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vendredi 15 mai 2009 Marilyn French : nommer l’oppression des femmes 21 novembre 1929 - 2 mai 2009
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J’ai appris avec beaucoup de tristesse la mort soudaine de la romancière et essayiste féministe Marilyn French. Il y a à peine quelques semaines, je m’étais inquiétée à son sujet, les médias parlant rarement d’elle. Ainsi, j’ai appris avec joie qu’elle avait réussi à vaincre un cancer de l’œsophage diagnostiqué incurable. Elle a raconté cette lutte dans A Season in Hell : A Memoir (1998). Toujours aussi radicale, French travaillait sur The Love Children qui sera publié à l’automne. Véritable scandale, qui en dit long sur l’antiféminisme actuel, son avant-dernier roman, Au nom de l’amitié (2006), n’a pu trouver d’éditeur aux États-Unis. En 2006, une petite maison d’édition féministe néerlandaise décidait de le publier et, contre toute attente, le public lui a réservé un excellent accueil. Comme les 20 millions de personnes qui en ont fait le plus grand succès féministe de librairie, avec Le Deuxième Sexe (1949), j’ai été marquée par Toilettes pour femmes (1978), sa description de la vie des ménagères de banlieue et de la révolte des premières militantes féministes dans les universités américaines. Si ce livre a connu un tel succès, c’est qu’elle a su mettre en mots le sentiment d’isolement, de dépression, de colère ressenti par les femmes sans pouvoir l’exprimer et en faire une force de libération. Je considère l’immense recherche intitulée La fascination du pouvoir (1985) un livre indispensable que je continue à consulter régulièrement, tout comme l’essai La guerre contre les femmes (1992) dont la vision réaliste et sans compromis qu’elle donne des rapports de domination hommes/femmes en a choqué plusieurs. Dans son introduction, elle résume ainsi les quatre parties de ce livre : "La première partie concerne la guerre des systèmes contre les femmes, lésées par une hiérarchie internationale et des systèmes religieux qui ne peuvent être mis à bas par une simple action individuelle. […] La seconde partie, surtout centrée sur les États-Unis, concerne la discrimination institutionnelle. Là aussi, tous les efforts sont mis en œuvre pour priver les femmes de l’auto-suffisance économique, de l’accès aux décisions politiques et de la libre disposition de leur propre corps. […] La troisième partie offre des exemples de la haine des femmes dans la culture, le langage et les arts. […] La quatrième partie traite des agressions contre le corps des femmes dans la vie quotidienne et domestique." Et Marilyn French écrit sur la quatrième de couverture : "Selon une croyance largement répandue, l’humanité est passée d’un état de ’sauvagerie’ où les hommes des cavernes traînaient les femmes par les cheveux à une « civilisation » où ils leur ouvrent galamment les portes. En réalité, c’est plutôt l’inverse qui s’est produit. Guerre religieuse relayée par les États avec pratique de la mutilation génitale, de l’infanticide des filles ; exploitation dégradante dans la publicité, le langage et les arts ; agressions contre le corps des femmes dans la vie quotidienne ... La longue guerre des hommes contre les femmes prend aujourd’hui une férocité et une ampleur sans précédent. Face à cette situation, les femmes exigent d’être traitées comme des êtres humains possédant des droits. Elles réclament que les hommes ne puissent plus se sentir libres de les frapper, de les violer, de les mutiler et de les tuer en toute impunité. Une espèce peut-elle espérer survivre lorsqu’une moitié de ses membres agresse systématiquement l’autre ?" Érudite et penseuse de premier plan, Marilyn French a été la première femme nommée professeure titulaire à Harvard. Elle a notamment publié en français Toilettes pour femmes (Laffont, 1978). Les Bons Sentiments (Acropole, 1980) et La Fascination du pouvoir (Acropole, 1986). Elle a consacré sa vie et son oeuvre à nommer sans détours l’oppression des femmes. Après la mort précoce d’Andrea Dworkin et celle de la Québécoise Hélène Pedneault, c’est une autre dure perte pour les féministes. Bibliographie sélective – The Book as World : James Joyce’s Ulysses (1976)
Mis en ligne dans Sisyphe, le 4 mai 2009. |