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mardi 6 février 2007 La solitude est une bête à pleurer
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Tablier d’un pont dont on connaît à peine le nom. Les pieds dans le vide d’un temps à oublier, souffrance inconnue, ancienne, refoulée au fond d’une âme perdue dans un nuage, isolé parmi tant d’autres. Sauvage, un goût d’amertume scelle la bouche d’un monde qui marche sur cette jolie fleur, penchée un peu trop près d’un trottoir de centre-ville. Rouge, comme une borne-fontaine sur laquelle un chien lève la patte pour pisser. Le sang d’une vierge inconnue, pucelle dépucelée par un portefeuille bien garni et laissée pour compte sur la marche d’escalier d’un bidonville. Vierge dont on ne se rappellera jamais le prénom ni même le nom. La solitude est une bête à pleurer. Solitaire comme celui qui n’a jamais dormi sous une couette bien chaude. Deux mains en coupoles, quêteuses de présence, d’amour, d’attentions et de nourriture pour un corps amaigri, anorexique, squelettique. Une chandelle dans un coin, lumière pour l’âme de celle qui chante la complainte de l’ermite reclus sur une île, assez déserte pour n’être vu que par l’hirondelle de mer qui fait sa ronde après un repas bien arrosé d’eau-de-vie. La solitude est une bête à penser. Comme un saule qui pleure, l’enfance ravie par une main trop lourde appuyé sur un corps issu d’un utérus encore ensanglanté. Voici les yeux d’un ange, posés tel un bréviaire, sur le ventre d’un gamin en prière. Que l’aube se lève et marque ainsi le voile d’un silence de gamme. La solitude est une bête à traquer. Solitude des yeux qui, au-delà du monde, regardent au loin et cherchent les racines oubliées des enfants déracinés. Une jeune femme sur un banc, attend l’amant qui ne viendra pas. Dans un lit immense, se fondre dans les fleurs d’un drap bien trop froid pour qu’allume le feu des amours interdits. Secret bien gardé, caché sous des glaciers en pleurs. Solitude de l’âme qui remue ciel et terre pour trouver sa sœur, perdue quelque part entre les limbes et le néant. Seule avec soi, écouter le bruit, le murmure rassurant du ruisseau qui coule dans les veines de la terre. Marcher dans les bois hérissés, comme les poils sur un bras rempli d’émotion à faire rougir de plaisir. Faire un clin d’œil à la vie et poser le pied, pour la première fois, sur les berges d’un lac qui ne demande qu’à te prendre dans ses bras et t’avouer qu’il aime le monde par-dessus tout. La solitude est une bête à apprivoiser. Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 février 2007. |