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jeudi 14 décembre 2006

Un rapport contradictoire, incohérent et dangereux
Réaction au rapport du Sous-comité d’examen des lois sur le racolage, 2006

par la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES)






Écrits d'Élaine Audet



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Communiqué

La députation fédérale et la prostitution

Un rapport contradictoire, incohérent et dangereux

Montréal, le 13 décembre 2006. La Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle - un regroupement large d’associations, de groupes de femmes et d’individu-es féministes - réagit avec étonnement aux contradictions et aux incohérences du sous-comité d’examen des lois sur le racolage, qui a été déposé aujourd’hui à la Chambre des communes un rapport divisé.

Feu vert aux prostitueurs

Si la CLES se réjouit de ce que le sous-comité cite longuement les ravages de la prostitution et reconnaisse l’absence de choix de la majorité des femmes et des jeunes qui s’y trouvent, elle s’indigne que des députéEs du Bloc québécois, du Parti libéral et du NPD puissent recommander néanmoins l’abolition des articles du Code criminel qui visent spécifiquement proxénètes et clients.

En effet, si le rapport majoritaire déplore la discrimination qui assure l’impunité aux « prostitueurs » (clients et proxénètes), il n’en propose pas moins l’abolition des lois qui les visent, s’en tenant à des lois plus générales dont il constate pourtant la non-application. En contrepartie, même si le rapport déplore la répression sélective des victimes de la prostitution de rue, il maintient l’application contre elles des lois et règlements d’application générale actuellement utilisés pour les harceler et ne sanctionner qu’elles. (pages 98 et 99 du rapport)

La CLES s’étonne que des députéEs qui déplorent le manque de données probantes et la nécessité de recherches plus poussées face à ce grave problème n’en proposent pas moins l’abolition précipitée des lois limitant le proxénétisme et le racolage par les clients. En limitant la définition du « proxénète » aux entremetteurs usant de coercition, les auteurs du rapport majoritaire rendent excessif le fardeau d’une preuve judiciaire et exposent le pays à une prolifération de l’exploitation sexuelle.

Une vision sélective

La CLES n’arrive pas à s’expliquer par quelle pirouette le comité peut citer tous les expertEs venuEs leur répéter comment la pauvreté, la violence et les dépendances entraînent des jeunes, principalement des filles, à entrer en prostitution bien avant 18 ans, et arriver, magiquement, à transformer celles-ci, à 18 ans, en adultes consentantes qui offrent leurs services sexuels librement. Ce même parti-pris de gommer ou travestir la réalité se retrouve dans le choix du vocabulaire employé : entremetteurs, travailleurs du sexe, services sexuels ... L’ambiguïté volontaire des auteurs du rapport se voit aussi dans la quasi-absence d’informations sur le rôle et les « intérêts » réels des clients et des proxénètes. À la lecture du rapport on pourrait croire par moments que la prostitution est le seul fait des femmes vendeuses ! Les liens entre la prostitution et la traite des personnes, ou avec le crime organisé, sont aussi à peine effleurés, alors qu’on sait que des millions de dollars transitent chaque année dans l’« industrie du sexe ».

Impacts prévisibles d’une légalisation généralisée

L’expérience européenne et néo-zélandaise démontre que la violence infligée aux femmes et aux jeunes prostituéEs n’est nullement réduite lorsque la prostitution est légalisée ou bien repoussée hors de vue, dans des « quartiers chauds » ou des bordels discrets. Au contraire, des recherches démontrent que les pays qui ont donné le feu vert à l’expansion massive de l’industrie du sexe encouragent de fait la traite des femmes et le recrutement actif des jeunes, de plus en plus tôt, vers la prostitution. La CLES s’inquiète que cette approche vienne aggraver la violence contre les personnes prostituées, contrairement au mandat du sous-comité fédéral.

La CLES refuse de voir la prostitution comme « avant tout un problème de santé publique » à gérer sans tenter de la réduire. « Les femmes combattent depuis longtemps la violence sexiste, le racisme, la traite à des fins d’exploitation sexuelle et la sexualisation des jeunes filles, tous étroitement imbriqués à l’univers de la prostitution, » déclare Michèle Roy, porte-parole du Regroupement québécois des CALACS et membre de la CLES. « Le mouvement québécois des femmes est quasi-unanime à refuser toute décriminalisation du proxénétisme et du racolage par les clients. Qu’est-ce qui autorise les auteurs du rapport à aller dans le sens inverse ? Ont-ils pour cela l’aval de leur parti ou de leurs électrices et électeurs ? »

En janvier 2007, un autre comité des Communes doit déposer à son tour un rapport sur la question de la traite des personnes au Canada. Plusieurs experts consultés ont fait état de liens étroits, partout dans le monde, entre le développement exponentiel de l’« industrie du sexe » et l’existence de la traite. Comment le gouvernement canadien pourra-t-il lutter contre la traite s’il décriminalise l’industrie de la prostitution, faisant ainsi du Canada une terre d’asile pour la traite à des fins d’exploitation sexuelle ?

Devoir de prudence

Avant qu’on apporte des changements de lois ou de politiques susceptibles d’impacts majeurs sur l’ensemble de la société, la CLES réclame un véritable débat public au sujet de l’exploitation sexuelle. Ce débat doit tenir compte des réalités mises en lumière par le rapport du sous-comité : problèmes de pauvreté, de racisme, d’agressions sexuelles et d’autres formes de violences, ainsi que de dépendances qui enferment actuellement trop de femmes et de jeunes dans un véritable esclavage sexuel. De même, les enjeux de la traite et les obstacles à l’immigration pour les femmes pauvres du Sud doivent être intégrés à la recherche de solutions équitables, fondées sur une protection véritable des personnes ciblées et exploitées par l’industrie du sexe.

Vouloir mettre fin à la prostitution est d’abord et avant tout une question de droits humains. La prostitution nie les principes d’égalité entre les sexes, entre les races et entre les classes sociales. Ce n’est pas un hasard si la très grande majorité des personnes prostituées dans le monde sont des femmes et des enfants, venant le plus souvent des couches sociales défavorisées et des pays les plus pauvres. Loin de considérer la prostitution comme inévitable, la CLES croit qu’un autre monde est possible, un monde libéré de la prostitution et de toutes formes d’exploitation sexuelle.

-30-

Pour plus d’informations :

Michèle Roy : 514-529-5252 ou 514 346-5252 ou la_cles@yahoo.com.

Nous pouvons vous mettre en contact avec les membres de la CLES.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 13 décembre 2006.



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la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES)
La CLES

Courriel : info@lacles.org



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