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jeudi 14 décembre 2006 Le rapport du Sous-comité de l’examen des lois sur le racolage banalise la prostitution
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DANS LA MEME RUBRIQUE Voyage en Absurdie Pour l’industrie de la prostitution, une victoire camouflée en défaite Que fait-on pour les femmes qui veulent sortir de l’industrie du sexe ? Pas de prostituées sans prostitueurs ! Légaliser la prostitution, c’est ouvrir la porte au trafic international des humains Le temps de prendre la parole Le rapport du sous-comité de l’examen des lois sur la prostitution en PDF Un rapport favorable aux proxénètes et aux prostitueurs Une attaque directe aux droits des femmes et du bonbon pour le crime organisé Pas à vendre Protéger les victimes et criminaliser les profiteurs Un rapport contradictoire, incohérent et dangereux La prostitution, une forme de violence et non une activité commerciale Toxicomanie, prostitution et santé Une expérience partagée : la violence Ce que nous avons appris des effets de la prostitution de rue |
Le rapport du Sous-comité de l’examen des lois sur le racolage a été déposé à la Chambre des communes. Il constate l’absence de consensus sur la question de la prostitution au Canada, soulignant l’existence de profondes divergences en ce qui concerne « la nature de la prostitution, ses causes et ses effets ainsi que les mesures à prendre pour régler le problème » (p. 6). Il constate également l’absence de connaissances sur l’ampleur de cette industrie au Canada au point tel que deux des sept recommandations du rapport sont dédiées à cet aspect. Le rapport est loin d’être unanime. Les représentants du Parti conservateur ont d’importantes divergences avec les trois autres partis. Certains propos ont l’aval des représentants libéraux et néo-démocrates, d’autres reçoivent l’appui des bloquistes. Malgré l’existence de profondes divergentes, le rapport accepte, sinon justifie l’acte marchand vénal sous différents prétextes : sécurité des personnes, santé publique, consentement, etc. Il ravale à un simple choix individuel ce qui est de l’ordre d’un vaste système mondial et national qui profite aux proxénètes, aux trafiquants et aux clients-prostitueurs et trace un trait d’égalité entre les relations sexuelles « qu’il y ait échange d’argent ou non ». Dire après cela que ce rapport banalise la prostitution apparaît être une lapalissade. Le rapport soutient que la prostitution des mineur-es est inacceptable et que les lois actuelles doivent s’appliquer avec rigueur. Pour ce qui est de la prostitution adulte, le ton change. Il s’agit 1° d’évaluer s’il y a exploitation ou non et 2° s’il y a consentement ou non. Les deux points sont reliés, puisque s’il y a consentement, l’exploitation disparaît. Les représentants des partis d’opposition ont même su interpréter les conventions internationales dans ce sens. Ce qui est une erreur manifeste. Par exemple, l’article 6 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979, ratifié par le Canada en 1982, demande que les États prennent toutes les mesures appropriées pour « supprimer le trafic des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes ». Or, ce texte reprend les termes mêmes de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui (1949) qui vise le proxénétisme, notamment celui des régimes juridiques réglementaristes qui avaient légalisé cette activité (comme c’est le cas aujourd’hui en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse, en Grèce, en Hongrie, en Australie et en Nouvelle-Zélande). Le comité interprète les conventions en soutenant qu’elles « condamnent l’exploitation des femmes à des fins de prostitution plutôt que la prostitution en soi » et qu’elles ciblent « la violence liée à la prostitution ». En conséquence, le proxénétisme n’est plus condamné pour ce qu’il est. À trop vouloir s’opposer à la seule prostitution « forcée », le comité en arrive à forcer la note de ses (més)interprétations. Le comité définit tellement étroitement le proxénétisme - « celui qui exerce un pouvoir de coercition, et non [...] l’ensemble plus vaste des activités qu’englobe la définition d’un entremetteur dans le Code criminel » (p. 28) - qu’en fait nombre de proxénètes sont transmutés en « employeurs ». Et cette miraculeuse transformation assurerait une plus grande sécurité aux personnes prostituées ! On pourrait pourtant croire l’inverse puisque la légitimation de cette activité confère aux proxénètes un pouvoir plus grand qu’auparavant. Quoi qu’il en soit, ce n’est plus vivre de la prostitution d’autrui (et donc d’exploiter cette prostitution) qui pose problème aux représentant-es des partis d’opposition, c’est l’usage de la coercition (qui reste toujours à prouver par la personne prostituée qui ne porte quasiment jamais plainte pour des raisons faciles à comprendre). Le comité a reçu des témoins experts qui se contredisent. Certain-es minimisent tragiquement le rôle du crime organisé dans la prostitution, ce que démentent les actualités récentes sur les gangs de rue ainsi que la mise en lumière depuis quelques années du vaste système international de la traite d’humains, dont plus de 90 % sont voués à la prostitution. Une anecdote devrait montrer l’inanité de ce dénie : au Saguenay, la Sûreté du Québec a mis en ligne un faux site d’une agence d’escorte. Une semaine plus tard, elle recevait un coup de téléphone menaçant qui lui proposait, en échange d’une partie des revenus de l’agence, une « protection ». Les constats et l’analyse du comité sont à la fois parcellaires (ce qu’il reconnaît lui-même) et idéologiquement fondés non pas sur le choix individuel entre adultes consentants comme il le soutient, mais sur l’acceptation si ce n’est la promotion de l’inégalité entre les femmes et les hommes, sous couvert de choix individuels, ce qui va à l’encontre non seulement des conventions internationales ratifiées par le Canada, mais également à l’encontre des chartes des droits, qu’elle soit canadienne ou québécoise. La question du choix individuel ne sert, en l’occurrence, qu’à justifier la prostitution qui affecte très majoritairement les femmes tant à l’échelle nationale qu’au niveau mondial. Le comité, qui dit s’opposer à la traite des personnes, se refuse pourtant à lutter contre la principale cause de la traite : la prostitution. S’il y a un consensus assez large au Canada, c’est bien celui relatif à la décriminalisation des personnes prostituées. Mais la majorité du comité va beaucoup plus loin : elle banalise le proxénétisme et l’accès aux corps et sexes des personnes (surtout des femmes), tout en assurant l’impunité aux clients-prostitueurs (quasiment que des hommes). Professeur de sociologie (Université d’Ottawa), auteur de Abolir la prostitution (Montréal, Sisyphe, 2006), de La mondialisation des industries du sexe (Ottawa, L’Interligne, 2004, Paris, Imago, 2005) et de Prostituzione, globalizzazione incarnata (Milano, Jaca Book, 2006). Mis en ligne sur Sisyphe, le 12 novembre 2006 |