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mardi 24 juin 2008 Le sexe dans les médias : obstacle aux rapports égalitaires
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La présidente du Conseil du statut de la femme, Mme Christiane Pelchat, a rendu public le 11 juin un avis du Conseil qui s’intitule Le sexe dans les médias : obstacle aux rapports égalitaires, dans lequel il fait une série de recommandations au gouvernement concernant la sexualisation de l’espace public. « Les médias véhiculent la conception d’une sexualité basée sur des rapports inégalitaires entre les femmes et les hommes. L’adolescence est une phase de construction identitaire, une période de changements et c’est à ce stade que les rapports sociaux de sexe prennent forme chez l’individu, ce qui le rend particulièrement réceptif aux modèles ambiants. Devant l’influence des médias et des modèles sexuels stéréotypés qui y sont propagés, c’est la construction de l’identité sexuelle des adultes de demain qui est en jeu », soutient la présidente du Conseil. Dans son avis, le Conseil examine la sexualisation de l’espace public sous l’angle de la sexualité égalitaire. Il fait la démonstration, à l’aide d’une recension de plusieurs études produites au Québec et ailleurs, que non seulement l’omniprésence de la sexualité dans les médias influence les comportements sexuels des jeunes, mais a une incidence sur leur conception de la sexualité. Trois constats ressortent du document :
Malgré les efforts consentis dans les dernières années pour lutter contre les stéréotypes sexuels et sexistes, les jeunes femmes et les jeunes hommes reproduisent un modèle de sexualité inégalitaire, car c’est ce modèle qui leur est bombardé par les médias depuis leur enfance. Dans ce modèle, la séduction et la sexualité sont une forme de pouvoir permettant aux filles d’obtenir ce qu’elles veulent, en répondant à tous les besoins et désirs des hommes et en laissant les leurs de côté. Quant aux hommes, le message qu’ils reçoivent est que leur sexualité est essentiellement physique, détachée de l’amour, basée sur la performance, et que le plaisir de la femme importe peu. « La sexualité telle qu’elle est véhiculée par les médias, n’est pas vécue dans un cadre de respect et de mutualité. Elle ne devrait pas s’exprimer dans un contexte de violence, de domination ou de contrainte. De plus, la recherche du plaisir réciproque, tant féminin que masculin, devrait faire partie intégrante d’une sexualité égalitaire », a déclaré Mme Pelchat. Publicité La publicité est omniprésente, comme l’a fait remarquer la sociologue Francine Descarries. Elle affirme que chaque personne vivant en Amérique du Nord est exposée à quelque 1 500 à 2 500 messages publicitaires par jour. Dans une recherche réalisée pour le Conseil du statut de la femme, on dit : « Qu’on le veuille ou non, la publicité véhicule un message idéologique. Elle propose - voire impose - des définitions des individus, des groupes et des relations sociales. La publicité marque l’inconscient aussi bien que le conscient, forge autant les préjugés que les croyances. Ce qui désigne la publicité, selon la spécialiste des médias Jean Kilbourne, comme l’un des agents de socialisation les plus puissants de la société pour nous dire qui nous sommes, qui nous devrions être et comment trouver le bonheur. Ainsi, la publicité participe à la construction des genres féminin et masculin. » Obsession de l’image corporelle L’apparence physique occupe une place fondamentale dans les préoccupations des jeunes - surtout des filles - au détriment d’autres sujets tels que la réussite scolaire ou leur santé. Parmi les diverses manifestations de cette préoccupation constante de l’image corporelle, on trouve un nombre croissant de troubles alimentaires. Parce qu’elles se comparent à l’idéal de beauté diffusé dans les médias, représenté par un corps mince et séduisant, sans imperfection et bronzé, les filles sont insatisfaites de leur propre corps. Ainsi, 55 % des filles de 15 à 19 ans veulent perdre du poids, et 35 % des filles de la quatrième année du primaire veulent faire de même. Pour une majorité de jeunes filles et garçons, avoir une belle apparence et porter de beaux vêtements est un élément clé de leur intégration sociale, car ce sont des facteurs de popularité importants. Violence Une sexualité égalitaire doit nécessairement être exempte de violence. Or, selon une étude de l’Institut de la statistique du Québec, on constate une hausse inquiétante de la violence conjugale chez les jeunes filles de 12 à 17 ans. Chez les filles ayant fréquenté un garçon durant l’année précédente, 34 % auraient vécu de la violence psychologique, 20 % de la violence physique et 11 % de la violence sexuelle. Il apparaît pertinent de relier la violence exercée dans les relations amoureuses des jeunes à l’omniprésence et à la banalisation de la pornographie dans les médias. Les jeunes exposés à ces modèles ne peuvent en effet demeurer insensibles à la normalisation de la violence qui y est présentée et tendent à reproduire ce qu’ils voient. ITSS Les