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lundi 26 février 2007 Lettre au ministre de l’Éducation du Québec La prévention de la violence chez les jeunes
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Monsieur le Ministre, Vous annonciez récemment votre intention d’outiller les écoles du Québec pour contrer et prévenir la violence. Le sujet n’est pas neuf, il préoccupe les écoles de toute l’Amérique du Nord et de l’Europe. (1) Ne nous méprenons pas, la hausse de la violence chez les jeunes n’est pas causée par l’école, même si c’est là qu’elle se manifeste. C’est important de le rappeler car une certaine opinion publique a la gâchette facile quand il est question de condamner les jeunes ou les écoles. La violence physique et verbale a augmenté partout, y compris dans les écoles privées, les arénas et les lieux publics et privés. Ne l’oublions pas. Il faut se réjouir que notre ministre de l’Éducation ait commandé la production d’outils de prévention à l’intention des écoles. Il faut toutefois souhaiter que ces outils ciblent le problème à la source. Les chercheurs invoquent trois facteurs pour expliquer la hausse des troubles de comportement chez les enfants qui fréquentent les écoles primaires d’Amérique du Nord. Ces facteurs sont connus : structure familiale fragilisée, encadrement parental déficient et exposition massive à des divertissements violents. Au Québec, le nombre d’enfants aux prises avec ces troubles a crû de 300% entre 1985 et 2000 (15 ans). (2) Les trois mêmes facteurs ont aussi contribué à la hausse des crimes violents, alors que les crimes contre la propriété n’ont cessé de décroître. (3) Il y a lieu de s’inquiéter puisque le taux de criminalité violente des jeunes est maintenant le double de celui des adultes. Les parents modernes - pour diverses raisons - craignent qu’en incarnant l’autorité cela fera d’eux des parents autoritaires. Ils ne veulent pas frustrer leurs enfants. Or, tous les enfants ont besoin d’encadrement, c’est essentiel à leur santé mentale, que les parents soient séparés ou non. Au cours du dernier demi-siècle, le problème s’est trouvé amplifié et compliqué du fait qu’un nouveau parent s’est glissé dans nos foyers, un parent qui a utilisé les dernières connaissances en psychologie pour enseigner aux enfants à asticoter leurs parents, à les culpabiliser, à les manipuler. Pendant que les parents biologiques ont réduit à 38 minutes par semaine le temps consacré à converser avec leur enfant, les agences de marketing ont utilisé à fond le « nag factor » pour dénigrer l’autorité parentale, pour faire désirer des choses insignifiantes aux enfants, pour transformer ces désirs superficiels en besoins essentiels. Cela a nourri diverses pandémies telles que l’obésité, le déficit d’attention, la violence physique et verbale, pour ne nommer que celles-là. Ce nouveau parent - souvent déguisé en gardienne d’enfants - a réduit l’importance des parents biologiques aux yeux de leur progéniture et conquis une grande importance dans le cœur et l’esprit des enfants. N’oublions pas que ces derniers passent entre 20 et 30 heures par semaine rivés à la télé, aux jeux vidéo, à l’ordinateur. La violence utilisée dans les médias est un ingrédient de marketing puissant. Depuis 1994, les réseaux privés québécois ont augmenté les doses de 432%. On utilise la violence massivement pour abuser des enfants et des ados, particulièrement vulnérables à cet ennemi millénaire de l’humanité. Comment ces derniers peuvent-ils se protéger contre les effets de cet ingrédient si leurs parents et le personnel de nos écoles sont gardés dans l’ignorance des dommages subis et ne sont pas outillés pour les aider à développer leur sens critique et leur pouvoir d’empathie ? Les crimes violents des adultes canadiens ont augmenté de 400% au cours des 44 dernières années. Le lien entre la télévision et la criminalité existe-t-il ? Les jeunes d’aujourd’hui, pas plus que leurs parents, n’ont besoin de lapidation. Mais il reste que notre société doit leur venir en aide. L’heure est venue de revaloriser le rôle des parents et la responsabilité citoyenne