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mercredi 13 décembre 2006 Une expérience partagée : la violence Extraits du rapport du Sous-comité de l’examen des lois sur le racolage, 2006
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Avec les disparitions et les meurtres sadiques de plusieurs femmes qui se livraient à la prostitution, particulièrement à Vancouver et à Edmonton, le public a pris conscience de la violence dont sont victimes les personnes prostituées au Canada. Cette violence n’est pas nouvelle et elle est loin de se limiter à la ville de Vancouver ou encore à celle d’Edmonton. En effet, les personnes qui s’adonnent à la prostitution, particulièrement celles qui pratiquent à partir de la rue, sont aux prises avec tout un éventail de formes d’abus et de violence, allant des coups de sifflet et des insultes, aux agressions, au viol et au meurtre. La violence se vit aussi bien avec certains clients, certains proxénètes ou revendeurs de drogues, qu’avec des membres du grand public, des collègues de travail et même certains policiers. Colette Parent, professeure au département de criminologie de l’Université d’Ottawa, a aussi parlé de ce phénomène. Elle a raconté au Sous-comité que les conditions de travail dans les établissements de prostitution et les agences sont variables, pouvant aller de très bonnes et respectueuses à des conditions qui s’apparentent davantage à l’esclavage. Au dire de cette chercheure, certains salons de massage forcent les femmes à réaliser toutes les fantaisies des clients, alors que d’autres respectent leurs choix et s’intéressent davantage à leur bien-être. C’est également le discours qu’a tenu le criminologue John Lowman quand il a noté lors de son témoignage :
a. Une activité dangereuse selon les données sur l’homicide D’après les données sur l’homicide publiées par le Centre canadien de la statistique juridique (CCJS), la prostitution est une activité très dangereuse. De 1994 à 2003, au moins 79 personnes prostituées auraient été tuées pendant qu’elles se livraient à la prostitution. Il convient de souligner que ce nombre est presque assurément en deçà des données réelles, puisque seuls les cas où les policiers ont pu déterminer que le décès s’était produit pendant les activités de prostitution sont ici rapportés. Cette violence extrême à l’endroit des personnes qui se livrent à des activités de prostitution intéresse également le criminologue John Lowman, de l’Université Simon Fraser, qui a procédé à la compilation des homicides perpétrés contre des personnes prostituées en Colombie-Britannique de 1960 à 1999. Notons que contrairement à la compilation du CCJS, les données d’homicide compilées par le professeur Lowman ne se limitent pas aux homicides perpétrés à l’endroit de personnes prostituées pendant qu’elles se livraient à des activités de prostitution. [....] (...) on observe une augmentation importante des homicides perpétrés à l’endroit de personnes prostituées connues au milieu des années 80. De 8 homicides commis entre 1980 à 1984, on est passé à 22 homicides pour la période 1985 à 1989. Aux dires de M. Lowman, cette augmentation est en lien avec l’introduction dans le Code criminel de l’article qui a rendu illégale la communication à des fins de prostitution dans un lieu public (article 213) et avec cette tendance, née à peu près en même temps, à nettoyer les rues de la prostitution. M. Lowman a soutenu lors de son témoignage que la loi pénale met en danger les personnes prostituées en les forçant à conclure trop rapidement leurs négociations avec leurs clients, en compromettant leur chance de signaler à la police les incidents de violence dont elles sont victimes, et en les contraignant à pratiquer la prostitution dans une grande clandestinité. Mentionnons, enfin, que cette question de l’impact des lois sur la pratique de la prostitution fera l’objet d’une discussion en profondeur au chapitre cinq. b. L’expérience de la violence selon les données fondées sur des entretiens avec des personnes pratiquant la prostitution Les études fondées sur des entretiens en profondeur avec des personnes impliquées dans la prostitution