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samedi 16 décembre 2006


Le rapport majoritaire du sous-comité de la justice sur le racolage
Une attaque directe aux droits des femmes et du bonbon pour le crime organisé

par Maria Mourani, sociologue, criminologue et députée






Écrits d'Élaine Audet



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Lettre d’opinion personnelle

Dans leurs discours, dans leurs analyses ainsi que dans leurs travaux législatifs, les partis politiques québécois et canadiens doivent aborder les problèmes et les enjeux qui confrontent la société en défendant constamment le droit des femmes à vivre dans une société qui favorise prioritairement des rapports égalitaires et non violents entre les hommes et les femmes. Or, le rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne sur le racolage, rendu public aujourd’hui, ne tient pas compte de cette priorité fondamentale de la société québécoise et canadienne.

Pour accommoder et « protéger » une infime minorité de personnes qui auraient choisi marginalement de vendre leur corps, des députés tiennent un discours qui favorise l’acceptation de la prostitution, réduite à la simple vente de rapports sexuels en échange d’argent. Or, la prostitution est bien plus que cela. La prostitution est un système d’exploitation dont la majorité des victimes sont des femmes. Elle origine et favorise notamment des rapports inégalitaires et violents. Pouvons-nous accepter cela ?

Les personnes qui sont exploitées et qui n’ont pas vraiment choisi leur condition de prostituées (ce qui est le cas de la majorité) doivent pouvoir bénéficier de notre aide. Actuellement, elles n’ont pas d’aide et cela est un scandale ! Toutefois, il m’apparaît inacceptable que l’on puisse brader le droit des femmes à une société qui favorise l’égalité et la non violence pour protéger une très petite minorité de personnes qui auraient choisi de vendre leur corps. Ce « choix librement consenti », s’il existe, demeure le fait d’une minorité qui ne peut pas imposer à la société d’abandonner, dans ses lois et ses règles de vie collective, la défense des rapports égalitaires et non violents.

À titre d’exemple, je souligne deux affirmations que je considère inacceptables de la part des membres majoritaires du sous-comité de la justice sur le racolage.

« (...) les activités sexuelles entre adultes consentants qui ne nuisent pas à autrui, qu’il y ait échange d’argent ou non, ne devraient pas être interdites par l’État » (p. 98).

Ainsi, dans ce discours, on traite au même niveau les rapports sexuels égalitaires entre adultes consentants et le fait de marchander des activités sexuelles. Quelle banalisation ! N’oublions pas que la prostitution crée, d’abord et avant tout, des victimes.

« Contrairement aux autres partis, les conservateurs ne croient pas qu’il est possible pour l’État de créer des conditions d’isolement où le consentement à des relations sexuelles en échange d’argent ne nuit pas à d’autres ». (p. 99)

A contrario, les députés majoritaires du comité croient qu’il est possible de créer des zones ou des quartiers réservés à la prostitution.

Est-il possible de contrôler les activités du crime organisé et d’assurer le respect des droits de la personne dans ces zones ? Est-il possible de limiter ces activités à ces seules zones ? Rappelons qu’aux Pays-Bas, pays où la légalisation est la plus poussée, seulement 4% des personnes prostituées s’enregistrent auprès des autorités. De plus, en 1981, aux Pays-Bas, on estimait à 2 500 le nombre de personnes prostituées. En 2004, on en comptait 30 000. 80% de ces personnes étaient d’origine étrangère et 70% d’entre elles n’avaient même pas de papiers d’identité. En ce qui concerne les mineurs, selon l’Organisation des droits de l’enfant basée à Amsterdam, le nombre d’enfants exploités a augmenté de 11 000 depuis 1996, dont 5 000 seraient d’origine étrangère.

D’ailleurs, la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres du Parlement européen, dans son avis du 18 septembre 2006, reprend à son compte l’étude comparative, élaborée en 2004, par la London Metropolitan University. Ce rapport a démontré que la légalisation de la prostitution entraîne des abus sexuels d’enfants, de la violence contre les femmes ainsi qu’une hausse considérable de la traite. Cette commission conclut aussi que la légalisation de la prostitution facilite la demande et l’achat du sexe, y compris de victimes de traite, et recommande que les États reconnaissent que la réduction de la demande de la traite revêt une importance vitale.

Le discours des membres majoritaires du comité de la justice sur le racolage constitue du bonbon pour le crime organisé et les gangs de rue, car il est annonciateur de jours florissants pour leur business et la traite. Penser que le Canada puisse faire exception relève de la pensée magique.

Aussi, est-il temps d’envisager de suivre le chemin emprunté par la Suède. Il faut mettre en place un système qui pénalise l’achat de services sexuels et cesser de pénaliser les personnes prostituées qui sont d’abord et avant tout victimes d’un système qui les transforme en marchandise. Bien qu’imparfait, comme tout système, le modèle suédois m’apparaît le plus cohérent tant du point de vue criminologique que de celui des droits des personnes.

Maria Mourani, criminologue
Députée fédérale d’Ahuntsic
Porte-parole de la condition féminine pour le Bloc Québécois



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Maria Mourani, sociologue, criminologue et députée



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