|
vendredi 6 décembre 2002 Aux 14 jeunes filles assassinées le 6 décembre 1989 Nous ne vous oublions pas
|
DANS LA MEME RUBRIQUE Le gynocide annoncé Les tueurs en série à caractère sexuel 15 ans après le geste terroriste de l’École Polytechnique, la violence sexiste continue... Mexique : Femmes perdues dans l’arrière-cour de Satan Rapport de la Commission québécoise de solidarité avec les femmes de Ciudad Juárez Des gynécides non reconnus Le plan de match du lobby des hommes violents 6 décembre 1989 : 13 ans après, la ’sale guerre’ se durcit Les mortes de Juárez Des assassins d’enfants Les crimes d’honneur Un massacre ciblant les femmes Une guerre non avouée, mais permanente Séquestrations et assassinats |
Le 6 décembre 1989, 14 femmes étaient assassinées à l’école Polytechnique de Montréal, pour la seule raison qu’elles étaient des femmes. Des femmes intelligentes, des universitaires faisant leur chemin dans un milieu réservé aux hommes.
Je m’appelle Annie. Je vais également à l’université et j’ai l’âge de ces jeunes femmes mortes à Polytechnique... C’est extrêmement difficile de réaliser que j’aurais pu être l’une de celles-là...simplement parce que la vie m’a donné des seins et un vagin, plutôt que des attributs mâles. (!!!) Je me souviens de ce soir du 6 décembre. Des manchettes à la télévision. Je n’avais que 9 ans... mais cet événement est imprégné dans mon esprit depuis ce temps. Cette tragédie n’est que la pointe de l’iceberg. Cas "isolé", comme le clamaient haut et fort les médias ? Allez faire croire ça à d’autres. La haine et la peur des femmes sont enracinées dans la mentalité des hommes. Certains combattent cette misogynie, mais la lutte durera toute leur vie. Je ne crois pas que ce puisse être "inné", pour un homme, de se considérer l’égal d’une femme. Le malaise persiste. Le masculin l’emporte. Pour ces hommes désireux d’une certaine égalité entre les sexes, il n’y a qu’à jeter un regard autour d’eux pour déceler une misogynie socialement acceptée. Je n’ai qu’à penser à mon frère, ayant eu pour modèle le parfait misogyne : mon père. Je me souviendrai toute ma vie du rôle de "putain" que mon père attribuait ouvertement à ma soeur, lorsqu’elle venait coucher à la maison avec ses copains. Pourtant, il se faisait un devoir de féliciter mon frère lorsque la "chasse" avait été bonne et qu’il ramenait une fille dans son lit. En tant que femmes, nous n’avons pas droit à une quelconque vie sexuelle. Surtout lorsque nous semblons y trouver du plaisir... Cela est-il uniquement réservé aux garçons ? "Prendre son pied" n’est-il réservé qu’à la gente masculine ? Mon père, ses frères et leur propre père répondraient par l’affirmative. Diplômé du cégep en électrodynamique et premier de sa promotion, mon père vantait souvent ses exploits d’étudiant. Combien de fois nous a-t-il également dit qu’en tant que technicien, il valait mieux qu’un ingénieur ! Aujourd’hui étudiante à temps plein, ma réussite scolaire constitue une véritable menace pour son intelligence. Il qualifie promptement mes études de "perte de temps", et dévalorise tous mes efforts. Il n’aura "malheureusement" pas raison de moi. En tant que femme, je devrais me contenter d’un emploi peu payant et peu valorisant. Une femme est née pour un petit pain. C’est le message que mon père m’a continuellement envoyé. Je sais que pour être respectée de lui, il FAUT que je lui sois inférieure. M’étant battue toute ma vie contre son mépris écrasant des femmes, lui qui me répétait si souvent "Tiens-toi droite si tu veux être un homme !", je l’ai volontairement mis à l’écart et n’ai plus eu aucun contact avec lui depuis deux ans. Des regrets ? Aucun. Il m’a véritablement fallu m’en éloigner afin de m’épanouir en tant que femme. J’ai 22 ans, et je sens mon combat loin d’être terminé. C’est aussi à chaque jeune fille, adolescente et femme de voir à ce qu’on la respecte, de ne jamais céder sous la pression, de se montrer agressive face au prétendu "sexe fort". C’est à nous que reviennent le droit et l’obligation de prendre notre place. À ces 14 femmes assassinées à Polytechnique : nous ne vous oublions pas. À vous Mis en ligne sur Sisyphe en décembre 2002 |