font aussi largement état de la violence dirigée à l’endroit des personnes prostituées. Selon certaines recherches, les agressions de toutes sortes, y compris les agressions sexuelles, seraient chose courante chez ceux et celles qui se livrent à des activités de prostitution, particulièrement ceux qui pratiquent à partir de la rue. Les résultats d’une enquête réalisée à Vancouver ont révélé que les trois quarts des personnes interrogées avaient été victimes d’un acte de violence au cours des six mois ayant précédé l’enquête (5). Les connaissances se rapportant à la violence dirigée envers les personnes qui se livrent à la prostitution hors rue sont beaucoup moins importantes. Ces personnes, nous l’avons vu, sont souvent invisibles à la recherche conventionnelle, ou du moins plus difficile d’accès. Au dire des témoins, il semblerait néanmoins que les personnes qui pratiquent de telles activités font face, de façon générale, à moins de violence (6). Pour ceux et celles qui pratiquent à partir de la rue, les insultes et le harcèlement provenant de membres du public, de commerçants ou encore de policiers sont des réalités souvent quotidiennes (7). La stigmatisation des personnes qui se livrent à la prostitution les expose à une variété de formes de violence. Les considérant bien souvent comme des criminel(le)s et comme des citoyens et citoyennes de seconde classe, certains se permettent de les humilier, de les harceler, de leur jeter des objets, ou encore de les abuser physiquement. Aux dires de certains témoins, les médias contribuent grandement à cette stigmatisation (8). Les propos de Kyla Kaun, directrice des relations publiques de la société PEERS (Prostitutes Empowerment Education and Resource Society) de Vancouver, résument bien le sentiment qu’ont partagé avec nous plusieurs personnes qui vendaient des services sexuels :
Dans son étude, le Sous-comité a appris que beaucoup de policiers, surtout ceux qui font partie des escouades locales de la moralité, sont sensibles au mode de vie des personnes prostituées. En fait, de nombreuses personnes qui vendent leurs services sexuels ont dit au Sous-comité qu’elles avaient une bonne relation avec ces policiers. Cependant, d’autres témoignages ont mis en évidence les relations difficiles qui peuvent exister entre les personnes prostituées et les policiers. Selon des témoins rencontrés, il arrive même que des policiers les agressent physiquement (10). Voici ce que Maggie deVries a soutenu lors de son témoignage en évoquant l’expérience de sa sœur Sarah avec certains policiers du secteur Est du centre-ville de Vancouver :
Cette violence a également été documentée par la Pivot Legal Society dans un rapport intitulé To Serve and Protect : A Report on Policing in Vancouver’s Downtown Eastside. Ce rapport documente des actes de violence qui auraient été commis par des membres du service de police du secteur Est du centre-ville de Vancouver à l’endroit de 50 personnes qui pratiquaient la prostitution dans ce secteur en 2002 (12). La violence à l’endroit des personnes prostituées tient également au fait que certains policiers ne prennent pas aux sérieux la violence dont elles sont victimes, considérant bien souvent que cette violence est inhérente à la pratique prostitutionnelle et que toute personne qui s’adonne à ce genre d’activités ne devrait pas s’étonner d’être maltraitée (13). Une intervenante chez Cactus Montréal, Darlène Palmer, a fait cette observation :
Lors de sa comparution, Renée Ross, présidente du programme Stepping Stone à Halifax, a tenu à souligner l’attitude variable des membres du service de police d’Halifax :
Nous avons aussi appris que la majorité des personnes prostituées ne rapportent pas les agressions dont elles sont victimes de peur de ne pas être prises au sérieux, d’être jugées ou encore d’être criminalisées pour avoir participé à des activités de prostitution. (Fin de l’extrait du rapport du Sous-comité de l’examen des lois sur le racolage, 2006) Notes 1. Gwendolyn Landolt, vice-présidente nationale, Real Women Canada, témoignage devant le Sous-comité, 14 février 2005. Mis en ligne sur Sisyphe, 13 décembre 2006. |