des jeunes. Les outils en préparation par le ministre pourront-ils cibler le phénomène à la source ? Les caméras de surveillance, les détecteurs de métal, la présence policière à l’école, le vouvoiement, le durcissement des peines, toutes ces mesures ne sont pas des solutions. Au mieux, elles servent tout juste à gagner du temps. Notre jeunesse et nos écoles ont besoin d’une véritable politique nationale de prévention. Et cette politique passe, que cela plaise ou non, par une réduction de l’influence des divertissements électroniques sur les jeunes. (4) La population sent bien que la télé influence les jeunes, comme l’indiquent les sondages, mais sait-on à quel point ? Des chercheurs ont mesuré la corrélation entre l’exposition à la télé et le comportement violent et l’ont comparée. Cette corrélation est plus élevée que celle entre l’exposition à la fumée secondaire et le cancer du poumon, que celle entre l’exposition au plomb et l’activité cérébrale, que celle entre l’absorption de calcium et la masse osseuse, que celle entre les travaux scolaires et la réussite scolaire, que celle entre le port du condom et la non-transmission du VIH, que celle entre l’exposition à l’amiante et le cancer. Ces corrélations ont été répertoriées et comparées les Dr Doug Gentile et Craig Anderson de l’Université de l’Iowa et le Dr Brad Bushman de l’Université du Michigan. (5) Les jeux vidéo de type FPS (Qui est-ce qui va faire feu le premier ?) sont des simulateurs de meurtres. Ils représentent un chiffre d’affaires annuel de 10 milliards de dollars US. La moitié des élèves du 3e cycle du primaire s’y adonnent régulièrement. On a constaté que les jeunes affichent un comportement antisocial dès qu’ils cessent de jouer : augmentation de 43% des pensées agressives, hausse de 17% des réponses violentes à la provocation. Les jeux vidéo comptent pour 13 à 22% dans la hausse des comportements violents des adolescents. On peut se faire une idée de l’impact en comparant avec le tabac, qui compte pour 14% dans la hausse des risques de cancer. (6) Télé et criminalité Le Dr Frederick Zimmerman, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Washington, a découvert que les enfants qui passent 3 heures par jour devant la télé augmentaient de 25% les risques de devenir intimidateurs à 6 et 11 ans. « Regarder la télé ne signifie pas qu’on deviendra nécessairement intimidateur, mais que plus on en regarde, plus on augmente les chances de le devenir. » Dans une étude s’étalant sur une période de 17 ans, on a suivi 700 jeunes jusque dans leur vie adulte. On a mesuré la correlation entre le temps de visionnement durant l’enfance et les activités criminelles à l’âge adulte. On a découvert que les enfants qui passaient plus de temps devant la télé ont commis plus crimes à l’âge adulte que ceux qui étaient déjà plus violents en bas âge. (7) Le Dr Zimmerman a mesuré les probabilités chez 1 300 enfants. Il a constaté que chaque heure de télé à l’âge de 4 ans accroît de 9% les probabilités de devenir un tyran de la cour d’école 5 ans plus tard. (8) Il faut espérer que les outils préparés par votre ministère permettront de vulgariser ces données scientifiques et les rendront accessibles aux parents, aux ados et au personnes qui oeuvrent en milieu scolaire. On suggérait récemment une campagne publicitaire pour mettre en garde contre l’utilisation de la télé comme gardienne et expliquer comment améliorer l’encadrement parental ? C’est une excellente idée. Certainement aussi bonne que les campagnes en faveur du port de la ceinture de sécurité et contre la conduite en état d’ébriété. Adresse du ministre de l’Éducation Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport Sources
1. "School violence hits lower grades", USA Today, January 13, 2003. Jacques Brodeur, conseiller en Prévention de la violence, Éducation à la Paix, Éducation aux médias – Pour vous abonner au Bulletin EDUPAX diffusé gratuitement par courriel et qui vous informe des victoires citoyennes remportées contre le culte de la violence, écrivez à : Abonnezmoi@edupax.org. Mis en ligne sur Sisyphe, le 20 février 2007 |