion étant le résultat d’un travail passionnant. Parmi les stratégies gagnantes, et par rapport à leurs homologues masculins, elles sont plus actives dans la recherche d’une promotion. L’engagement des cadres des deux sexes est très fort (d’où le titre), en particulier chez les académiques. Certaines femmes cadres constatent même l’emprise que l’université a sur elles et prennent garde de ne pas se laisser trop envahir. Toutefois, par rapport à leurs collègues masculins, elles ont davantage tendance à privilégier la famille à leur travail, caractéristique qui pourrait expliquer un certain plafonnement. Elles se montrent assez méfiantes à l’égard de l’utilisation qu’elles pourraient faire de la séduction, en particulier comme stratégie de carrière. Toutefois, la prudence reste de mise avec les stratégies de carrière. Il ne faut pas négliger l’importance déterminante de certains effets structurants, examinée dans le chapitre 8, qui peuvent pousser certains et certaines à adapter leurs ambitions à leur évaluation de la probabilité qu’elles se réalisent. La perspective structurale affirme que ce sont les structures organisationnelles qui déterminent le comportement des membres. Les femmes n’occupent pas des postes de pouvoir parce qu’elles sont reléguées à des emplois comportant peu de pouvoir et offrant peu de visibilité. Mais cette théorie est partiellement invalidée par les résultats des questionnaires dans le sens où l’ambition des femmes n’est acceptée que si elle est couverte de l’autorité ou de la fréquentation des supérieurs dont elles acceptent les conseils. Les hommes n’ont pas besoin de tels appuis et peuvent démontrer de l’ambition personnelle sans être déconsidérés. La domination matérielle présentée dans le chapitre 8 est entretenue par les effets de la doxa de sexe analysée dans le chapitre 9. La doxa de sexe oriente, légitime et maintient les représentations sur les différences sociales, économiques et symboliques entre les sexes, à travers un système complexe, toujours réactivé, de signes (signifiants de langage, plaisanteries, regards, postures corporelles, comportements, photos, écrits) qui maintient et reconduit les principes de domination. Ces images continues impriment inconsciemment la norme de la suprématie masculine, et le postulat selon lequel le général est masculin. C’est ainsi que l’analyse de la ségrégation des sexes, des effets de la minoration, et de la symbolique montre que dans le secteur académique, les femmes cadres, selon leurs réponses au questionnaire, paraissent bénéficier d’un traitement relativement favorable, très différent de celui qu’elles présentent dans les entrevues où elles semblent moins influencées par la doxa de sexe. Le secteur administratif ne présente pas un tableau tellement différent, peut-être un peu plus sombre. Comme les femmes cadres académiques, elles pensent en plus grande proportion qu’elles ne sont pas considérées à leur juste valeur. De plus, elles obtiennent moins facilement la parole quand elles le souhaitent et s’estiment généralement moins bien intégrées dans leur milieu de travail. Le chapitre 10 se pose la question de savoir s’il existe une gestion au féminin, ou si plutôt les candidates adoptant des comportements féminins ne sont pas préférées par les décideurs. Par la suite, le livre présente les stratégies utilisées par les femmes cadres face aux pratiques discriminatoires, et en analyse les avantages et inconvénients. Si la majorité des femmes cadres n’osent pas se proclamer féministes sous peine de connaître l’exclusion ou la marginalisation, elles posent des gestes de solidarité avec les femmes selon le pouvoir qui est le leur. De ce point de vue, il est important d’encourager les femmes à occuper des postes de cadres, en particulier des postes supérieurs. Le chapitre 11, en conclusion, tente de voir pourquoi et comment les pratiques bureaucratiques entraînent plus de discrimination que les pratiques collégiales. Il aborde la question des femmes vues comme une concurrence indue et un péril pour la carrière des hommes cadres. Claudine Baudoux – Baudoux, Claudine, La passion de l’Université. Les femmes cadres dans la gestion collégiale et bureaucratique, préface de Micheline Dumont, Sillery, Presses Inter universitaires, 2005. 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