spécialistes ayant étudié les messages sexuels présentés dans les médias indiquent que les préoccupations quant à la protection contre les infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) sont absentes. Encore une fois, les jeunes se collent au modèle transmis par les médias. En 2005, 26 % des adolescents actifs sexuellement ont déclaré n’avoir pas utilisé de condom lors de leurs dernières relations sexuelles. Ce qui mène à une hausse inquiétante des ITSS. Par exemple, de 2004 à 2007, le taux d’infection à gonocoque a augmenté de 250 % chez les adolescentes âgées de 15 à 19 ans. Quant à la chlamydia, l’infection à déclaration obligatoire la plus fréquente au Québec, le nombre de cas a doublé entre 1997 et 2004. Les femmes constituent les trois quarts des cas, les plus touchées étant les jeunes de 15 à 24 ans (72 % des femmes infectées se retrouvent dans cette catégorie d’âge). Recommandations Le Conseil émet dix recommandations à l’intention du gouvernement afin de promouvoir les rapports égalitaires entre les femmes et les hommes, de développer un esprit critique et de responsabiliser les acteurs. Le Conseil recommande notamment d’intensifier la lutte aux stéréotypes sexuels et sexistes, de mener une large campagne médiatique pour faire la promotion de rapports égalitaires, de resserrer les règles d’application des normes en matière de stéréotypes sexuels dont se sont dotés les diffuseurs et l’industrie de la publicité. La liste des recommandations se trouve en annexe du communiqué. « La recrudescence du stéréotype de la femme séductrice et objet sexuel est, comme le dit Francine Descarries, l’échec de la lutte du féminisme aux stéréotypes sexuels et sexistes. Cependant, on observe une diminution du lectorat des revues pour adolescentes et certaines jeunes, comme les filles du collège Mont-Notre-Dame à Sherbrooke, demandent que ces revues soient retirées de leurs écoles. Selon les jeunes consultés par le Conseil dans le cadre des travaux du Groupe de travail sur les jeunes, plusieurs vidéoclips véhiculent une image dégradante de la femme et la représentation des femmes dans les médias est souvent dévalorisante. Nous y voyons là un message d’espoir à l’effet que les jeunes, si on leur en donne la chance, peuvent développer un esprit critique et ainsi moins adhérer aux messages stéréotypés propagés par les médias », a conclu Mme Pelchat. – Vous pouvez consulter l’avis du Conseil ainsi que son résumé sur son site Internet. – Téléchargez le résumé du rapport : Les recommandations du Conseil du statut de la femme 1. Le Conseil recommande au gouvernement d’intensifier la lutte aux stéréotypes sexuels et sexistes. Les mesures du plan d’action et de la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes visant la promotion de modèles et de comportements égalitaires au regard de la sexualité et des rapports sexuels doivent être renforcées. 2. Le Conseil recommande au gouvernement de rendre permanent le comité de travail sur la promotion des rapports égalitaires et d’y intégrer la problématique de la sexualisation de l’espace public. 3. Le Conseil recommande au gouvernement de mener une large campagne médiatique par laquelle il ferait la promotion de rapports égalitaires entre les sexes. 4. Le Conseil recommande au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport d’exhorter le personnel enseignant à aborder la question de l’égalité entre les sexes dans le nouveau programme d’éthique et culture religieuse, tant au primaire qu’au secondaire, et ce, à l’aide des ressources qu’il met à sa disposition pour en soutenir l’appropriation. 5. Le Conseil recommande au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport d’encourager la prise en compte de la préoccupation de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’éducation à la citoyenneté, et ce, dès le primaire. 6. Le Conseil recommande au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport et au ministère de la Santé et des Services sociaux d’assurer une meilleure diffusion de l’information relative à la sexualité des jeunes destinée à leurs parents. 7. Le Conseil recommande au ministère de la Santé et des Services sociaux et au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport de soutenir des initiatives visant à informer les parents sur l’utilisation d’Internet. 8. Le Conseil s’engage à organiser un concours afin de promouvoir des images égalitaires dans différents véhicules médiatiques. 9. Le Conseil souhaite voir se resserrer les règles d’application des normes en matière de stéréotypes sexuels dont se sont dotés les diffuseurs et l’industrie de la publicité. 10. Le Conseil recommande à la ministre de la Condition féminine d’organiser des rencontres annuelles pour sensibiliser le milieu de la publicité au Québec aux effets des stéréotypes sexuels. – Lire aussi : "Lettre à la ministre Christine St-Pierre - Ne laissez pas l’ignorance saper les acquis des Québécoises", par Micheline Carrier et Élaine Audet Mis en ligne sur Sisyphe, le 12 juin 2008 Lire aussi "Le féminisme en string", par Rima Elkouri, La Presse, 10 juin 2008. |