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dimanche 15 mars 2009

La maternité, une question politique

par Le Collectif Emma Goldman






Écrits d'Élaine Audet



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Des jeunes féministes de la région, qui ont participé au Rassemblement pancanadien « Toujours Rebelles » en octobre dernier, ont lancé un appel à la mobilisation lors de la Journée internationale des femmes. La marche « La clé de ma maternité : ma liberté de choisir » vise à revendiquer une maison de naissance au Saguenay Lac-Saint-Jean. Les jeunes féministes de la région souhaitent affirmer le droit des femmes de choisir les modalités de leur accouchement. Plus largement, dans un contexte où le droit à l’avortement a encore une fois été insidieusement remis en cause avec le projet de loi C-484 et où le corps des femmes est plus que jamais objet de commerce, c’est haut et fort que des jeunes féministes prennent d’assaut la rue pour scander la nécessité pour les femmes de se réapproprier entièrement leur corps.

Si l’on exige cette réappropriation, c’est que dans notre perspective le système patriarcal structure la société de telle sorte qu’il y a appropriation collective des femmes par les hommes. Cette appropriation se matérialise à travers les lois, les institutions, les structures et les valeurs qui organisent la société. (1) Dans ce contexte, l’objectivation du corps des femmes est le processus par lequel ces dernières sont réduites à un objet, à une marchandise. Cette objectivation permet aux hommes, en tant que classe, de s’approprier les femmes à travers le contrôle - partiel ou entier - de la maternité, de la sexualité, des représentations de la féminité et du travail non rémunéré. Aujourd’hui, les exemples les plus frappants de l’objectivation du corps des femmes et de sa marchandisation sont, par exemple, la prostitution, l’esclavage sexuel ou encore la pornographie.

En matière de maternité, les conditions des Québécoises, au terme de nombreuses luttes féministes, se sont grandement améliorées. Nous n’avons qu’à penser au fait que les femmes ont maintenant accès à la contraception, qu’elles ont la possibilité de mettre un terme à des grossesses non désirées et que la pratique des sages-femmes est désormais légale. Néanmoins, le parcours des femmes pour se réapproprier entièrement leur corps en regard de la grossesse et de l’accouchement demeure pavé d’embûches. Tant que les femmes n’auront pas la possibilité de décider de façon autonome et éclairée de la manière dont elles souhaitent vivre leur grossesse et leur accouchement, des limites importantes se poseront à elles quant à la réappropriation collective de leur corps.

Actuellement, les femmes du Saguenay Lac-Saint-Jean sont contraintes de vivre leur grossesse et leur accouchement dans le cadre du système hospitalier. Aucune alternative réelle ne s’offre à celles qui désirent être accompagnées par une sage-femme et accoucher dans un lieu qu’elles ont choisi. Pourtant, un grand nombre de femmes sont rebutées à l’idée d’accoucher à l’hôpital, un milieu aux tendances déshumanisantes où l’accouchement est souvent appréhendé comme une maladie que seul des experts de la santé peuvent « traiter ». Lorsque ce ne sont pas des impératifs économiques soumis à la logique capitaliste qui guident les décisions des médecins et des gestionnaires de la santé, c’est une logique bureaucratique aussi violente.

À titre d’exemple, en Montérégie, alors qu’un groupe de citoyens, le Mouvement Maison de naissance Montérégie, réclame l’accessibilité aux services des sages-femmes depuis plus de 2 ans, la pénurie d’infirmières qui sévit entraîne une hausse des césariennes dites « préventives », une intervention majeure que des motifs administratifs ne peuvent absolument pas justifier. (2) Cette situation est inacceptable ! Accoucher est un processus physiologique normal. Environ 8 femmes sur 10 vivent une grossesse qui n’exige pas d’intervention spécifique et un accouchement sans complication. Que des femmes souhaitent donner naissance de manière naturelle dans un lieu qui respecte leur intimité, où elles se sentent plus en confiance, où leur famille fait partie intégrante de toutes les étapes du processus, et où elles peuvent partager le savoir sur cette expérience névralgique de leur vie, ne devrait même pas être sujet à débat.

En ce sens, le comité Maison des naissances 02 travaille assidument depuis 2006, en « collaboration » avec l’Agence régionale de la Santé et des Services sociaux du Saguenay Lac-St-Jean, pour implanter une maison de naissance sur notre territoire. En plus, il semblerait qu’il y ait une réelle « volonté politique ». En effet, la nouvelle Politique de périnatalité, sortie officiellement en juin 2008, prévoit dans ses orientations l’ouverture de 13 nouvelles Maisons des naissances afin que, d’ici 10 ans, les sages-femmes puissent assurer le suivi périnatal et assister l’accouchement de 10% des femmes enceintes sur tout le territoire du Québec. (3) Devant ces constats, pourquoi y a-t-il toujours tant de résistance pour obtenir une Maison des naissances dans notre région ? Les femmes ne devraient-elles pas pouvoir décider, suivant le principe fondamental que la grossesse et l’accouchement sont des expériences qui leur appartiennent, comment elles veulent vivre leur expérience de la maternité ?

