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mardi 23 juin 2009 Iran – Coup d’État du pouvoir islamique contre son propre peuple
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Après des jours de grandes manifestations en appui au candidat Moussavi, dont une mer humaine de vingt kilomètres de long, avec la participation record de 85% de la population au scrutin, le pouvoir islamique a proclamé la victoire du président sortant, Mahmoud Ahmadinejad, deux heures après la fermeture des bureaux de scrutin, en s’appuyant sur le dépouillement de seulement 20% des bulletins de vote. Moussavi dénonce rapidement de nombreuses irrégularités lors du vote (manque de bulletins, plume dont l’encre se dissout, etc.). Après avoir appris que le ministère de l’Intérieur lui retirait la victoire qu’il lui avait déjà attribuée, Moussavi demande instamment au guide de la révolution, Ali Khamenei, détenteur suprême du pouvoir, de vérifier le dépouillement du vote. Moins de 24 heures plus tard, celui-ci annonce que le comptage est terminé et déclare officielle et irrévocable l’élection de Mahmoud Ahmadinejad, avec 62,63% des voix. Une telle précipitation constitue en soi une irrégularité parce qu’elle viole les conditions requises par la Constitution iranienne qui prévoit un délai de trois jours avant l’annonce définitive des résultats électoraux, afin de pouvoir recueillir d’éventuelles plaintes d’irrégularités. La répression ne tarde pas à se faire sentir. Les locaux de M. Moussavi sont saccagés, on interrompt la transmission des messages textes, des téléphones cellulaires et des serveurs Internet dans tout le pays, on interdit des journaux dont celui que dirige Mir Hossein Moussavi. Les université sont fermées. Les forces de sécurité se répandent en grand nombre dans les rues. Des barrières et des gardes armés protègent le ministère de l’Intérieur et menacent de tirer sur la foule. Des haut-parleurs demandent à la population de s’unir derrière le gagnant. Mentir effrontément à la face du monde Contrairement aux élections précédentes, on n’a pas attendu le dépouillement des votes dans toutes les provinces avant de proclamer, contre toute vraisemblance, la "victoire écrasante" du candidat de l’establishment clérical au premier tour. Le dépouillement des quelque 40 millions de bulletins de votes à une vitesse record au ministère de l’Intérieur, en l’absence de tout représentant des partis de l’opposition ou d’observateurs étrangers, constitue sans doute l’irrégularité la plus flagrante. Mahmoud Ahmadinejad prétend qu’on ne peut falsifier une telle avance, mais le gouvernement de la République islamique prouve le contraire en montrant qu’on peut frauder globalement une élection. Il suffit d’oser mentir effrontément à la face du monde sur le pourcentage de voix recueillies par le gagnant et réclamer d’être cru sur parole, sans aucune possibilité de vérification des boîtes de scrutin. Roger Cohen, du New York Times, raconte qu’un homme à l’emploi du ministère de l’Intérieur depuis 30 ans lui a montré sa carte d’identité en affirmant que les votes n’avaient jamais été comptés. On a simplement décidé du pourcentage qu’on accorderait au président sortant et à ses adversaires (1). La victoire d’Ahmadinejad n’est pas plus plausible en Azerbaidjan, province d’origine de M. Moussavi, qu’au Lorestan où est né l’autre candidat réformateur, M. Karroubi, étant donné les appuis publics massifs qu’ils y ont reçus durant la campagne. Les résultats dans les villes sont tout aussi douteux à la lumière des intentions de vote exprimées et des résultats des candidats réformateurs lors des dernières élections. Quant au vote des régions rurales, attribué généralement à M. Ahmadinejad, il représente à peine 30% et ne saurait justifier cette "victoire écrasante". Des milliers de personnes bravent la répression Dès l’annonce des résultats falsifiés, des milliers de personnes, surtout des femmes et des jeunes, descendent dans les rues. Elles réclament qu’on leur rende leur vote, dénoncent le vol des élections et le coup d’État du pouvoir. Les jeunes en bas de 30 ans, qui constituent 70% de la population, en ont assez de la répression religieuse et veulent un avenir ouvert. Les femmes affrontent le régime islamique depuis des années et plusieurs d’entre elles continuent à être emprisonnées, battues, fouettées