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mercredi 28 juin 2006

Vous avez bien dit « diversité culturelle » ?!!

par Noémie Dansereau-Lavoie, étudiante en communication






Écrits d'Élaine Audet



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Depuis l’adoption de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 17 octobre 2005, force est de reconnaître que le terme « diversité culturelle » est invoqué à tout propos, en toute circonstance. D’ailleurs, le 21 mai est officiellement proclamé par l’Unesco « Journée mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement ». Or, qu’entend-on exactement par là ?

Parfois, l’expression est synonyme de diversité de l’offre créatrice (biens et services culturels), alors qu’en d’autres moments, elle englobe une réalité sociale et anthropologique beaucoup plus vaste. Au Québec, les politiciens et les différents acteurs sociaux ont bien compris l’engouement que suscite ce terme, comme en témoignent les discours du Ministère de la Culture et des Communications en ce domaine.

Certes, dans un contexte de libéralisation des marchés internationaux et d’industrialisation croissante du secteur de la culture et des communications, une mobilisation en faveur de la diversité des expressions culturelles nous apparaît essentielle. Ainsi, pour la première fois dans le cadre d’un traité international, on reconnaît que les biens culturels, « parce qu’ils sont porteurs d’identités, de valeurs et de sens, ne doivent pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale ». Par conséquent, ils peuvent bénéficier du soutien de l’État à qui l’on reconnaît le droit d’adopter des politiques culturelles visant à assurer la diversité des expressions sur son territoire.

Un paradoxe majeur

On sait que le Québec a joué un rôle de premier plan dans la création de ce nouvel instrument international. Or, le gouvernement québécois a beau s’afficher comme un ardent défenseur de la diversité culturelle, dans quelle mesure son discours officiel est-il en adéquation avec ses politiques dites culturelles à l’interne ?

Dans un contexte axé essentiellement sur la concurrence et où domine le culte du divertissement, nous éprouvons un certain scepticisme quant à la réelle volonté de promouvoir une véritable diversité créatrice. Le paysage culturel actuel parle de lui-même : financement accru de la télévision privée et réduction considérable de l’aide à la télévision publique, laquelle doit davantage faire appel à la publicité (sombrant du coup dans une logique marchande reposant sur la dictature des cotes d’écoute), financement de projets cinématographiques susceptibles d’attirer le plus large public possible, etc. On assiste également à une concentration sans précédent du secteur de l’édition et de la presse écrite entre les mains de quelques géants. Au Québec, la récente acquisition par Québécor de l’entreprise Sogides, le plus important groupe d’édition et de distribution, vient confirmer cette tendance.

Comment expliquer cette nouvelle réalité, propre à notre époque ? Selon Florian Sauvageau, professeur au département de communication de l’Université Laval, la situation est assez claire : « Nos politiques culturelles, plus souvent qu’autrement, sont devenues des politiques industrielles dans le secteur de la culture » . C’est donc dire que tout le débat entourant la question de la diversité culturelle soulève un paradoxe majeur : d’un côté, on craint l’américanisation et l’uniformisation culturelles alors que de l’autre, on souhaite la participation de nos entreprises nationales au marché global du divertissement.

Dans ce contexte, il nous semble pertinent de rappeler que l’ « américanisation », cette tendance que l’on dénonce vigoureusement au sein de plusieurs forums nationaux et internationaux, ne se limite pas seulement à l’importation ou l’influence des contenus culturels américains : c’est aussi, comme le souligne le chercheur québécois Dave Atkinson, l’adoption d’un mode d’organisation et de gestion des industries de la culture et des communications dans leur ensemble . En d’autres mots, c’est la commercialisation de la sphère culturelle.

L’omniprésence de la logique marchande

Cette prédominance des enjeux économiques de la culture suscite une profonde réflexion quant à l’idée même de notre rapport à la réalité : tout semble ramené à la dimension marchande. Comment expliquer que le terme « industries culturelles » soit maintenant utilisé de façon si courante et qu’il fasse l’objet d’un consensus dans les discours politiques et médiatiques, sans que l’on ne s’interroge sur sa véritable implication ? Alors qu’au départ, l’expression était, ironiquement, associée à la fin de la culture, elle semble aujourd’hui glorifiée par les différents acteurs sociaux afin d’illustrer le dynamisme et la vitalité de celle-ci.

La valorisation excessive des « industries de la culture » et la façon dont nous les façonnons depuis quelques années témoignent, d’une certaine façon, d’un effritement de sens au sein de la culture contemporaine, et de la société en général. Ainsi, lorsque nous réalisons que les principales mesures visant à assurer le plein épanouissement de la « diversité culturelle » reposent essentiellement sur le développement des entreprises culturelles, nous croyons qu’une sérieuse réflexion sur les conséquences d’une industrialisation massive du secteur culturel s’impose.

La dimension humaine et sociale de notre présence dans le monde se trouve de plus en plus évincée derrière les lois du marché. Cette situation soulève un enjeu politique fondamental, à savoir la remise en question de notre capacité à être présent et à réfléchir sur notre situation. D’où la nécessité de revisiter notre conception du développement culturel, de façon à pouvoir offrir aux citoyens les outils pour qu’ils développent et exercent leur esprit critique et leur droit de parole.

À titre d’exemple, un véritable système de radiodiffusion publique, indépendant des forces du marché et de l’État, nous apparaît fondamental. Or, en février dernier, le ministère de la Culture et des Communications du Québec annonçait d’importantes coupures à Télé-Québec, qui devra se départir d’ici quelques mois du tiers de ses employés et reléguer une importante partie de sa production au secteur privé. Du côté d’Ottawa, le nouveau gouvernement conservateur annonçait, le 26 avril, qu’il entend mettre sur pied un nouveau comité pour revoir le rôle et le mandat de Radio-Canada.

Dans ce contexte, nous croyons qu’il y a lieu de s’interroger sur le façonnement de notre paysage culturel et sur son orientation. Mais pour que s’instaurent de véritables structures qui permettent à la fois la participation des citoyens à la vie culturelle de leur communauté de même que l’épanouissement de la créativité, encore faut-il reconnaître le caractère essentiel de la culture, au lieu de sombrer dans la logique marchande et la tyrannie du résultat immédiat.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 20 juin 2006.



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Noémie Dansereau-Lavoie, étudiante en communication

L’auteure est étudiante à la maîtrise en communication, à l’Université du Québec à Montréal.



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