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mercredi 13 décembre 2006

Ce que nous avons appris des effets de la prostitution de rue
Extrait du rapport du Sous-comité sur l’examen des lois sur le racolage, 2006






Écrits d'Élaine Audet



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La prostitution de rue comporte son lot de conséquences, peu importe l’endroit où elle se manifeste. Nous avons appris au cours de notre examen que c’est lorsque le phénomène pénètre les secteurs à vocation résidentielle que ses effets sur les collectivités semblent les plus nuisibles, et ce particulièrement pour les résidants contraints jour et nuit de vivre avec le phénomène. Les résidants de ces quartiers ont souvent peur et se sentent frustrés, tel que l’a noté lors de son témoignage une résidante de l’Alberta :

    Je vis dans une collectivité où des victimes sont privées de liberté et de sécurité. Les résidants, notamment des femmes et des enfants, qui exercent leur droit de marcher dans leur collectivité sont exposés au va-et-vient de clients, se font solliciter pour des activités sexuelles, voient des prostituées et des clients en train de s’adonner à des activités sexuelles dans des automobiles, à la vue de tous, des prostituées qui s’exposent de façon indécente, des seringues et des condoms usagés, et parfois des agressions ou des vols. Ils sont frustrés et ont peur (1).

Nombre de préjudices sont associés à la prostitution de rue. Pour les résidants des quartiers touchés par le phénomène surtout, mais aussi pour ceux qui les fréquentent et pour les commerçants qui y ont pignon sur rue, la prostitution de rue occasionne une augmentation du bruit qui est en lien avec l’intensification de la circulation routière et les altercations plus ou moins fréquentes entre les clients, les revendeurs de drogues et les personnes prostituées. Ces inconvénients sont d’autant plus agaçants pour les résidants que la prostitution de rue fonctionne à toute heure du jour et de la nuit.

Les condoms et seringues souillées jonchant les rues, les parcs, les cours d’école et même les terrains privés contribuent tout autant à rendre la coexistence des résidants, des commerçants et des personnes prostituées difficile (2). Plusieurs des résidants que nous avons rencontrés nous ont dit craindre les risques que posent les condoms et les seringues dans les lieux publics et privés pour leur santé et celle de leurs enfants. Pour éviter le pire, plusieurs ne laisseront pas leurs enfants jouer sur leur pelouse ni marcher pour se rendre à l’école ou encore à l’arrêt d’autobus.

Dans toutes les collectivités que nous avons visitées, nous avons pu observer que les femmes qui habitent et fréquentent les quartiers touchés par la prostitution de rue sont souvent harcelées par d’éventuels clients de la prostitution, ce qui constitue un élément additionnel qui alimente la peur et l’insécurité et qui a souvent pour conséquence de modifier leur façon d’agir, comme en témoignent les propos tenus par des résidantes de Montréal.

    [...l] a prostitution a un impact négatif très fort sur les femmes qui habitent et qui fréquentent ces quartiers. Les femmes qui sont dans un quartier où il y a beaucoup de prostitution de rue essaient d’être transparentes. Elles marchent la tête baissée, elles marchent vite et elles ne s’arrêtent pas. Cette façon de vivre n’est pas très intéressante (3).

    Être une femme dans un quartier où des prostituées racolent signifie marcher vite, baisser la tête, essayer d’être transparente. Quand je circule dans la rue, je fais bien attention de marcher vite et de regarder par terre, je n’ai pas envie de me faire embêter (4).

Ce problème de harcèlement se serait aggravé, selon certains témoins, suite à l’éparpillement des personnes prostituées, amenées, de plus en plus, à travailler loin l’une de l’autre afin d’éviter les arrestations. Étant plus difficilement identifiables, les clients confondraient plus souvent les passantes avec des personnes prostituées.

Il semblerait par ailleurs que certains hommes qui fréquentent des quartiers touchés par la prostitution ou qui y résident modifient eux aussi leur façon d’occuper l’espace par crainte de se voir harcelés par des personnes prostituées, bien que cette situation semble beaucoup moins fréquente que le harcèlement dont sont victimes les femmes qui habitent ou fréquentent les quartiers confrontés à la prostitution de rue. Un résidant nous a dit, par exemple, ne plus attendre sa femme dans la voiture pendant qu’elle faisait les courses depuis que des femmes s’étaient introduites à quelques reprises dans sa voiture pour lui offrir des services sexuels contre rémunération.