pour avoir réclamé le respect de leurs droits. Les bassijis, milices paramilitaires en civil, à pied ou en moto, armés de barres de fer, de chaînes et de bâtons de baseball pourchassent et frappent les contestataires. Les policiers anti-émeutes matraquent la foule, tirent en l’air (on parle d’un mort), utilisent des gaz lacrymogènes et effectuent près de 200 arrestations. Ils harcèlent, expulsent et arrêtent aussi des journalistes dont ils détruisent le matériel, rapporte CNN. En conférence de presse, dimanche le 14 juin, Ahmadinejad a refusé de répondre à la question d’une journaliste sur la sécurité de Moussavi, qui n’a pas été revu depuis la fermeture des bureaux de votes vendredi. Des rumeurs courent à Téhéran selon lesquelles il aurait été arrêté, ainsi que plusieurs leaders politiques connus. Pour d’autres, il serait gardé en résidence surveillée. Son site Internet affiche toutefois une lettre où il demande au Conseil des gardiens de la Constitution d’annuler les résultats du vote qui ne reflètent pas la réalité, selon les nombreux témoignages recueillis à travers le pays, et demande à ses partisan-es de continuer à protester pacifiquement. Les réformateurs sont devant un choix déchirant : s’ils reculent, ils perdront toute crédibilité, s’ils persistent dans l’affrontement, ils risquent un bain de sang. En dépit de l’interdiction de manifester et des appels au calme de leur dirigeant, plusieurs centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues, lundi le 15 juin, et M. Moussavi a pu s’adresser à la foule. Le guide suprême de la révolution vient aussi d’annoncer que le Conseil des gardiens de la Constitution ferait enquête sur les résultats du scrutin. Outre l’appui de l’ex-président Khatami, d’Ali Akbar Hashemi Rafsanjani, un des plus puissants fondateurs de la République islamique, Moussavi dispose désormais de l’appui des 27 membres modérés du Conseil du Clergé Combattant qui a émis un communiqué dans lequel il reconnaît la falsification des résultats électoraux et déclare que "si un tel procédé devient la norme, le caractère républicain du régime sera entamé et le peuple perdra confiance dans le système" (2). Le pire scénario pour Obama L’arrogance d’une fraude électorale d’une telle envergure est le pire scénario pour Obama qui s’est engagé à dialoguer avec le gouvernement iranien. Il n’a fait aucun commentaire, au moment où j’écris cet article, et ses porte-parole montrent une extrême prudence. La secrétaire d’État, Hillary Clinton, a dit espérer que les résultats du vote reflètent "la volonté véritable et les désirs du peuple iranien". Le vice-président Joe Biden a estimé pour sa part que "vu la façon dont ils répriment la liberté d’expression, la façon dont ils répriment la foule, la manière dont les gens sont traités, il y a de vrais doutes sur la légitimité de la réélection du président sortant. Toutefois, nous n’avons pas assez de faits pour établir un jugement définitif". Les manifestant-es demandent à Obama de ne pas reconnaître les résultats de ces élections frauduleuses. Pour sa part, Le ministre des Affaires étrangères du Canada, Lawrence Cannon, a déclaré qu’il était "très préoccupé" par les allégations de fraude et d’actes "d’intimidation" lors du scrutin en Iran. Beaucoup d’Iranien-nes considèrent qu’ils se sont fait voler une révolution en 1953 avec le coup d’État du Chah contre Mossadeq qui voulait nationaliser le pétrole et, une deuxième fois, lorsque les mollahs ont confisqué à leur seul profit la révolution de 1979 contre le régime du Chah. Leur volera-t-on encore une fois leurs aspirations à la liberté, à la démocratie et à l’égalité des sexes pour lesquelles ils n’ont cessé de lutter depuis 30 ans, souvent au prix de leur vie ? Un espoir qui ne saurait se réaliser pleinement sans la séparation de l’État et de la religion. On peut exprimer notre solidarité avec le mouvement iranien de contestation des résultats électoraux en incitant nos gouvernements à ne pas les reconnaître et en signant la pétition en ligne, lancée de l’intérieur de l’Iran, qui demande à la communauté internationale "de protester auprès de l’ONU contre la plus grande fraude du siècle, la tyrannie et la violence". Notes Sources : medias québécois, français, états-uniens. Mis en ligne sur Sisyphe, le 12 juin 2009. Lire également : |