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vendredi 6 juillet 2007 La stratégie du désespoir : quand les femmes repassent les seins de leurs filles
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Yaoundé, le jeudi 8 juin 2006 - « Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre /Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour /Est fait pour inspirer au poète un amour /Eternel et muet ainsi que la matière ». Ainsi parle « La Beauté », dans le célèbre poème de Charles Baudelaire. A l’instar de l’auteur français, les femmes camerounaises ont acquis au fil des siècles l’intuition parfaite que le sein est bien l’inspirateur éternel des amours, des amours qui privent les petites filles camerounaises de leur adolescence et de leur chance d’étudier. Violence de mères en filles A l’instar de l’excision, le « repassage » des seins est une pratique qui se réalise au coeur des alcôves féminines, en ville comme à la campagne, chez les classes les plus défavorisées comme chez les plus aisées. Mères, tantes, cousines se penchent sur le destin d’une petite fille et s’appliquent à lui faire endurer une insupportable douleur ; le repassage des seins. Le Réseau national des associations de tantines (Renata), au Cameroun, a pour premier objectif de lutter contre les abus et violences sexuelles subis par les adolescents et de dénoncer les différentes pratiques nocives qui existent à l’encontre des jeunes filles. Ce réseau réunit aujourd’hui quelque 61 associations, qui oeuvrent sur le terrain grâce à l’action de 5 000 femmes, le plus souvent des « filles mères ». Les différents témoignages des membres de ce réseau lui ont permis de mettre à jour l’ampleur d’une pratique silencieuse : le repassage des seins. Aussi, le réseau a-t-il demandé à l’Agence allemande de coopération (GTZ) présente à Yaoundé de mener une enquête plus exhaustive. Les résultats ont été présentés la semaine dernière. 24% des femmes camerounaises ont subi le repassage des seins Dans les dix provinces camerounaises, quelque 5 661 femmes et jeunes filles ont été interrogées. Elles étaient âgées de 10 à 82 ans (moyenne d’âge 12 ans et trois mois). Les témoignages recueillis laissent apparaître que quelque 24% des femmes ont été victimes de repassage des seins. Le repassage des seins étant réalisé par les mères pour soustraire la poitrine naissante de leurs filles au regard des hommes et à celui du père qui y verrait le signe qu,un mariage est possible, la précocité de la puberté accroît considérablement le risque d’en être victime. Ainsi, pour la moitié des victimes, cette terrible violence a eu lieu avant l’âge de 9 ans, dans 38% des cas avant l’âge de 11 ans, pour 24% des femmes à 12 ans et dans 14% des cas à 14 ans. Au-delà de la volonté des mères de retarder l’heure du premier rapport sexuel de leurs filles ou de leur mariage, afin parfois de leur permettre de continuer à étudier, de très nombreux mythes entourent cette pratique, parfois accompagnée de rituels. L’idée reste ainsi répandue dans certaines provinces que le repassage permettra de voir couler le lait en abondance ; la technique est en réalité à l’origine de nombreuses difficultés au moment de l’allaitement. Outre ces problèmes lors de l’allaitement, de très nombreuses victimes du repassage des seins évoquent les insupportables douleurs de ces séances, qui perdurent longtemps après le repassage. Pendant plusieurs semaines, chaque matin et chaque soir, les mères appliquent en effet sur le sein de leur fille des pilons ou des pierres à écraser, préalablement chauffées. Dans de très nombreux cas, le repassage s’accompagne en outre du port d’un serre-seins, souvent une simple chambre à air, destinée à effacer les marques de la poitrine naissante. Si 42% des personnes interrogées affirment ne connaître aucune séquelle et aucune incidence sur la taille de leur poitrine, les kystes et abcès sont très fréquents, sans parler des déformations monstrueuses de ces poitrines. Quelque 18% des femmes révèlent ainsi que leurs seins sont « tombés » de manière précoce. Cette terrible pratique, dont on ne parvient pas à définir l’origine et qui s’exerce dans l’ignorance des hommes, est le plus souvent vaine. Le repassage des seins se révèle en effet inutile pour freiner la sexualité des filles et nombreuses sont les victimes de cette pratique qui deviennent à leur tour mères avant l’âge de quinze ans. Une campagne d’information nationale La publication des résultats de cette enquête réalisée par Flavien Ndonko a créé un vif émoi au Cameroun où vient d’être lancée une campagne d’information nationale, qui devrait s’étendre pendant un an, afin que nul ne puisse désormais ignorer les ravages de cette pratique. L’agence de coopération allemande et RENATA collaborent pour la mise en oeuvre de cette opération. Dans le quotidien camerounais Mutations, le mardi 30 mai dernier, les responsables de plusieurs organisations appelaient à la pénalisation de cette pratique. « Au même titre que les exciseuses, celles qui pratiquent le "repassage des seins" doivent être réprimées par la loi », demandaient-ils. Une telle mesure permettrait peut-être de rompre l’enchaînement des générations de repasseuses. En effet, si de très nombreuses victimes affirment qu’elles ne pourraient faire subir un tel sévisse à leur enfant, les enquêteurs allemands révèlent que 7% des petites filles avouent s’être infligées elles-mêmes le repassage des seins, honteuses de l’apparition de leur poitrine. Fréquente au Cameroun, cette pratique existe également au Togo et en Guinée. Source : http://www.jim.fr © Copyright 2006 http://www.jim.fr. Nous remercions la rédaction du site JIM qui a autorisé Sisyphe à publier ce texte. – Lire également « Non au repassage des seins des adolescentes au Cameroun » : cet article donne des exemples et explicite le sens de cette pratique. Mis en ligne sur Sisyphe, le 25 juillet 2006 |