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vendredi 15 mai 2009 J’accuse la FFQ de trahir le combat des femmes
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La Fédération des femmes du Québec tenait le 9 mai, à Québec, une assemblée générale "spéciale" pour approuver une proposition de son Conseil d’administration demandant à l’État québécois d’accepter les signes religieux ostentatoires pour les employé-es de la fonction et des services publics. La proposition a été adoptée. L’auteure de Ma vie à contre-coran, Djemila Benhabib, a assisté à cette rencontre à titre d’observatrice et elle nous livre ici sa réaction.
Fortement épaulée par des représentantes du Conseil islamique canadien et de Présence musulmane, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) vient d’adopter une résolution banalisant le port du voile islamique dans les institutions publiques québécoises, lors d’une assemblée générale spéciale qui s’est déroulée à l’Université Laval, le 9 mai dernier, et à laquelle j’ai assisté en qualité d’observatrice. Il y a des alliances et des prises de position qui minent les principes. Avec cette dernière, la crédibilité de la FFQ est sérieusement entachée. Pour une poignée de militantes islamistes, la FFQ a sacrifié des millions de femmes musulmanes qui se battent au péril de leur vie. Aujourd’hui, il n’y a qu’un verbe qui me tourne en boucle dans la tête : j’accuse ! J’accuse la FFQ de trahir la lutte historique des femmes d’ici pour se débarrasser de l’hégémonie de l’Église catholique. J’accuse la FFQ de mettre un bâillon (encore un !) sur la bouche de toutes celles qui, dans le monde, subissent dans leur chair la barbarie des régimes oppressifs musulmans qui les obligent à porter ce linceul de la mort. J’accuse la FFQ de compromission avec des mouvements politiques des plus rétrogrades tels que le Conseil islamique canadien qui a mené une campagne acharnée pour l’instauration des tribunaux islamiques en Ontario ou, encore, Présence musulmane qui fait la promotion des thèses de Tarik Ramadan qui prône un "moratoire" sur la lapidation des femmes adultères, un châtiment préconisé par la charia islamique. Un moratoire… ??? Le 28 février 1994, Katia Bengana, une jeune lycéenne de 17 ans, fut sauvagement assassinée par le Groupe islamique armée (GIA) qui avait imposé aux femmes de mon pays, l’Algérie, l’obligation de porter le voile islamique. Katia était de cette trempe de femmes qui ne courbent pas l’échine et c’était en connaissance de cause qu’elle sortit de chez elle la tête nue. Ce jour-là, j’ai compris qu’être femme avait un prix. J’avais 21 ans. Alors qu’à cet âge en général, on rêve de mille et une fantaisies, moi, je ne rêvais que de sauver ma peau. Ce jour-là, j’ai compris aussi que le combat pour la liberté et l’émancipation des femmes était l’un des plus périlleux. Cependant, j’étais loin de m’imaginer que cet engagement, aussi ardu soit-il, allait être aussi solitaire. Le 9 mai dernier [à l’Assemblée générale de la FFQ], lorsque j’ai rappelé l’assassinat de Katia et celui de Aqsa Parvez à Toronto, cette jeune fille de 16 ans assassinée par son père le 11 décembre 2007 parce qu’elle refusait le port du voile islamique, on me signifia que mon combat était émotif. Certaines participantes m’ont même accusée de venir me faire du capital politique. C’est bien étrange, mais personne ne fit la même remarque à des participantes du NPD et de Québec solidaire candidates aux dernières élections. Personne ne trouva rien à dire quant à la participation de Présence musulmane ni à celle du Congrès islamique canadien. Bref, personne n’était là pour des raisons politiques… sauf moi. A ma grande surprise, très peu de temps a été consacré à débattre des questions de fond tels que la portée et la signification du voile islamique, la laïcité, les droits et les devoirs des commis de l’État et la situation des femmes dans le monde. Sur ce chapitre, heureusement que trois femmes iraniennes ont rappelé le cauchemar que vivent leurs compatriotes depuis l’imposition du voile islamique par Khomeiny et sa révolution islamique en 1979. Bien qu’il ait été beaucoup question des femmes arabo-musulmanes lors de cette rencontre, seule la propagande des femmes islamistes dominait. Quel bel exemple de diversité et de pluralité ! C’est à croire que la pensée unique est devenue la norme à la FFQ. Quelle tristesse… Combien de Aqsa Parvez faudra-t-il encore pour qu’enfin la FFQ comprenne que la bataille pour la liberté se déroule aussi, ici même, dans notre pays au sein de nombreuses familles musulmanes ? Que vaut le sang de ces jeunes filles et de ces femmes ? Pour la FFQ, certainement pas grand-chose… Djemila Benhabib est l’auteure auteure de Ma vie à contre-coran. Mis en ligne sur Sisyphe, le 11 mai 2009 Lire aussi : |