La mainmise du système médical sur la maternité, la professionnalisation du suivi des grossesses et la médicalisation des soins sont des moyens qu’utilise le patriarcat, à travers les institutions médicales, pour maintenir son pouvoir sur les femmes. « Au Québec, l’histoire de la dépossession des femmes de leur accouchement est directement liée à sa médicalisation et remonte à plus de 100 ans. Les médecins se sont appropriés l’événement en faisant la promotion de ses dangers et de la nécessité de se réserver des actes professionnels pour traiter cet événement physiologique spécifique des femmes ». (4) Dans ces circonstances, les principales concernées se voient confisquées un précieux savoir sur leur propre corps en même temps qu’une partie importante de leur autonomie en regard de leur maternité et de leur santé. À titre d’exemple, le Groupe MAMAN (Mouvement pour l’autonomie de la maternité et l’accouchement naturel) constate un manque de transmission générationnelle ayant notamment pour conséquence de créer chez les futures mamans un climat d’insécurité face à l’accouchement ainsi qu’un manque de connaissance des jeunes mères par rapport à l’allaitement. (5)

Les différents interlocuteurs du système de santé mettent souvent de l’avant des raisons de sécurité pour les femmes et les nouveau-nés afin de freiner l’avancement des démarches pour l’implantation d’une Maison des naissances où ce sont les femmes, les familles et les sages-femmes qui occupent des rôles déterminants. (6) N’y a-t-il pas là, précisément, dans cette volonté de protéger femmes et nouveau-nés la reproduction d’un système de valeurs paternalistes qui contribuent au maintien du système patriarcal ? Or, nous soutenons que ce qui fait réellement peur aux médecins et aux gestionnaires du système de santé ainsi qu’à leurs collaborateurs de l’industrie pharmaceutique, c’est davantage la remise en question de l’ordre social patriarcal et capitaliste établi.

Plusieurs seront étonnés de constater que ce que dénoncent et revendiquent les jeunes féministes du Saguenay Lac-Saint-Jean à travers le slogan « La clé de ma maternité : ma liberté de choisir » n’est pas si différent des idées que contenaient le slogan des féministes des années soixante-dix et quatre-vingts : « Mon corps m’appartient ! ». Rappelons-nous le principe fondamental que la grossesse et l’accouchement appartiennent aux femmes et que par conséquent elles doivent avoir le droit de choisir les modalités de leur grossesse et de leur accouchement. Ce principe représente une revendication féministe historique parce qu’il est une condition sine qua non pour mettre fin aux rapports sociaux hiérarchiques entre les sexes. Les luttes des jeunes féministes s’inscrivent donc dans un esprit de continuité avec celles des générations précédentes en même temps qu’elles cherchent à marquer l’histoire à leur manière selon leurs préoccupations spécifiques et leurs visions du monde. Force est de constater qu’il reste encore du chemin à parcourir pour atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes. Tant que les femmes ne seront pas arrivées à une entière réappropriation de leur corps à tous les égards (maternité, sexualité, travail), les féministes ne seront pas au bout de leurs luttes. D’hier à aujourd’hui, peut-être que les mots changent et que les champs de batailles se transforment, mais les objectifs restent les mêmes : comme le scandaient les jeunes féministes du Rassemblement pancanadien « Toujours Rebelles » lors de l’adoption de leur manifeste : « Patriarcat Ya Basta ! ».

« Il n’y aura pas de révolution sans libération des femmes. Il n’y aura pas de libération des femmes sans révolution. »

Notes

1. Louise Borssard, « Le discours masculiniste sur les violences faites aux femmes : une entreprise de banalisation de la domination masculine », dans Blais, Mélissa et Dupuis-Déri, Françis, Le mouvement masculiniste au Québec. L’antiféminisme démasqué, Montréal, Éditions du remue-ménage, 2008.
2. Groupe MAMAN
3. Politique de périnatalité 2008-2018, Santé et Services sociaux Québec.
4. Groupe MAMAN.
5. Groupe MAMAN document PDF.
6. Groupe MAMAN.

Source : Geneviève Larouche, Collectif Emma Goldman

Mis en ligne sur Sisyphe, le 8 mars 2009



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