Pour les commerçants, la prostitution de rue a souvent pour conséquence une réduction de l’achalandage. Par crainte de se voir harcelées par des clients ou des personnes prostituées, ou encore après avoir été victimes de ce genre de harcèlement, des personnes choisiront de ne pas entrer dans les commerces ou préféreront d’autres commerces qui ont l’avantage de se trouver dans un endroit plus paisible.

Certains commerçants confrontés à la problématique de la prostitution de rue ont plus de difficultés à embaucher et à retenir leurs employés en raison de leur emplacement et beaucoup doivent sacrifier temps et argent pour assurer la propreté des environs, notamment en ramassant des rebuts comme les seringues et les condoms souillés (5).

Sur la base des témoignages que nous avons recueillis, il ressort que l’aspect le plus effrayant de la prostitution de rue est lié à la violence qui a cours dans le commerce de la drogue. Aux dires de plusieurs des témoins, les guerres de territoire entre les membres du crime organisé ou encore les gangs de rue, les bagarres entre les personnes impliquées dans la prostitution et les revendeurs de drogue ou encore les comportements bizarres et agressifs de certaines personnes sous l’effet des drogues contribuent énormément à nourrir la peur et l’insécurité des résidants, des commerçants et des passants. Voici ce que nous ont dit des témoins à ce sujet :

    [L]aspect le plus effrayant de la prostitution de rue réside dans les activités connexes liées à la drogue. Quand mes voisins regardent par la fenêtre et voient un sachet de drogue changer de main, ils craignent que les trafiquants les voient relever leur numéro de plaque et reviennent pour se venger (6). La prostitution et la drogue sont inextricablement liées. Les allées et venues des prostituées, de leurs clients et des narcotrafiquants rendent nos rues dangereuses. Vivre à côté d’une piquerie signifie devoir supporter cris et bagarres sur le trottoir jour et nuit. J’aimerais tous vous inviter un soir pour une ballade en voiture afin de suivre les clients qui se rangent sur le bord de la rue dès qu’ils voient une femme marcher dans la rue, peu importe son âge. C’est terrifiant, et beaucoup de femmes de notre communauté n’osent plus sortir quand il fait noir (7).

Le commerce du sexe est directement lié au trafic de la drogue, aux gangs de rue, aux vols et autres activités illégales. La violence que cela engendre constitue une menace pour les résidants et les commerçants, car nous sommes les victimes indirectes de ces activités. Tous les matins, les commerçants doivent ramasser devant leur commerce et dans les ruelles voisines les vestiges des activités de la veille : préservatifs, seringues, bouteilles vides (8).

Ces observations permettent de mieux comprendre la peur et l’insécurité ressenties par de nombreux résidants confrontés à la prostitution de rue et le fait que plusieurs hésitent à porter plainte à la police, comme en témoigne le mémoire déposé par l’Association des résidants et résidantes des faubourgs de Montréal :

    Les résidants et résidantes victimes de la prostitution de rue (outre les personnes prostituées elles-mêmes) hésitent à porter plainte, craignant les représailles du milieu prostitueur, réputé pour sa violence (9).

Notes

1. Cristina Basualdo, vice-présidente, Alberta Avenue Neighbourhood Patrol, témoignage devant le Sous-comité, 31 mars 2005.
2. Voir notamment le témoignage de Dennis St. Aubin, membre du comité d’organisation, Dickens Community Group, témoignage devant le Sous-comité, 30 mars 2005.
3. Agnès Connat, membre, Association des résidants et résidantes des faubourgs de Montréal, témoignage devant le Sous-comité, 16 mars 2005.
4. Association des résidants et résidantes des faubourgs de Montréal, mémoire déposé au Sous-comité, 16 mars 2005.
5. Voir, entre autres, le témoignage de Peter Rausch, directeur exécutif, Alberta Avenue Business Association, 31 mars 2005.
6. Shannon Ross Watson, témoignage devant le Sous-comité, 31 mars 2005.
7. Jeff Leiper, président de l’Association communautaire Hintonburg Inc, Ottawa, témoignage devant le Sous-comité, 23 mars 2005.
8. Peter Rausch, directeur exécutif, Alberta Avenue Business Association, témoignage devant le Sous-comité, 31 mars 2005.
9. Mémoire déposé au Sous-comité, 16 mars 2005.

(Fin de l’extrait du rapport du Sous-comité de l’examen des lois sur le racolage, 2006).

Mis en ligne sur Sisyphe, le 13 décembre 2006



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