L’association Femmes sous lois musulmanes (WLUML), solidarité internationale, est profondément inquiète de la Résolution des Nations Unies sur le "Combat de la diffamation des religions". Le 18 décembre 2007, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté cette résolution recommandée par son troisième comité (social, humanitaire et culturel), après une longue campagne de l’Organisation de la Conférence islamique (OIC), qui a une délégation permanente aux Nations Unies. En mars 2009, le Conseil des droits humains de l’ONU a entériné la résolution, qui appelle à la création de lois dans les États membres pour empêcher la critique de la religion. Bien qu’elle fasse spécifiquement mention de l’Islam, les lois pourraient être appliquées à toutes les religions et formes de croyance. Vingt-trois (23) pays membres du Conseil des droits humains ont voté en faveur de la résolution, 11 s’y sont opposés et 13 se sont abstenus.
Avant le vote, des centaines de médias laïques et religieux, des groupes de femmes et d’autres groupes du monde entier ont appelé le Conseil, à Genève, à rejeter les propositions qui ont été introduites par les 56 pays de l’OIC. Des groupes de la société civile ont exprimé que la Résolution "combattant la diffamation de la religion" pourrait être utilisée dans certains pays pour réduire au silence et intimider des défenseurs des droits humains, des minorités religieuses et des dissidents, et d’autres voix indépendantes. En fait, cette résolution a le potentiel de réduire considérablement les libertés d’expression, de discours, de religion et de croyance. Le point 12 qui "souligne la nécessité de combattre la diffamation des religions par une stratégie et une harmonisation des actions aux niveaux local, national, régional et international par l’éducation et une sensibilisation accrue", peut être utilisé pour réduire au silence des voix progressistes qui critiquent les lois et les coutumes qu’on prétend basées sur des textes et des préceptes religieux. De plus, cette résolution aura un effet désastreux sur des lois nationales dans différents pays qui ont déjà stipulé qu’ils ne respecteront les traités internationaux que s’ils ne portent pas préjudice à des lois dérivant de l’Islam.
Femmes sous lois musulmanes soutient que cette Résolution n’a pas sa place dans le droit international parce que seuls des individus – et non des concepts ou des croyances – peuvent être diffamés. Après avoir rencontré, le rapporteur spécial de l’ONU pour la liberté d’expression, Frank Larue, le 9 décembre, à Athènes, le représentant de l’OSCE sur la Liberté des médias, Miklos Haraszti, la rapporteure spéciale sur la liberté d’expression de l’OAS, Catalina Botero, et la rapporteure spéciale sur la
liberté d’expression et l’accès à l’information de l’ACHPR (Commission africaine sur les droits humains et des peuples) ainsi que Faith Pansy Tlakula ont émis un communiqué conjoint sur la diffamation des religions et sur la législation anti-terroriste et anti-extrémiste. Ils déclarent :
« Le concept de "diffamation des religions" ne s’accorde pas aux
dispositions internationales concernant la diffamation, qui se réfèrent à la protection de la réputation d’individus, alors qu’on ne peut pas dire que les religions, comme toutes les croyances, aient une réputation en soi. »
Les droits humains sont inaliénables et indivisibles. Une résolution qui pourrait être utilisée pour empêcher tout débat constructif, toute critique ou expression créative, a le potentiel de restreindre gravement les droits des membres les plus vulnérables de la société, y compris les femmes et des membres de communautés religieuses, sexuelles, ethniques minoritaires.
Cette Résolution ne servira en rien à contrer le racisme envers les musulmans ni leur singularisation. Ceux qui soutiennent cette Résolution sont en train d’utiliser la discrimination très réelle à laquelle sont confrontées les minorités à cause de leur religion et leur identité ethnique pour mettre gravement en péril les droits de communautés minoritaires, mais aussi majoritaires, la liberté d’expression et de croyance et de non-croyance, le droit de réinterpréter les textes et les lois religieuses, et la liberté d’exprimer leur sexualité. Droits et libertés que leur reconnaît le droit national et international, sans devoir craindre de répression ou de punition.
La Coalition internationale des femmes défendant les droits humains, dont la WLUML fait partie, a proclamé dans sa déclaration de la Journée des femmes 2009 : « Nous insistons sur l’importance du travail effectué par des femmes qui défendent les droits humains pour documenter, suivre de près et apporter une protection à ceux qui subissent des attaques à cause de leur religion ou leur croyance ainsi que l’exercice de leur droit à la libre expression. Nous considérons ces deux droits comme interdépendants et se renforçant mutuellement et constatons que les tentatives pour les limiter sur la base de "diffamation de la religion" saperont les dispositions existantes et gêneront le travail des défenseurs en légitimant les attaques ciblées dirigées contre eux. »
Adopter cette Résolution revient effectivement à placer hiérarchiquement la doctrine religieuse au-dessus des droits de l’individu. Comme la protection des droits humains fondamentaux est au centre des préoccupations stipulées dans la mission et le mandat des Nations Unies, nous exigeons que la résolution pour "combattre la diffamation des religions" soit abrogée et que les droits à la liberté d’expression et de croyance soient maintenus et défendus par les décideurs politiques et les gouvernements nationaux.
Femmes sous lois musulmanes.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 19 mai 2009